Eurial (branche lait d'Agrial) pourrait s'offrir le Pavé d'Affinois
Eurial est entrée en négociations exclusives avec la Fromagerie Guilloteau. Le rachat pourrait être officialisé en juin. « L'occasion d'ajouter un 7e métier à notre savoir-faire, le fromage de lait de vache », insistent Arnaud Degoulet et Ludovic Spiers, président et directeur général d'Agrial.
Fabriquera-t-on demain le célèbre Pavé d'Affinois avec du lait produit dans le Grand Ouest ? Rien ne s'y opposera si les négociations entamées entre Eurial et la Fromagerie Guilloteau, et non soumises à la haute autorité de la concurrence, aboutissent. C'est ce qu'ont expliqué, mercredi dernier lors d'une conférence de presse, Arnaud Degoulet et Ludovic Spiers. Le président et le directeur du groupe coopératif Agrial ne cachent pas leurs ambitions laitières. «Nous sommes le deuxième groupe coopératif laitier français. C'est un point de départ, on va continuer».
Le célèbre Pavé d'Affinois
La Fromagerie Guilloteau, fondée en 1981 par Jean-Claude Guilloteau et dont le siège social est à Pélussin (42), est à vendre. L'entreprise compte 3 sites de fabrication en Rhône-Alpes (2 à Pélussin dans le Pilat et 1 à Belley dans le Bugey) pour un effectif d'environ 300 salariés. Elle a réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de 65 MEUR dont 35 % à l'export (USA, Allemagne, Australie...). Si elle produit des fromages de chèvre comme l'AOC Rigotte de Condrieu, ce qui renforcerait un peu plus la place de leadership d'Eurial sur ce segment, c'est plutôt le Pavé d'Affinois qui fleure bon dans la corbeille de la mariée. Ni AOC ni AOP mais une marque nationalement reconnue qui pourrait être boostée un peu plus par ce rachat. « Nous disposons de 40 commerciaux introduits dans la grande distribution qui sont prêts à vendre du Pavé d'Affinois.», fait remarquer Ludovic Spiers. Et comme la marque n'est pas rattachée à un cahier des charges de production, si le lait Rhône Alpin venait à manquer, Normandie, Bretagne ou Pays de Loire pourraient compenser. « Les discussions engagées se fondent sur des valeurs et une vision communes qui visent à garantir le développement et la pérennité de l'ensemble des activités du groupe Guilloteau. Ces discussions devraient se poursuivre dans les prochaines semaines afin de parvenir à un accord satisfaisant pour l'ensemble des parties, commente-t-on du côté des dirigeants d'Agrial. Eurial, de son côté, réaffirme son ambition clairement affichée de se développer à l'international et d'accroître son positionnement sur des produits à forte valeur ajoutée. Par cette opération, Eurial disposerait en fromage de vache d'une notoriété qu'elle a aujourd'hui en fromages de chèvre en beurre avec Soignon et Grand Fermage. Les marques Pavé d'Affinois, Fromager d'Affinois, l'offre fromagère de spécialités ainsi que les marques distributeurs de Guilloteau auront vocation à renforcer la présence d'Eurial en France et à l'international où d'importantes synergies commerciales sont envisagées.»
Dans un contexte de crise
Cette opération s'inscrit dans un contexte de crise qualifiée "d'exceptionnelle par sa longueur », reconnaissent Arnaud Degoulet et Ludovic Spiers et qui s'explique « par un excès d'offre par rapport à une demande en berne ». Raison pour laquelle la coopérative a décidé de surseoir à sa proposition d'une augmentation de la production laitière initialement prévue de 3 % par an. Les mauvais élèves sont pointés du doigt : les pays du Nord pour le lait, l'Espagne pour le porc. « En lait, 15 à 20 % des producteurs sont en difficultés. Nous avons pris des mesures de soutien exceptionnelles comme le financement du cycle de production, des mesures adaptées aux différents modèles d'exploitations agricoles. Les demandes arrivent. Elles sont en cours de validation région par région ».
11 MEUR renvoyés aux adhérents
Dans cette conjoncture, la bonne santé financière du groupe pourrait presque apparaître provocante. Une augmentation du chiffre d'affaires de 12,8 % (2015/2014), une augmentation de l'EBE (Excédent Brut d'Exploitation) de 27 %, un résultat net en hausse de 18,3 %. De bons chiffres que tempère Ludovic Spiers. « Notre résultat net ne représente que 1,1 % de notre CA ». Et puis 2015 a été dopé par la croissance externe : 6 mois d'Eurial et 6 mois de Van Oers. Ce qui signifie d'ailleurs que la hauteur de la marche 2016 par rapport à 2015 sera d'un niveau similaire.
« Soucieux d'accompagner nos adhérents confrontés à une crise agricole majeure, le conseil d'administration a décidé de compléter cette année le dispositif de retour financier vers ses adhérents par des aides exceptionnelles au financement du cycle de production, résume Arnaud Degoulet. Ainsi, l'enveloppe globale destinée aux adhérents, comprenant les aides divers (jeunes, investissements...), les intérêts aux parts sociales et ristournes sur activité et le plan de mesures exceptionnelles vont représenter cette année un montant de plus de 11 MEUR, soit 42 % du résultat courant de la coopérative ».
Eurial en bref
Avec un chiffre d'affaires de 2,3 milliards d'euros, 24 sites industriels en France et à l'international, et 4000 salariés, Eurial, branche lait d'Agrial, est présent dans six domaines d'activités laitières : fromages de chèvre (marque Soignon), produits ultra-frais, beurres et crèmes (marque Grand Fermage), lait UHT (Agrilait), fromages ingrédients et ingrédients secs, ainsi que dans les produits bio (Bio'Nat). Les activités de transformation laitière des deux groupes Agrial et Eurial ayant été réunies en 2015, les 6 450 adhérents du nouvel ensemble, installés sur un vaste territoire (Basse-Normandie, Pays de la Loire, Bretagne, Aquitaine - Limousin - Poitou-Charentes, Centre Val de Loire, Auvergne - Rhône-Alpes) se préparent à voter d'ici fin mai 2016 la fusion de leurs coopératives au sein d'Agrial.