Après 10 ans de combat juridique : une affaire vraiment empoisonnée
Il y a 10 ans, le troupeau d’Yves Guillouet (éleveur à Culey-le-Patry-14) était décimé par un empoisonnement au plomb. La justice lui a rendu raison en condamnant le fabricant d’aliments et le transporteur. Mais Yves attend toujours...

llll L’histoire remonte au 15 août 2008. Yves Guillouet, producteur de lait à Culey-le-Patry (14), retrouve ce matin-là une première vache morte. Puis, la totalité du troupeau est décimée en quelques jours. Verdict : un empoisonnement au plomb. Empoisonnement accidentel dû cependant à une grave négligence d’un transporteur et d’un fabricant de drèche de brasserie. Une benne de camion mal lavée et des résidus de batterie de voiture (mine de plomb) qui se retrouvent dans l’aliment vaches laitières. Les faits sont établis et non contestés.
9 ans de combats juridiques et de procédures
Il a fallu 9 ans de combats juridiques et de procédures de la part de l’éleveur, soutenu par le syndicalisme et les OPA (Organisation Professionnelle Agricole) pour voir enfin la société de transport et le marchand d’aliments condamnés. Il restait aux responsables des deux entreprises à régler à l’éleveur les indemnisations des dommages et du préjudice moral. Mais certains savent retarder les échéances.
Pire encore, la justice n’impose aucun paiement immédiat et c’est à Yves de remettre le couvert et entamer des procédures de recouvrement forcément onéreuses. Dans une situation agricole compliquée où les éleveurs vivent leurs métiers sous grande tension, la FDSEA 14 ne pouvait accepter une telle indifférence qui amplifie la détresse morale et financière de leur collègue.
C’est pour dénoncer cette injustice qu’elle a organisé, samedi dernier, une conférence de presse à Culey-le-Patry.
Dans l’attente de 40 000 € d’indemnisation
« S’il n’y avait pas eu toute cette solidarité du syndicalisme agricole et des OPA (Organisation Professionnelle agricole), j’aurais mis depuis longtemps la clé sous la porte », affirme d’emblée Yves Guillouet. « Les fournisseurs ne me mettent pas le couteau sous la gorge mais, malgré l’arrêt définitif de la cour d’appel exécutoire depuis septembre dernier, j’attends toujours le solde des indemnisations ».
Ce solde, ce sont 40 000 € environ. «L’équivalent de quatre années de revenu agricole», tempête Daniel Courval. Le responsable « viande bovine » de la FDSEA 14 mouille la chemise sur cette affaire depuis le début «mais aujourd’hui, on ne sait plus quoi faire, on ne sait plus vers qui se tourner...» Samedi dernier, pour soutenir Yves, il était accompagné de Christophe Macé (président de la FDSEA du Calvados), Xavier Hay et Loïc Bailleul.
Un huissier de justice à 10 %
Pour obtenir gain de cause, Yves Guillouet peut toujours recouvrir les services d’un huissier de justice mais la procédure à un coût : 10 % des sommes en jeu. Bien évidemment, un 10 % que notre éleveur pourra se faire rembourser par la suite mais au prix de nouvelles procédures. « C’est le petit commerce de la justice », déplore Christophe Macé. En attendant, au lieu-dit « Le Carcanet » à Culey-le-Patry, c’est un projet de développement d’une entreprise qui traine depuis trop longtemps la savate, ou plutôt le sabot. La banque a suivi et fait preuve elle aussi de solidarité mais a besoin de lisibilité à court terme pour accompagner financièrement l’avenir. Yves ne demande que cela. Il aimerait aussi tourner la page pour passer à autre chose. La mine de plomb lui mine son quotidien depuis 10 ans. La justice a tranché mais son pas de temps n’est pas calé sur celui de l’économie.