EMMAÜS : tendre la main aux plus démunis
Neuf ans après la disparition de l’Abbé Pierre, le 22 janvier 2007, les communautés Emmaüs continuent d’œuvrer sur le terrain. Rencontre avec des bénévoles issus du monde agricole.

La Basse-Normandie compte pas moins de trois communautés Emmaüs : Alençon (61), Cherbourg (50) et Tailleville-le-Château (14). Pratiquement quatre puisque celle située à Fougères (35), œuvre dans le sud Manche. A sa tête, Michel Lejuez qui gère huit antennes, 260 bénévoles et 20 compagnons.
Issu du monde agricole, il a fait une grande partie de sa carrière professionnelle dans l’industrie fromagère. Mais ce jeune retraité n’avait pas envie de passer son temps libre à se tourner les pouces. Il voulait avoir du contact. Et s’est sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle qu’il a parcouru pendant quatre mois qu’il a trouvé le sens de son engagement. “En revenant, je suis allé frapper à la porte de l’antenne de Saint-Hilaire-du-Harcouët,” se rappelle-t-il avec émotion. Et tout simplement, il lui a été dit : “Il y a du travail pour toi”. Une fois le pied dans cette antenne, il n’a plus lâché la communauté d’Emmaüs jusqu’à s’investir pleinement et en prenant la tête de celle de Fougères. “Je voulais avoir du contact,” sourit-il. C’est ce qu’il a depuis son arrivée au sein du mouvement. “Ici, on s’intéresse à l’autre, on le regarde, on l’écoute” assure-t-il. Parce qu’Emmaüs, c’est avant tout “un accueil inconditionnel : on frappe à la porte, on ouvre,” explique Jean Lejuez.
La richesse des compagnons
Autour du responsable, les bénévoles fourmillent. Ils assurent la collecte des dons, animent les antennes, et organisent des ventes en extérieur, dans le but de collecter des fonds et faire vivre ainsi les différentes communautés. Parmi eux, deux hommes issus du milieu agricole : Pierre Grangeré et Jean Bouhallier.
A 76 ans, Pierre Grangeré a plus de 15 ans de souvenirs avec Emmaüs. Pourtant, à sa retraite, ce fils d’agriculteur, qui est devenu inséminateur, comptait partir en voyage. “On voulait aller vers le Grand Nord”, se souvient-il. Il n’en sera rien. Il s’investira rapidement au sein de l’antenne d’Ernée et dans le bureau. “On est venu me demander dès le début de ma retraite”, raconte le bénévole. Une quinzaine d’années plus tard, il n’a aucun regret. Bien au contraire. “J’ai beaucoup appris à côtoyer les Compagnons. On se rend compte qu’ils ont une richesse” affirme-t-il. Pierre Grangeré fait partie d’une délégation qui s’investit en faveur du Burkina Faso. Régulièrement, des containeurs sont acheminés, remplis de vêtements triés notamment l’atelier textile de Fougères.
Des échanges inimaginables
Son engagement auprès des plus démunis a porté ses fruits. Il aura même été contagieux. Pierre Bouhallier, agriculteur retraité, s’est laissé embarquer. Et régulièrement, il fait le lien entre Fougères et Ernée en transportant le linge. A bord de son camion, souvent un compagnon l’accompagne. “C’est inimaginable les échanges que nous pouvons avoir au cours d’une matinée, surtout au retour. Ils parlent davantage,” confie-t-il.
Inclassable
Ces compagnons qui sont là pour un temps indéterminé, quelques semaines, quelques mois, quelques années, forment avec les bénévoles et les responsables un trépied. A la fois les compagnons font vivre la communauté par leur travail. Quant aux bénévoles, ils sont un trésor de compétences. Et les responsables orchestrent l’ensemble. Le tout en marchant sur les pas de l’Abbé Pierre, cet homme qui a été fondateur du mouvement Emmaüs et qui est présent dans chaque antenne. “C’est quelqu’un qui était tout simplement inclassable”, lâchent-ils avec fierté.
Du concret
Aujourd’hui, les équipes animent les différentes communautés et les antennes. “L’important c’est de regarder autour de soi, aider les plus démunis à retrouver un sens” assurent les bénévoles. Cela se traduit par des actions au quotidien. “C’est très concret” souligne un autre bénévole, Jean-Yves Cucquemel, bénévole depuis 21 ans. “Les marchandises sont acheminées, elles sont triées, remises en état, et mises en vente,” expliquent-ils. C’est le cas de l’électroménager, du meuble, des vêtements… “D’ailleurs, on nous appelait les chiffonniers. Un terme qu’on assume. Mais ça fait 60 ans qu’on est dans le métier”, insistent-ils.