Covid-19
Vente à la ferme « On a débité comme pour Noël »
Les magasins de producteurs figurent parmi la liste des établissements autorisés à ouvrir à titre dérogatoire. Comme les autres, ils ont fait face dès dimanche 15 mars à un afflux de clientèle. Une situation qui pose des problèmes sanitaires auxquels chaque producteur fait face, à sa manière.
Les magasins de producteurs figurent parmi la liste des établissements autorisés à ouvrir à titre dérogatoire. Comme les autres, ils ont fait face dès dimanche 15 mars à un afflux de clientèle. Une situation qui pose des problèmes sanitaires auxquels chaque producteur fait face, à sa manière.
A la ferme du Houguet à Réville dans le Val de Saire, Alain Cottebrune s’active. « C’est chaud », témoigne le maraîcher, installé depuis 1992 dans la ferme familiale. Son magasin, La Verdura, a fait face à « un rush » mardi 17 mars, dès le matin, à la suite de l’annonce du confinement. « On a été dévalisé », témoigne l’agriculteur qui emploie neuf salariés. Il avait prévu des radis et des salades pour les deux collèges qui s’approvisionnent chez lui et dont les commandes ont été annulées. « J’avais des craintes par rapport aux radis ». Il n’en a plus en stock. Aussi, il a décidé de limiter ses livraisons aux magasins bio habituels pour privilégier la vente à la ferme.
De l’autre côté de la Normandie, à Tanques, au sud d’Argentan (61), Thomas Graindorge produit du lait qu’il transforme et vend à la ferme et aux grandes surfaces. La fermeture des restaurants vendredi soir l’a un peu impacté, mais c’est surtout la grosse commande de crèmes chocolatées, annulée par l‘école, qui lui reste sur les bras. Sur Facebook, il poste une promotion pour écouler ses 100 litres. « On a posté le samedi soir [14 mars] ». Le lundi matin, il n’y en a plus. « On ne s’attendait pas à voir autant de monde ». La vente en grande surface a été particulièrement démultipliée, « on a débité comme pour Noël », s’étonne encore l’éleveur, en rupture de crème, et qui n’avait « rien anticipé. On ne pensait pas qu’il y aurait une rupture de produits frais ».
Règles de sécurité
Pour faire face à l’afflux de clients, il a modifié son accueil. « On a un système de libre-service, avec une tirelire à côté du réfrigérateur ». Pour limiter la manipulation des denrées, il a mis en place un système de commande, « on fait les sachets à l’avance ». Le local de vente est muni de gel hydroalcoolique. « On a affiché des recommandations : se laver les mains avant et après de prendre la commande, un lavabo est aussi à disposition ». Il désinfecte le local régulièrement dans la journée.
Nadège Mahé vend des caissettes à Coudeville (50) toutes les six semaines. TVR assurant ses services, elle a maintenu la vente. Pour respecter les règles, elle a envoyé par mail à ses clients une liste de mesures à prendre : préparer son stylo pour le chèque, ne pas être plus de deux dans le magasin, respecter une distance de 1 mètre avec les autres clients et les vendeurs.
Thomas Graindorge et son épouse, « ça [l’afflux de clients] va être temporaire, le pic de consommation est lié à la panique générale ». - © DB
Miser sur la livraison
La nécessité du confinement incite à développer la livraison à domicile. Jeff Lubrano, l’inventeur de la paille en paille La Perche a lancé un projet bénévole de livraison de produits de la ferme. Les Paniers perchés visent à éviter les contacts dans le secteur de Bellême (61). « On va récupérer les produits à la ferme, ils sont commandés et payés sur le site, puis on les livre », indique le président de l’association. Les cartons sont déposés devant la maison. Pour limiter les entrées dans son magasin, Alain Cottebrune a modifié son offre de livraison. Le tarif a été réduit à 1 euro symbolique pour les paniers de plus de 30 euros, il est même gratuit pour les personnes de plus de 60 ans. Les commandes explosent.
Risques pour les vendeurs
La question de la contamination est cruciale pour les producteurs-vendeurs : « et si un salarié est contaminé, demande Thomas Graindorge, que se passe-t-il ? ». Dans le pays d’Auge où de nombreux Parisiens ont débarqué dès samedi 14 mars, Clément Lebrun s’est posé la question de continuer à ouvrir son magasin à la ferme. Le cidriculteur vend aussi au marché de Houlgate les jeudis et samedis. « Sachant qu’on ne vend pas des produits de première nécessité, je me demande, est-ce que je dois prendre des risques pour le peu de vente que je vais faire ? D’un autre côté, on est attendu par les clients, on ne veut pas les décevoir ».
Finalement, Clément Lebrun a maintenu ses deux points de vente, « avec les précautions en vigueur, plutôt bien respectées".
Alain Cottebrune parmi ses planches à Réville dans le Val de Saire (50), « on a mis en place une livraison à domicile avec un tarif adapté et gratuite pour les plus de 60 ans ». - © SB
La Verdura (maraîchage) à Réville dans le Val de Saire (50)
Gaec de Brédeville (viande bovine normande) à Coudeville (50)
https://www.viande-bredeville.com/
Ferme de la Noé (produits laitiers) à Tanques (61)
Ferme du bois Aulnay (produits cidricoles) à Gonneville-sur-Mer (14)