« Je retrouve chez Emmanuel Macron l’envie de bousculer les lignes »
Alexis Graindorge, installé en 2017, et co-président du syndicat des Jeunes agriculteurs, s’est rendu au palais de l’Élysée. Emmanuel Macron, Président de la République, a invité près de 1 000 exploitants de moins de 35 ans, jeudi 22 février. Convaincant.

>> Comment avez-vous appréhendé la rencontre avec le Président Macron ?
Je ne savais pas vraiment comment ça allait se passer. J’ai été prévenu, une semaine avant : j’ai reçu une invitation succincte. Quand je suis arrivé sur place, j’ai vu qu’il y avait une quinzaine de représentants du syndicat national des Jeunes agriculteurs. J’étais moins inquiet : à nous tous, nous allions bien réussir à interpeller Emmanuel Macron ou Stéphane Travert sur nos questions. Nous avions rendez-vous à 11 h 30. Nous avons attendu une heure pour entrer, car tout le monde est fouillé. La cérémonie a débuté à 12 h 30.
>> Et alors, l’Élysée c’est comment ?
Magnifique. Nous avons été reçus dans la salle Napoléon III. Une allée centrale était dégagée par des cordons en velours rouge, puis nous étions placés par région. Pour la Normandie, nous comptions 25 représentants. Antoine Maquerel, président des JA de la Manche, était également présent.
>> Qu’avez-vous pensé du discours du Président de la République ?
Il était marquant. C’est quelqu’un d’extrêmement à l’aise. Il a tenu plus d’une de discours, avec quelques annotations sur une feuille. Il montre une réelle connaissance des dossiers et de l’historique des filières. Dans son discours, il dit qu’il est temps que les choses changent, car cela fait trop longtemps que les mêmes vont mal alors que d’autres sont confortablement installés dans leurs fauteuils. Je retrouve chez lui l’envie de bousculer les lignes, que l’on a chez les JA.
>> Vous l’attendiez sur la question du glyphosate ?
Il a su rester ferme sur le sujet. Il souhaite trouver une alternative efficace mais il est passé assez vite sur le sujet. Je reste réservé, car il faut dix à quinze ans pour homologuer un produit phytosanitaire. Comme je n’étais pas très satisfait du discours sur ce point, je suis allé voir Nicolas Hulot.
>> La réponse vous a davantage satisfait ?
Nicolas Hulot revendique des principes, je voulais savoir s’il avait les pieds sur terre. Quand je l’ai questionné, sa réponse a été qu’il ne voulait pas fragiliser les exploitations. J’ai apprécié l’angle économique. Sur le dossier, je retiens finalement que les agriculteurs qui souhaitent évoluer dans leur pratique seront accompagnés. Accompagnement technique et/ou financier ? Je suis jeune et n’ai pas peur du changement. Si on nous aide, alors pourquoi pas. J’ai trouvé ça bien que le ministre de la Transition écologique et solidaire soit présent.
>> Le sujet du Mercosur, que vous défendez depuis plusieurs mois, était aussi au menu des interrogations …
Les JA national attendaient des réponses. Macron nous a dit que le traité n’avait pas été signé, car, en décembre, l’agriculture française aurait été perdante. Ils ont pris le temps de se positionner et de mettre des garde-fous pour l’agriculture. Là, à mon avis, le syndicalisme prend tout son sens, car nous sommes mobilisés sur le sujet depuis quelques mois. Et nous avons bien fait ! Nous sommes rassurés qu’il y ait des conditions au traité, comme l’interdiction de viandes aux hormones sur notre territoire. Reste à s’assurer du respect des engagements ainsi que de la fréquence et de la pertinence des contrôles.
>> Que retenez-vous d’autre ?
Emmanuel Macron a parlé de l’enveloppe de 5 milliards d’euros accordée à l’agriculture. Il propose qu’une partie soit utilisée pour moderniser les outils d’abattage et de transformation, pour en créer de nouveaux. Pour que les agriculteurs reprennent les choses en main. Mais nous avons appris au Salon que les 5 milliards viendraient en partie du budget des Régions, budget employé jusqu’alors au travers des dossiers de subvention aux investissements agricole (Agriculture normande performante, chez nous). C’est un coup dur pour tous ses acteurs. Ce n’est certainement pas par le jeu des enveloppes que nous aiderons l’agriculture à se relever et à faire face aux défis de demain.