Comment concevoir un atelier de transformation à la ferme
Vous voulez vous lancer dans une activité de transformation à la ferme pour la vente en circuits courts : abattage de volailles, découpe de viande, transformation de produits laitiers, transformation des fruits ou légumes… Les questions qui viennent sont multiples : quelle taille ? quelles pièces ? comment organiser mon labo ? quels matériaux ? quel coût ?
Cet article fait le point sur les éléments clés à prendre en compte dans la conception d’un atelier de transformation à la ferme.
Le préalable : bien penser son projet dans son ensemble
Un projet d’atelier de transformation à la ferme se réfléchit sur du long terme et en cohérence avec le projet d’entreprise. Avant de penser à la conception du labo, il est indispensable de réfléchir à la gamme de produits, aux débouchés possibles (en s’appuyant sur une étude de marché), à la rentabilité de l’activité (quels revenus vais-je me tirer, cet atelier vaut-il vraiment le coup économiquement parlant ?), à l’organisation du travail (comment s’organisera l’activité de transformation et vente en circuits courts ?)… bref, au projet dans sa globalité !
Une fois ces éléments définis, plusieurs questions sont à creuser afin de pouvoir bien dimensionner le labo :
• Quelles quantités allez-vous traiter, au démarrage, dans 3 à 5 ans, et à plus long terme ? (on ne reconstruit pas un labo tous les 2 ans)
• Quelles espèces ? Sur de la viande, que l’on travaille des agneaux ou des gros bovins, la hauteur des rails et de la chambre froide sera différente.
• Quelle sera la nature des produits transformés ? En produits laitiers : transformer des yaourts ou fabriquer des fromages affinés ne demande pas le même matériel ni le même nombre de pièces, et l’ambiance des pièces est différente.
• Combien de personnes vont travailler en même temps ? Quelle organisation du travail est prévue ? Un abattage de 100 volailles sur une journée, ou réparties 3 fois dans la semaine, nécessitera un équipement et une taille d’abattoir différents.
• Quel niveau sanitaire ? Selon que vous prévoyez de vendre vos produits à des intermédiaires ou en direct au consommateur, vous serez ou non soumis à l’agrément CE et à des exigences variables : par exemple, l’agrément CE sur un atelier de découpe de viande implique une climatisation du local.
• Quel lieu d’implantation ? Selon que vous envisagez d’aménager un bâtiment existant ou de réaliser une construction neuve, les contraintes ne seront pas les mêmes. Pensez aussi à la direction : on privilégiera un éclairage naturel, les groupes froids au nord, et on évitera d’être sous les vents dominants par rapport aux bâtiments d’élevage.
• Quels débouchés ? Pour la vente à la ferme, un magasin sur place sera nécessaire (prévoir l’accessibilité handicap). Si vous livrez vos produits à des intermédiaires, une salle de préparation des commandes et un quai d’expédition pourront être à prévoir.
• Quel système d’assainissement pour traiter les eaux usées, les graisses… ?
Cela vous permettra de définir plus précisément les différentes pièces nécessaires, leur taille et leur ambiance, avant de pouvoir les agencer entre elles, tel un puzzle !
Quelques grands principes de conception
Le Paquet Hygiène et ses règlements 852/2004 et 853/2004 régissent la réglementation sanitaire des denrées alimentaires.
Ils instaurent une obligation de résultat, et la mise en œuvre de quelques grands principes d’hygiène, notamment :
- Respecter la marche en avant (pour les produits, les personnes, les fluides, le matériel), avec un sens de marche, sans aller-retour.
- Séparer les zones de travail : propres et sales, froides et chaudes, humides et sèches…
- Séparer les différentes étapes de travail, dans l’espace ou, à défaut, dans le temps
- Spécialiser les pièces, selon leur usage : légumerie si des légumes bruts sont traités, plonge pour la vaisselle…
- Tout atelier doit être équipé d’un sas et d’un vestiaire (le plus souvent avec douches et wc)
- Le local doit être alimenté en eau potable (raccordement au réseau ou autorisation préfectorale)
- Les murs, sols et plafonds doivent être lisses, lavables, lessivables, imperméables, résistants à la corrosion, et faciles à nettoyer et à désinfecter
Quels matériaux utiliser ?
Tout en respectant ces principes-là, vous êtes libres de choisir les matériaux que vous préférez. Plusieurs critères seront à prendre en compte : la durée de vie, la résistance, les critères techniques spécifiques à chaque surface et le prix.
