Eric Hatteville appelle à la clarté dans le jeu des industriels
Eric Hatteville est responsable de la section lait à la FDSEA de l’Orne, depuis le mois de mars. L’homme de 52 ans est agriculteur à Moncy, en EARL individuelle. Il compte 124 ha, dont 63 de cultures de vente (céréales, oléagineux) et produit 530 000 litres de lait en Prim’Holstein. Son cheval de bataille syndical : la transparence des prix.

>> Comment voyez-vous votre rôle de responsable de la section lait ?
Vu l’actualité du lait depuis deux ans, je pense que c’est une lourde responsabilité. Nous sommes en début de sortie de crise mais il faut se retrousser les manches pour régler les problèmes des producteurs de lait. Concrètement, cela consiste à exercer une pression terrain sur les industriels et sur les grandes et moyennes surfaces (GMS) afin qu’ils augmentent leurs prix. Par exemple, l’année dernière, nous avons manifesté contre le groupe Lactalis à Laval, pendant trois jours, qui s’alignait sur le prix le plus bas de son environnement. Au deuxième semestre 2016, les prix ont été augmentés. Lactalis s’est vanté d’être précurseur sur l’augmentation des prix sauf que la communication du groupe n’évoque pas les actions de la FNPL ni de la FNSEA.
>> Quel est le problème aujourd’hui ?
Le problème, c’est que les groupes n’utilisent pas le prix de base, comparable d’une entreprise à l’autre, dans leur communication auprès des GMS et des consommateurs. Certains parlent en prix toutes primes comprises ou toutes qualités confondues. Lactalis, par exemple, change les règles. I est passé à des taux de matières grasse et protéique de 38-32 à 41-43. Il monte artificiellement le prix de base de 14 euros.
Je souhaite redonner de la visibilité dans ces comparatifs de prix qui font le jeu des industriels, qui entretiennent le flou dans l’établissement des prix payés aux producteurs.
>> En référence à ce qui s’est passé à Moyon (50), que pensez-vous des actions syndicales contre les coopératives ?
Je pense que le syndicat ne devrait pas être amené à manifester devant une coopérative. J’étais à Agrial, à Moyon, même si ce n’était pas une action menée par la FDSEA de l’Orne. J’y suis allé par solidarité avec les autres départements normands. On attendait d’Agrial qu’elle tienne le prix plancher pour que Lactalis s’aligne dessus. Le responsable lait d’Agrial est embêté mais il a le devoir de boucler un exercice qui ne soit pas dans le rouge.
>> Quel avenir voyez-vous pour le lait ?
Nous habitons dans une région du monde où les conditions naturelles pour faire du lait en conventionnel sont les plus favorables au niveau planétaire car nous pouvons produire du fourrage de façon régulière. Avec la croissance mondiale, la Normandie n’aura pas de souci pour exporter son lait, en particulier vers l’Asie. Nous sommes en train de sortir de deux ans de crise, les industries sont chez nous, l’interprofession est structurée... Il faut garder cette force.
>> Qu’espérez-vous pour la suite ?
Que Lactalis m’appelle à la lecture de cet article. J’espère une entrevue coriace sur le sujet de la transparence des prix. Je compte aussi sur la Région, qui a la volonté de mettre en place un signe de qualité « produit en Normandie ». Un signe avec des critères larges, qui sera applicable quelle que soit la race laitière, à partir du moment où la vache est née et nourrie en Normandie.