Coup de gueule des éleveurs de bovins viande : adieu discours de Rungis, bonjour tristesse
Dominique Bayer, responsable viande à la FDSEA de l’Orne, et Thierry Thomas, responsable secteur plaines et engraisseurs de JB, tirent la sonnette d’alarme. Dans la campagne, les éleveurs de viande bovine vont mal. Encore cette année, leurs revenus sont en berne : baisse de la production, chute des cotations, sécheresse, fermeture de Cagny.

lll « Il y a environ deux semaines, au marché de Saint-Christophe-en-Brionnais, douze éleveurs ont mis leurs cheptels en vente. Un pour cause de retraite. Les autres pour difficultés économiques. » Pour Thierry Thomas, responsable FDSEA, le constat est sans appel : le secteur allaitant va mal. Chiffres à l’appui : « entre 1998 et 2018, le prix de vente des broutards a été multiplié par 1,6. Celui des JB par 1,4. Celui des vaches de réforme par 1,2. Mais le prix des aliments a lui été multiplié par 1,9 celui du fioul par 3,4, ceux des services extérieurs entre 2 et 3 ». Dominique Bayer, responsable viande à la FDSEA, confirme : « partout, les éleveurs décapitalisent. Même dans les bassins allaitants. La rentabilité n’est plus là ». La ferme France annonce – 8 % d’abattages en 2019 par rapport à la même période en 2018. « En abattant moins, les structures diluent moins leurs charges fixes. Et font pression sur le prix de la viande payé aux producteurs », constate Thierry Thomas.
Catastrophe annoncée
À la suite des EGA, rien n’a bougé. « J’ai eu une lueur d’espoir après le discours de Macron à Rungis, j’ai senti un élan, reconnaît Dominique Bayer. Mais rien n’est revenu à l’éleveur. Les interprofessions devaient nous permettre la mise en place de contractualisations, de prendre en compte les coûts de production, de monter en gamme. Les éleveurs servent encore et toujours de variable d’ajustement pour les autres maillons de la filière. » Autre crainte, les traités de libre-échange mis sur la table du gouvernement : « l’Assemblée nationale a ratifié le Ceta. Il est inadmissible d’importer de la viande qui ne correspond pas à nos exigences de production. Malgré tout, nous saluons nos députés ornais qui ont voté contre. Quant au Mercosur, certains n’ont pas pris la mesure de la catastrophe annoncée », lâche Dominique Bayer. Et Thierry Thomas d’insister : « les gens sont déconnectés ». À cela s’ajoute l’effet de la sécheresse : faible production d’herbe et de maïs dans certains secteurs du département. « Les éleveurs seront obligés d’acheter du fourrage ou de décapitaliser. » Dernier coup d’épée dans le dos des producteurs, l’absence de soutien du gouvernement pour empêcher la restructuration de la sucrerie de Cagny : « nous pénalisons les productions locales. On a encore tout faux. Les coproduits qui sortaient de la sucrerie étaient intéressants pour les éleveurs ! À l’heure où on parle proximité et élevage local, on nous va nous obliger à acheter les matières qui traversent des océans. »