• On trouve souvent des sols en carrelage, en béton quartz, ou en résine.
• Les murs peuvent être en béton ou placo revêtus de peinture alimentaire, de carrelage, ou de PVC, ou résine, ou en panneau sandwich, le plus couramment rencontré. Les angles sols / murs / plafonds doivent être arrondis pour faciliter le nettoyage.
• Les plafonds peuvent être en panneau sandwich, dalle ou lambris PVC, en panneaux isolants, plaques de plâtre hydrofuge, panneau de laine de verre ou mousse de polyuréthane pour des pièces non alimentaires.
Les systèmes d’arrivée et d’évacuation des eaux, l’éclairage, la ventilation, la gestion des températures, les types de portes et fenêtres… seront aussi des éléments à prendre en compte dans la conception de l’atelier.
Quelques astuces
Vous devrez être vigilant à ne pas vouloir faire de fausses économies, au détriment d’une organisation efficace, de la qualité du travail ou de la sécurité sanitaire. Par exemple, si la flexibilité accordée aux ateliers de transformation à la ferme de produits laitiers permet la création d’un atelier sans WC, il reste très pratique au quotidien que le labo soit équipé de toilettes.
N’oubliez pas de prévoir les locaux annexes : bureau, local technique, pièce de stockage des emballages (souvent prévue trop petite), légumerie, plonge…
Pensez à prévoir des ouvertures assez grandes pour entrer et sortir le matériel.
Enfin, pensez à bien respecter les procédures d’urbanisme : permis de construire ou déclaration préalable.
Tous ces éléments sont quelques pistes, mais avant de réaliser votre plan de labo, allez voir un maximum d’ateliers, échangez avec vos collègues sur leur retour d’expérience, les erreurs à ne pas faire… Prenez le temps de bien mûrir votre projet, et de vous entourer des personnes adéquates (collègues, conseillers…).
Des aides à l’investissement pour les laboratoires de transformation
La région Normandie ouvre début octobre un appel à projet « Investissements en transformation à la ferme et commercialisation en circuits courts », pour les agriculteurs ou groupements d’agriculteurs. L’acquisition de matériel (neuf) ou la réalisation de travaux (par entreprise) pour la transformation et la vente des produits de la ferme peuvent être financés à hauteur de 40%, avec un minimum de 1000 € et un maximum de 120 000 €. Les dossiers et leurs nombreuses pièces jointes seront à déposer avant le 30 novembre 2018 et seront sélectionnés par un système de points. Il est interdit d’engager les travaux ou les dépenses avant d’avoir reçu l’accusé de réception de votre dossier complet par la Région.
Vous avez un projet ? Contactez votre conseiller produit fermier à la Chambre d’agriculture
Il pourra vous transmettre le dossier de demande de subvention par mail ou par courrier, vous accompagner dans le montage du dossier et dans l’élaboration de votre projet (étude économique, étude de marché, plans des ateliers de transformation, plan de maîtrise sanitaire, communication…) :
• Calvados : Caroline Kervarec - 02 31 70 25 59 - c.kervarec@calvados.chambagri.fr
• Manche : Anne Manach - 02 33 06 49 92 - amanach@manche.chambagri.fr
• Orne : Aline Davy - 02 33 31 48 29 - aline.davy@orne.chambagri.fr
En savoir plus : https://aides.normandie.fr/node/1784
Une formation pour concevoir son atelier
Les Chambres d’agriculture de Normandie proposent une formation « Créer ou rénover mon laboratoire », sur 2 jours, pour vous poser les bonnes questions avant de construire ou de rénover votre laboratoire de transformation.
Au programme : règles sanitaires, conception du laboratoire (activités prévues, les pièces et leur surface), aspects organisationnels (organisation du travail, agencement des pièces), coûts (investissement et fonctionnement), erreurs à éviter dans la conception, choix des matériaux. Avec analyse de cas concrets.
Rendez-vous à Saint-Lô (50) les 20 et 21 novembre 2018, et à Bois Guillaume (76) les 28 et 29 janvier 2019.
Renseignements et inscriptions au 02 33 06 49 69.
Au-delà de la formation, les conseillers bâtiments et circuits courts peuvent vous accompagner dans la conception de votre plan de labo, la réalisation des plans, le dépôt du permis de construire, etc.