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Alimentation
Vaches laitières : complémentation au pâturage

L'herbe pâturée est un fourrage de valeur nutritive élevée, peu coûteux à produire et qui peut constituer le seul aliment de la ration de la vache laitière. Mais la bonne conduite des prairies et les hauts niveaux de production de certains troupeaux nécessitent une complémentation adaptée.

Au pâturage, en Normandie, les laitières sont généralement complémentées, soit avec un (ou des) concentré (s), soit avec un fourrage généralement du maïs ensilage, soit avec les deux.20 à 24 kg de lait à l'herbe sans complémentation
Pour juger de l'intérêt d'un apport, il convient d'abord d'estimer le niveau laitier accessible avec de l'herbe pâturée seule dans la ration. Cette production a été validée  par des essais conduits à l'INRA du Pin au haras dans l'Orne et à près de Rennes (Tableau 1).
Ces niveaux de production sont obtenus avec des valeurs de prairies de bonne qualité à base de ray-grass anglais. L'herbe pâturée se caractérise alors par une valeur nutritive élevée, équilibrée en énergie et azote (0,90 à 1,00 UFL/kg MS ; 90 à 100 g PDIE/UFL ; 90 à 140 g PDIN/UFL), et peut ainsi constituer l'aliment unique de la ration d'une vache laitière.
Les valeurs prairies permanentes sont établies avec une flore de bonne qualité fourragère.  Les valeurs recherchées en ration hivernale en début de lactation sont de l'ordre de 0,92 à 0,95 UFL, 100 g de PDI par kg de MS. L'herbe pâturée se compare ainsi au niveau attendu des rations en période hivernale. Le maintien de cette qualité permettra une bonne ingestion et des apports nutritifs élevés. Pour cela, les règles de gestion ont été rappelées dans le numéro du 27 mars dernier (Tableau 2).

Le concentré est efficace au pâturage

La bonne gestion du pâturage se caractérise par un compromis entre le maintien de la qualité de la prairie et la production laitière. Dans ces conditions, l'herbe est offerte en quantité rationnée, notamment en fin de séjour sur les parcelles en pâturage tournant. L'ingestion est alors limitée avec moins d'herbe offerte. La complémentation s'impose, d'autant plus quand les performances des animaux sont élevées.  
L'efficacité du concentré en condition classique de gestion du pâturage est de l'ordre de 0,8 kg à 1 kg de lait par kilo brut de concentré. Elle est d'autant plus élevée que les apports énergétiques ne couvrent pas les hauts niveaux de production. Cela est particulièrement vrai quand le pâturage est sévère (hauteur sortie faible, chargement élevé) et qu'il limite l'ingestion de l'herbe.  
Cet apport de concentré va limiter un peu l'ingestion de l'herbe par effet de substitution.
Cette augmentation de la production laitière avec le concentré s'accompagne d'une baisse du TB de 0,3 à 0,4g/kg de MS de concentré consommé. La part des acides gras insaturés est un peu diminuée par ces apports car les vaches consomment un peu moins d'herbe. De son côté, le TP augmente au rythme de 0,2 g/kg de concentré. La reprise d'état et les gains de poids sont aussi la conséquence d'une distribution  de concentrés (Graphique 1).
A l'herbe, la couverture des besoins énergétiques est rarement constatée, ce qui explique que la réponse laitière est linéaire, proportionnelle à des apports croissants de concentré. Cette réponse est assez constante, dès qu'une quantité d'herbe offerte est conséquente, au moins 14 kg de MS/VL/j. Et rien ne sert d'augmenter démesurément cette quantité : il faudrait offrir 4 à 5 kg de MS d'herbe supplémentaire pour espérer produire le lait obtenu avec un seul kilo de concentré, avec le risque de dégrader très rapidement la qualité de la prairie.Simplifiez vous la vie avec une distribution constante de concentré
La qualité, voire la quantité d'herbe variant régulièrement, il est illusoire de corriger très fréquemment les apports. Aussi, un principe est d'établir une complémentation au moment de la mise à l'herbe, en fonction du lait par VL, et de garder cet apport au long de la saison de pâturage. Autre solution encore plus simple, distribuer la même quantité de concentré à toutes les vaches. Dans le cas d'apport identique de concentré entre vaches, l'effi-cacité semble indépendante du niveau de production entre 25 et 45 kg de lait par jour à la mise à l'herbe.
Les modalités d'apports du concentré n'ont pas montré de différences de performances entre une distribution individualisée (fonction du lait produit/vache) ou bien avec une distribution identique à l'ensemble du troupeau. Globalement, le lait produit est le même sur la période de pâturage. Cela est d'autant plus vrai quand les productions sont inférieures à 25 kg.
Pour les concentrés énergétiques, aucune différence marquante n'est  observée entre une utilisation de blé et de pulpe des betteraves, avec des quantités de l'ordre de 4 kg brut.  Jusqu'à 5 kg de céréales/VL/jour peuvent être distribués sans aucune conséquence  sur la production laitière ou les  pathologies.

