Chambre d’agriculture (50) : pas de techniciens ni d’élus hors sol
La session du 23 novembre était la dernière de la mandature de Pascal Férey. L’occasion pour le président de dresser un bilan de ses six dernières années marquées, entre autres, par la crise de l’élevage.

>> Vous avez qualifié 2018 comme une année compliquée. Qu’en est-il de ces six années de mandature ?
Au niveau de l’actualité agricole, la mandature dans son ensemble a été très compliquée en raison de la crise agricole, la réforme de la PAC (politique agricole commune), un certain nombre de lois de plus en plus contraignantes vis-à-vis des agriculteurs. Ce qui nous a obligés à être toujours sur la brèche pour permettre l’évolution de notre monde professionnel. Le dossier le plus difficile à traiter a été évidemment la crise de l’élevage en 2015/2016, avec la mise en place du Plan de soutien à l’élevage (PSE), bénéfique à 2 000 exploitations dans la Manche.
La Chambre d’agriculture a instruit tous les dossiers pour le compte de l’administration en raison du manque de moyens humains pour le faire. En même temps, nous avons su le faire en étroite collaboration avec les organisations professionnelles et l’administration.
>> Les cellules d’aide telles que Agri collectif apportent-elles des réponses ?
La cellule Agridiff a disparu il y a une quinzaine d’années. Un manque se faisait sentir dans le département. Par conséquent, avec le CAF (organisations agricoles), il a été mis en place Agri Collectif, une cellule qui vient en soutien aux agriculteurs. Nous avons besoin de le faire mutuellement. Cette cellule, présidée par la FDSEA, et gérée par la Chambre d’agriculture, regroupe des techniciens, et réunit tous les partenaires de l’agriculture. On peut être amené à intervenir auprès de fournisseurs d’énergie pour éviter une coupure de courant par exemple.
>> Les jeunes installés choisissent-ils toujours autant le parcours aidé ?
L’installation reste un dossier majeur pour notre département. 1 343 porteurs de projets ont été accueillis au Point d’accueil et d’information. Depuis 2013, ce sont 518 installations aidées qui ont été recensées. D’autres jeunes s’installent hors parcours aidé. Cela s’explique par sa complexité. Ce n’est pas sa conception qui est mise en cause mais sa contrainte administrative vu les enjeux financiers et fiscaux qui s’y rattachent. Quand les taux étaient à 5 ou 6 %, avoir un prêt à taux bonifié à 1,5 % avait un sens. Le suivi du plan de développement de l’exploitation reste également très contraignant. Pour autant, à mon sens, c’est une erreur de ne pas choisir le parcours aidé, parce qu’il est qualificatif. Cela permet d’avoir une formation minimum. Et le monde agricole ne peut pas s’exonérer de formations. On s’engage à les accompagner durablement parce que l’installation des jeunes est une priorité avec le renouvellement des générations.
>> En 2015, vous avez défini des orientations stratégiques pour une agriculture manchoise, durable, innovante et rémunératrice. C’est dans ce sens que vous souhaitez poursuivre ?
L’agriculture sera obligatoirement durable, et s’appuiera sur les trois piliers : environnemental, social et économique. Tourner le dos à l’environnement est une bêtise. Au quotidien, les règles environnementales nous le rappellent. Il suffit de regarder ce qu’il passe : le réchauffement climatique n’est pas une vue de l’esprit. L’agriculture n’est pas un problème mais une solution. C’est la seule économie de production qui émet des gaz à effet de serres et qui les recycle. On en recycle beaucoup plus qu’on en émet. C’est pour cela que je ne veux plus entendre parler de premier ou deuxième pilier, des mesures agro-environnementales qui correspondent à des contrats de rémunération d’une décroissance. Quand on parle des services environnementaux rendus, on rémunère un acte de production qui rend service à la collectivité. Pour les six ans à venir, nous irons encore plus sur l’environnement mais l’environnement positif.
>> Vous demandez aux élus d’ouvrir leur ferme. Pour quelles raisons ?
Effectivement, c’est mon souhait. Ouvrir toutes les fermes, et plus particulièrement celles des responsables professionnels est important. On ne peut pas être le porte-parole d’une profession si nous ne pouvons pas justifier ce que nous sommes. C’est une règle absolue. Notre crédibilité résulte de notre faculté à dire qui nous sommes, ce que nous faisons. Je ne préconise pas l’exemplarité, mais l’ouverture. Nos exploitations sont belles, dynamiques. Nous devons être fiers de notre agriculture manchoise.
>> Faut-il encore défendre la place de l’agriculture dans les territoires ?
Sans agriculture, sans activité économique, le territoire est mort. J’ai fustigé des présidents d’EPCI qui portent des SCOT (schéma de cohérence territoriale) où les mots emplois et économie n’existent pas. Qu’est-ce que ce monde sur lequel on pense que la décroissance est un facteur d’activité. Cela n’existe, pas même en rêve. Là où il y a un aménagement du territoire prospère, il y a du plein emploi, de la richesse. Je suis fâché avec ceux qui tournent le dos au progrès.
>> Comment la Chambre d’agriculture de la Manche participe-t-elle à prendre le Cap Normandie avec la CRAN (Chambre régionale d’agriculture) ?
Le déplacement des centres de décisions (Région, préfecture…) nous a conduits à une régionalisation. Mais je crois à un déploiement sur le territoire départemental pour être plus près de nos clients, de nos ressortissants, et à un rassemblement pour peser fort auprès des centres de décisions. La Chambre régionale a donc tout son sens. Et nos antennes départementales également. Nos techniciens ne sont pas « hors-sol », ils doivent être sur le terrain, à Saint-Lô, mais aussi à Valognes, Coutances, Avranches, et au plus près de ceux qui nous élisent.
L’aboutissement du projet consisterait à ce que les présidents des Chambres départementales deviennent vice-présidents de la CRAN, avec une délégation de territoire pour redonner un sens à l’action. Etre élu c’est honorable mais c’est aussi du travail. La vraie mission d’un élu, c’est d’être sur le terrain.