Henri Nallet
Et pourquoi pas une PAC méditerranéo-européenne ?
A l’occasion du colloque organisé la semaine dernière à Vire (14) par le PRG (Parti Radical de Gauche), Henri Nallet (ancien ministre de l’Agriculture) a ouvert une voie nouvelle : associer les pays de la Méditerranée (voire ceux du Golfe) à notre politique agricole européenne.


"Je soutiens l’idée en 2013 d’une politique agricole européenne élargie à la méditerranée et au Golfe qui, s’il n’a pas d’agriculture a des sous”. Henri Nallet était le grand témoin du colloque sur l’agriculture organisé jeudi dernier à Vire par James Louvet (agriculteur) et Alain Tourret (vice-président de la Région Basse-Normandie) au nom du PRG (Parti Radical de Gauche). L’ancien ministre de l’Agriculture a tenu un discours sans langue de bois et surtout exempt de toute idéologie. Tel un horloger, il a remis quelques pendules à l’heure. “La PAC n’est pas un objet de repentance”, a-t-il insisté histoire de planter le décor. L’accusé du jour au contraire fut les 25 années de libéralisme et ses conséquences (la dérèglementation) avec au bout du compte des “européens battus par les américains. Nous avons été sortis des marchés”. Doit-on alors poursuivre la même politique agricole mondiale ? s’est-il interrogé. Dans son viseur : le bilan de santé de la PAC. Et d’évoquer “un état major qui prépare la défaite précédente. On va vous proposer le découplage total. On achève l’intervention publique, ce qui signifie plus de stocks”. Y-aurait-il péril en la demeure ? “Oui, plaide l’ancien ministre de François Mitterand. Des gens placent des sommes phénomènales sur le malheur des autres. A Chicago, en une journée, on a vendu 20 fois la récolte américaine de blé; ça flambe dur”. Et après, on accuse “ces salopards de paysans fauteurs de prix chers, affameurs sans scrupules puisque plutôt que de nourrir les hommes, ils produisent des biocarburants”. La diabolisation trouve un certain écho.
Pour Henri Nallet cependant, “rien ne menace aujourd’hui l’agriculture européenne”. La bonne question à se poser est de savoir de quelle agriculture nous avons besoin et pour jouer à quelle place sur l’échiquier mondial. “L’Europe doit faire sa révolution pour son propre compte”. Et de promouvoir “une agriculture productive pour assurer la sécurité de nos approvisionnements. Nous aurons besoin de terres et il faudra qu’elles crachent, contre Bové, contre les Verts(...). Mais en même temps, une agriculture respectueuse des écosystèmes et de la biodiversité. Il faut croiser ce que nous n’avons jamais su faire auparavant.” Banco répond Patrice Lepainteur, président de la FDSEA du Calvados, “réunir écologie et économie, c’est un projet sur lequel on peut s’accorder”.
Le cocotier anti-OGM bien secoué
Avant d’aborder ce sujet du bilan de santé de la PAC, la matinée avait été consacrée aux mutations actuelles de l’agriculture, de ses enjeux alimentaires, environnementaux et énergétiques. Marie-Odile Tavernier, présidente d’AFDI (Agriculture Française et Développement International) et d’Horizons solidaires a porté le débat sur les relations nord/sud. Elle a fait l’unanimité sur l’impérieuse nécessité de maintenir, voire développer, les cultures vivrières dans les PAM (Pays Moins Avancé). “Les pays du sud doivent nourrir les habitants du sud avec pour cela des prix agricoles rémunérateurs”. Tout à fait d’accord a rebondi Henri Nallet profitant de l’occasion pour décocher une flèche à l’encontre “d’Alexandre Adler, le politologue tout terrain, qui considère au contraire que c’est le nord qui doit nourrir le sud”.
Reste enfin que si les OGM ne figuraient pas au menu du carton officiel d’invitation, ils étaient bel et bien dans l’assiette des discussions. Là aussi, Henri Nallet a le sens de la formule en évoquant à propos du principe de précaution “une constipation de vieille fille. La politique OGM que l’on mène actuellement conforte le monopole de Monsanto (...). J’attends que la Confédération paysanne aille dans les grandes surfaces détruire tous les produits contenant des OGM”. Du côté de l’agroalimentaire normand représenté, on applaudirait presque des deux mains. Du côté des élus (professionnels ou politiques), on affiche un peu plus de nuances mais chacun s’accorde à considérer que la recherche doit se poursuivre. Mais le train est peut-être passé. Le semencier français Limagrain, sans doute fatigué, s’est déjà tourné vers les Etats-Unis. A moins qu’avec le quasi retour de la question agraire, la mouche ne change d’âne. La tonalité des échanges tenus lors de ce colloque illustre en tout état de cause un virage. “Il n’ya rien de plus dangereux que les prophètes de la malbouffe”, a-t-on pu entendre par exemple dans la bouche d’Alain Tourret.
Un ancien ministre socialiste, un parti de gauche, des représentants de la FDSEA à la tribune, de la Coordination rurale/Urdac et de la Confédération paysanne en salle, des élus professionnels et d’associations moins médiatiques mais peut-être plus représentatives de la société que certains poids lourds cathodiques, un débat sans tabous et sans excès..., les ingrédients d’un colloque à qui il n’a manqué qu’un peu d’audience. Le début peut-être aussi d’une nouvelle gouvernance de l’agriculture.