Economisez les protéines
L'herbe bien gérée contient suffisamment de protéines pour se passer d'une complémentation azotée. Sauf en cas de faible fertilisation de prairie à base de graminées, avec de faible taux de matière azotée totale de l'herbe (moins de 14 %), ou en cas de ralentissement  de la croissance en été, les apports de protéines n'ont pas d'effet. L'azote en excédent dans l'organisme devra être rejeté (urine,  lait) ce qui constituera un gaspillage, doublé d'un coût de l'aliment élevé cette année. A moins de 8 kg de MS maïs, la complémentation azotée doit  être évitée quand la pâture est de bonne qualité.
Les céréales peuvent être donc être utilisées seules jusqu'à 30 kg de lait, l'excès d'azote de l'herbe vient compenser la faiblesse des céréales. L'azote présent dans l'herbe (mélange graminées avec légumineuses ou graminées seules fertilisées) permet de 5 à 7 kg de lait de plus que l'énergie pour les PDIN, et 2 à 4 kg pour les PDIE.
Au-delà de 30 kg, choisir un aliment autour de 150 PDI pour une distribution de 1 kg pour 3 litres. Rien ne sert de rechercher des aliments au-delà de cette concentration.
Ces réponses moyennes sont valables pour des quantités de concentrés inférieures à 6 kg/VL/jour. Le seuil de distribution peut commencer à 20 kg de lait.

A moins de 6 kg de MS, le maïs ensilage a peu d'effet
Une enquête auprès de 900 éleveurs adhérents du contrôle laitier du Calvados montrait qu'en 2006, 40 % d'entre eux fermaient le silo pendant au moins un mois.  Ce pointage avait été réalisé après l'annonce que 60 % des éleveurs bretons fermaient leur silo au moins 45 j, ce qui n'empêche pas des niveaux de productivité élevés. Alors d'où vient cet écart, fait-on moins confiance à la prairie en Normandie ? Le maïs est en général justifié par les fluctuations de la valeur du pâturage. Pourtant les suivis ont montré que la complémentation en fourrages est peu efficace dans la mesure où les conditions de pâturage ne sont pas trop sévères, et avec des prairies de qualité.
Le maïs ensilage est en effet moins bien valorisé qu'un concentré lorsqu'un fond de ration énergétique est souhaité. La substitution avec l'herbe est en effet plus faible avec du concentré pour un  niveau de lactation potentielle autour de 25 kg de lait. Dans l'exemple ci-dessous, un kilo de matière sèche de maïs ensilage diminue la consommation d'herbe de 0,85 kg alors qu'un kilo de concentré la limite seulement de 0,36 kg de MS (Tableau 3).
Le concentré est plus efficace dans le cadre d'un pâturage bien conduit. Ceci dit, le coût d'un kg de concentré est aujourd'hui au moins le triple d'un kg de matière sèche maïs.

Le foin  : peu d'intérêt pour la production laitière
Selon la pratique courante, un apport de foin permet au pâturage de ralentir le transit en assurant un apport de fibres longues. Une ingestion de “sec” rassure aussi quand l'herbe est le seul fourrage. Cependant, d'un point de vue des performances laitières, les essais réalisés montrent peu d'effet. Le seul facteur qui évolue est le TB qui s'oriente à la baisse quand la consommation de foin atteint 1,5 à 2 kg de matière sèche.  Le stock de foin peut donc être reporté en période de moindre croissance de l'herbe ou pour un autre troupeau.
La complémentation au pâturage peut se raisonner techniquement avec des réponses qui sont bien connues maintenant sur l'effet d'un fourrage complémentaire, d'un concentré.  Cette année, le raisonnement économique doit s'affiner par exploitation en fonction des stocks disponibles et des rapports de coûts entre les différents aliments disponibles.
Jean-Jacques Beauchamp
Chambre d’agriculture du Calvados pour le groupe Alimentation Normandie
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