En Basse-Normandie : l'observation foncière au service des politiques
VIGISOL veille au grain
L'épaisseur des sols dans le Calvados est en moyenne de 53 cm. Pour l'Orne et la Manche, les chiffres tomberont dans quelques mois.
L'épaisseur des sols dans le Calvados est en moyenne de 53 cm. Pour l'Orne et la Manche, les chiffres tomberont dans quelques mois.
Tel est un des enseignements des travaux menés par Vigisol. Vigisol est une association (type loi 1901) créée en 2011 à l'initiative de la SAFER de Basse-Normandie et de Patrick Le Gouée (enseignant, chercheur et maître de conférence à la Fac de Géographie de Caen). Au départ de ce chantier, une étude sur l'érosion des sols avec entre autres partenaires le Conseil général du Calvados et la DIREN.
Trois années de travaux à 3 pédologues pour prélever 8 à 9 000 échantillons de terre (soit 1 pour 30 à 40 ha). Terre analysée ensuite sous toutes ses coutures : texture, épaisseur, charge caillouteuse, hydromorphie et stabilité structurale. Ces données ont permis de cartographier le potentiel agricole de l'ensemble du territoire, "par rapport à une agriculture conventionnelle", précise cependant Patrick Le Gouée. Une information intéressante pour tout agriculteur qui souhaite louer ou acquérir du foncier mais surtout une information à laquelle devraient être sensibles les élus (locaux et nationaux) et les collectivités territoriales dans leurs projets d'aménagement et de développement.
"Entre 1998 et 2006, 1 ha sur 2 artificialisés dans le Calvados était constitué de très bonne terre", illustre notre chercheur.
On s'en doutait. Encore fallait-il le mesurer. Autre exemple durant cette même période : "l'artificialisation représente pour la ferme départementale une perte de potentiel de production en céréales équivalente à 2 %".
Si nourrir la planète constitue le défi de demain, ces deux chiffres jettent un pavé dans la mare, y compris dans les officines plaidant la décroissance.
Alors, quand le Ministère de l'Agriculture a voulu donner un coup d'accélérateur à la mise sous surveillance de la consommation et à la connaissance plus fine de la qualité des terres agricoles en France à travers le programme labellisé RRP (Référentiel Régional Pédologique), les pouvoirs publics se sont naturellement tournés vers la SAFER et Vigisol. C'est désormais au tour de l'Orne et de la Manche de passer au crible les terres agricoles pour mieux en apprécier la valeur agronomique et naturelle mais à un niveau de précision revu à la baisse (1 sondage pour 400 ha correspondant à l'échelle du 250 000ème). L'ensemble du territoire régional sera couvert à une échelle encore plus fine par VIGISOL à l'horizon 2018 mais les travaux ont déja commencé, notamment dans l'Orne de façon ciblée.
Il s'agit d'infirmer ou de confirmer le classement en ZDS (Zone Défavorisée Simple) qui conditionne l'octroi de primes ICHN (Indemnité Compensatrice d'Handicap Naturel, 3 000 EUR /an environ d'aide par exploitation). Le sol, avec la topographie et le climat, est en effet un facteur de classification. "A travers toute cette collecte de données et leurs mises en perspective, notre objectif est d'apporter une valeur ajoutée sur ce marché dans le cadre de notre mission d'analyse de la consommation de l'espace, souligne Stéphane Hamon, directeur général de la SAFER de Basse-Normandie. C'est aussi une façon de proposer aux agriculteurs une contre-expertise aux expertises études ponctuelles menées par des organismes non aguerris aux problématiques agricoles".
Autre corde à l'arc de Vigisol : la photo-interprétation de l'urbanisation par comparaison dans le temps de clichés de photographies aériennes. "L'objectif est d'aller encore plus loin dans la connaissance du phénomène et de mesurer la gravité l'importance et la rapidité de l'urbanisation, soutient Guillaume Jouan, chargé d'études à la SAFER. Nous voulons donner de la qualité à la quantité."
La base de ce travail : des photos aériennes, achetées auprès de l'IGN, des Conseils généraux ou du Conseil régional, décortiquées par l'oeil humain et qui va qualifier ce qui a remplacé hier une terre cultivée. Ici un pavillon, là un terrain de tennis, ailleurs un aménagement routier... 28 000 objets (c'est le terme) soit 16 par communes ont déjà été relevés en Basse-Normandie. Un grand chantier de mise à jour est en cours durant cet été 2013. On pourra ainsi vérifier si les élus qui clament vouloir faire de la préservation des terres agricoles une priorité ont mis en adéquation leurs discours avec leurs actes. Bien sûr, il ne s'agit pas pour Vigisol de distribuer les bons et les mauvais points mais de prendre de la hauteur et apporter de l'expertise sur cette question comme le demande la dernière loi Grenelle.
Son rôle se veut préventif. Voir de haut et dans le temps ce qui s'est fait en bas. Un outil d'aide à la décision en quelque sorte au service de politiques de développement mais économes du foncier agricole et naturel.