Du maigre Normand pour faire un peu de gras à l’export
Si les derniers écueils sont levés, 300 à 350 jeunes bovins maigres devraient quitter, sous peu et en avion-cargo, le tarmac normand pour finir leur engraissement et se faire abattre en Iran. A terme, le potentiel est estimé à 20 000 têtes/an.

Les voyages ne forment pas que la jeunesse. Ils peuvent également former des flux commerciaux vecteurs de plus-value. C’est tout du moins ce qu’espère Hervé Morin. Mercredi dernier, sur l’exploitation de Daniel Génissel (président de la Chambre régionale d’agriculture) au Château d’Alménêches (61), le président de la Région Normandie a tenu une conférence de presse.Objet : un accord commercial quasi bouclé entre un industriel Iranien et la Ferme Normande en vue d’exporter en juin 300 à 350 bovins maigres. A ses côtés, Nathalie Goulet. La sénatrice ornaise a porté également des projets de même nature qui n’ont certes pas abouti mais qui ont montré la voie à suivre.
De novembre 2016 à juin 2017
Point de départ de ce futur échange commercial, un voyage organisé par la Région en Iran en novembre dernier. Hervé Morin s’était accompagné d’une délégation de chefs d’entreprises pour nouer des partenariats économiques.
Bonne pioche semble-t-il puisque depuis, «15 entreprises normandes ont développé des relations commerciales avec l’Iran», insiste Hervé Morin.
Au cours de ce voyage et au gré des rencontres, le propriétaire d’un abattoir de grande capacité à Téhéran a manifesté auprès du président de Région son souhait d’acquérir 300 à 350 vaches normandes. Suite à la levée, en janvier 2015, des sanctions internationales à l’encontre de l’Iran, celui-ci souhaite relancer son activité et développer une filière viande de très haute qualité dans le Golfe persique à partir de Téhéran.
Après plusieurs contacts entre les parties prenantes et grâce à l’appui de la Région et de la sénatrice de l’Orne, Nathalie Goulet, une première phase de cette opération vient de s’achever. Les lettres de crédits ont été sécurisées, les accords d’export de la part des autorités françaises ont été donnés et les accords d’imports des autorités iraniennes également.
Entre-temps, la vache Normande est devenue un bovin maigre de race Charolaise élevé en Normandie.
20 000 têtes/an à terme
«Ce contrat est une excellente nouvelle pour l’agriculture normande. Nous pourrions atteindre 20 000 têtes commandées chaque année, se réjouit Hervé Morin. L’Iran représente un marché potentiel gigantesque avec une grande envie de commercer depuis la levée des sanctions. Toutes les bêtes de la première livraison seront normandes et l’intermédiaire qui a emporté le contrat va créer une filiale en Normandie pour les sélectionner. En outre, la société Norman Normandie Manutention à Vimoutiers sera sollicitée pour rénover les abattoirs iraniens qui ne sont plus en activité depuis plusieurs années ».
Même enthousiasme du côté de Nathalie Goulet. La sénatrice de l’Orne a également porté des projets similaires qui n’ont malheureusement pas abouti. Un en Irak à cause d’un problème de chaine du froid. Un autre en Azerbaïdjan qui a profité au département de l’Yonne faute d’un soutien local. «Mais cette fois, la task-force (ndrl : force commune) orno-yonnaise a fonctionné», positive-t-elle.
Transformer l’essai
L’essai reste cependant à transformer.
Il faut encore finaliser la partie phytosanitaire avec la venue, dans quelques jours, du représentant de l’industriel iranien en présence du vétérinaire du ministère de l’Agriculture. Une société commerciale, localisée à Sées, est en cours de création. Elle aura en charge la commercialisation et la sélection du bétail en lien avec les éleveurs normands et sans doute la coopérative Agrial. Il faut encore également arbitrer les prix des bêtes en fonction des études sur le transport et les coûts afférents.
Jean-Louis Riotte, responsable de ce programme export, s’avance avec prudence. «Il faut être réaliste, il y a tellement d’embuches. C’est la première fois que des bovins vivants vont être exportés en Iran». Mais si cette phase test se révèle concluante, ce sont 20 000 têtes qui pourraient emprunter chaque année ce même chemin. «Il y a un abattoir à faire tourner là-bas», conclut-il.
Bouffée d’oxygène
Du côté des représentants de la Ferme ornaise ou normande, on se réjouit également de cette opération qui pourrait apporter une petite bouffée d’oxygène à un secteur en crise. Mais on rappelle aussi que si les portes de l’export sont difficiles à ouvrir. A contrario, elles se referment très vite et parfois pour de simples raisons politiques. «On préfèrerait exporter des bovins finis, voire des carcasses», admet Daniel Génissel. Personne ne fait cependant la fine bouche. Enfin une bonne nouvelle potentielle.