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80e anniversaire du Débarquement
À 103 ans, Yvonne Paris se souvient de la drôle de guerre

À 103 ans, Yvonne Paris fait partie des témoins précieux de cette Seconde Guerre mondiale. Dans les moindres détails, elle se souvient, elle raconte encore et toujours parce que " les Américains ont eu du courage. Que serait-on devenu sans eux ?", confie-t-elle. Rencontre.

â Yvonne Paris, née Mancel le 14 mars 1921 à Laulne (canton de Lessay), est arrivée à Varenguebec à Noël 1928. Et c'est le métier d'agricultrice qu'elle a exercé aux côtés de ses parents. "J'aurais bien fait autre chose", confie-t-elle, intéressée par les sciences. "Mais ma sœur Denise n'ayant pas fait d'études, mon père ne voulait pas faire de différence", se désole-t-elle.

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Une drôle de guerre

Varenguebec, petite commune de la Manche de 448 habitants à l'époque, a été le théâtre de "cette drôle de guerre", comme le souligne Yvonne Paris. "Cela menaçait depuis déjà plusieurs jours mais cela s'est réveillé le 10 mai 1940", se souvient-elle. "Quand les Allemands sont arrivés, c'est ma sœur qui les a accueillis et je suis partie prévenir mes parents. Les soldats arrivaient de Namur. La commune n'ayant pas d'électricité, elle ne présentait pas d'attrait pour eux. Pour autant, nous n'étions pas trop tranquilles", assure-t-elle.

Yvonne a connu les tickets de rationnement, l'absence de sucre, de confiture... "On en faisait avec du cidre nouveau, on grillait l'orge pour remplacer le café", raconte-t-elle. "Mais quatre ans, c'est long ! On espérait toujours".

Même à 103 ans, Yvonne Paris garde en tête le moindre détail. Elle se rappelle à cette époque le nom de ses chevaux : Roulette, Papillon, "Et puis, il y avait Marmot qui ne valait rien, même pas quatre sous", sourit-elle.

Et dans sa tête, reste gravée cette date du 11 juin 1944. "La nuit avait été tourmentée. Il fallait regrouper les animaux et nous sommes parties traire avec ma sœur. Quand on a commencé à traire, ma sœur me dit 'je commence à avoir peur'".

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Les Américains, on les attendait

Yvonne se rappelle très bien de ces mots car la suite fut tragique. "Je trayais ma vache près d'elle. Je suis allée vider mon seau, et là j'ai vu le feu arriver sur un arbre. Une bombe est tombée. Ma sœur a été foudroyée à côté. C'était affreux. Elle s'est vidée de son sang. On l'a ramenée dans une brouette". À cette période, Varenguebec a compté plus de huit morts. 

"Pourquoi elle, pourquoi pas moi", murmure-t-elle. "Je n'avais plus de divertissement", disait Yvonne. Sur les terres, tout avait pratiquement brûlé. "Nous n'avions même pas une charrette pour partir. Et partir où ? C'est ça ! Mon père voulait aller vers la mer pour avoir un seul côté à surveiller", se rappelle-t-elle. Mais quand les Américains sont arrivés, ce fut un soulagement. "On les attendait. Qu'est-ce qu'on serait devenu sans eux. Ils ont fait preuve d'un tel courage", reconnaît-elle.

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Repartie de zéro

Petit à petit, la famille Mancel s'est reconstruite là où était leur ferme. "On a fait des appentis sur les murs et on a pu traire notre première vache le 12 septembre 1944. Tout était à refaire", indique la centenaire, mariée en 1946 à Paul qu'elle avait rencontré à la JAC (Jeunesse agricole chrétienne). En 1972, Yvonne et Paul quittent Varenguebec pour s'installer à La Cambe (Calvados), commune aussi marquée par la guerre, puisqu'elle abritait des hôpitaux, non loin de la ferme, et cette dernière une aire d'assemblage de Jeeps et de GMC très importante. 

Sa belle-fille, Christine, fait partie des passionnés par cette période de l'Histoire et avec d'autres personnes elle s'est attachée à recueillir le témoignage du plus grand nombre. "J'ai grandi dans le Midi mais c'est quand j'ai vu un documentaire sur les camps de concentration que j'ai été bouleversée", indique-t-elle. 

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Arrivée en Normandie en 1986, Christine a toujours eu à cœur de recueillir des témoignages parce que "ce sont les racines de la région. C'est aussi important de pouvoir transmettre aux jeunes générations", explique-t-elle. Tous les témoignages sont à retrouver dans l'ouvrage de 340 pages "En juin 1944, j'avais ton âge".

"Raconter, ça fait du bien, ça réconforte. Cela permet de se sentir soutenue. Et puis les Américains le méritent bien !" conclut Yvonne Paris.

Barbara, sa petite-fille, agricultrice

"Ma maman s'intéresse énormément au 80e, à cette guerre qu'a vécue ma grand-mère. J'ai probablement entendu des choses que je n'aurais peut-être pas dû, des choses qui nous ont marqués. Quand la ferme à Varenguebec a été vendue, une stèle a été posée en mémoire de la sœur de ma grand-mère, Denise, décédée dans le champ en train de traire sa vache. Mamie a une telle mémoire, elle nous raconte ce qu'elle a vécu avec une telle précision qu'on a l'impression d'y être. Les gens qui ont habité ici, sur cette ferme, ont témoigné aussi. Cela nous intéresse et nous marque. C'est important d'avoir recueilli leur témoignage.

Petite, je me rappelle que mon père pouvait retrouver des pièces d'assemblage de jeep dans le champ qui n'avait pas été labouré, parce que sur la ferme où nous sommes à la Cambe, se trouvaient des hôpitaux ou encore un site de construction de chars. Depuis que je suis installée, je n'en ai jamais retrouvé."

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