Une filière «légumes» à cultiver aussi
Répondant à l’invitation de l’Association d’Organisation de Producteurs (AOP) «Jardins de Normandie», Hervé Morin (président de Région) s’est rendu le 23 août dernier au SILEBAN (Société d'Investissement LEgumière et maraîchère de BAsse-Normandie) à Gatteville-le-Phare (50) pour un point légumier. Entre le financement des outils de recherche et de développement, les questions environnementales, le concurrence des grands bassins céréaliers (...), on garde espoir mais le doute commence
à s’installer aussi.
La Normandie peut être fière de son jardin. Avec 400 producteurs fédérés au sein de deux OP (Agrial et GPLM) plus une vingtaine de producteurs adhérents au syndicat «carottes et poireaux de Créances», elle fait pousser quelques 200 000 T de légumes par an sur 8 260 ha générant ainsi 3000 emplois. La Manche se taille la part du lion (6 000 ha et 3/4 des volumes) devant la Seine-Maritime (1 000 ha), le Calvados (700 ha) et l’Eure (500 ha). L’Orne fermant la marche avec 50 à 60 ha. Avec notamment le Val de Saire, zone non gélive, «nous occupons une place de leader sur 85% des volumes», se satisfait Bernard Guillard (président de «Jardins de Normandie»).
Premier en poireaux (40 000 T), premier en navet (15 000 T), premier en salade d’été (35 000 T)... Même le changement climatique favorise la donne. «Avec une température inférieure à 30oC, le Val de Saire devient une très bonne région d’été en jeunes pousses». Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes mais il faut continuer à cultiver son jardin car la concurrence pointe le bout de ses plantules. «Dès que ça va mal en céréales, le légume est la première production à prendre une volée», annonce Bernard Guillard.
La concurrence des zones céréalières
Et ce n’est pas tant la plaine de Caen qui fait peur aux Manchois mais plutôt les mastotondes comme la Beauce ou bien encore la Marne. Pour garder son train d’avance, la Normandie doit viser l’excellence et continuer à occuper le haut du panier avec des produits qui répondent aux attentes du consommateur. Mais ce n’est pas le bio qui est privilégié, problème d’enherbement. «Se remettre à 4 pattes pour sarcler les mauvaises herbes, ça ne marche pas», commente-t-on côté producteurs. «Par ailleurs, plus on va développer le bio et plus on va tirer son prix vers le bas».
Les légumiers Normands misent donc sur leur botte secrète à travers leur boite à outils de recherche. «Chaque travail mené au SILBAN profite au producteur»,insiste son directeur, preuves à l’appui. La plantation à trou en poireau, la protection du navet par filet, la segmentation de gamme en salades, l’allongement du calendrier en carottes (...), constituent toutes des évolutions techniques culturales 100 % utiles. Mais le SILEBAN est inquiet pour son avenir. Fini les contrats de plan Etat-Région, le financement de la recherche se base désormais sur des appels à projets avec peu pour l’investissement mais beaucoup de temps à dépenser pour monter les dossiers . «Le manque de visibilité financière du SILEBAN est de plus en plus marqué», s’inquiètent ses dirigeants. Réponse d’Hervé Morin : «je ne veux plus donner de subventions de fonctionnement. Je veux une culture d’objectifs et de résultats». Pour autant, la contribution financière du Conseil régional Normandie à la filière légume «est significative mais plutôt en baisse concernant le Sileban», s’accordent les différents acteurs. Pour conserver son dynamisme, la filière va donc devoir solliciter d’autres contributeurs. Le regard se tourne alors vers l’Agence de l’Eau «qui devrait être dans les mains de la Région, comme l’ADEME. Il y a là un problème de gouvernance public. C’est une immense nébuleuse qui gère des milliards d’euros», considère Hervé Morin.