Prix du lait
Jean-Marc Ayrault annonce les bases d’un accord
Le Premier Ministre a annoncé le 18 avril au soir qu’un accord sur l’évolution du prix du lait était en vue, entre les trois maillons de la filière laitière : distributeurs, industriels et éleveurs. Une hausse “d’au moins 2,5 centimes le litre” devrait être rendue possible par la situation de marché et faire l’objet d’un agrément par l’ensemble des opérateurs.

Rien moins que le Premier Ministre ! C’est bel et bien Jean-Marc Ayrault qui s’est directement impliqué dans la préparation d’un accord permettant aux producteurs de lait de surmonter la forte hausse des prix de leurs charges d’aliments du bétail. Le 18 avril au soir, Matignon annonçait que, “compte tenu de la hausse des charges pour les producteurs et de l’évolution du prix du lait sur les différents marchés en France et dans le monde, le médiateur, à travers les discussions menées avec les acteurs de la filière, considère qu’il est possible et souhaitable de revaloriser d’au moins 25 euros les mille litres le prix du lait payé aux producteurs pour les mois d’avril, mai et juin sur l’ensemble des laits produits en France.”
Négociation à l’arraché
Sur cette base, la plupart des opérateurs semblaient près de signer dans les jours à venir. Le travail du médiateur n’a pas abouti à cette perspective sans difficulté. Dans la matinée du 18 avril, la revalorisation envisagée était encore de 30 euros les mille litres. Pour arracher les derniers accords, et ne pas exagérément tabler sur un marché porteur, il fallut descendre à “au moins 25 euros”.
À ce prix, Lactalis disait OK, dans la foulée d’autres grands industriels comme Danone. Les distributeurs rassemblés au sein de la FCD semblaient se rallier à la formule, dans la foulée, eux aussi, de distributeurs de réseau comme Système U et Leclerc. Les coopératives laitières, jusqu’au dernier moment, demandaient qu’une part de la hausse revienne à leur structure compte tenu de l’absence de revalorisation, pour certains produits comme le lait de consommation, depuis au moins deux ans. Mais on leur faisait comprendre qu’ils seraient les principaux bénéficiaires de la flambée actuelle des prix des produits laitiers mondiaux (beurre, poudre). L’adhésion des producteurs de lait à l’accord prévu avait aussi de quoi peser sur les coopératives. “Je ne pourrais pas comprendre que les coopératives n’adhèrent pas à cette revalorisation”, affirme Thierry Roquefeuil, président de la FNPL (Fédération Nationale des Producteurs de Lait). Pour lui, la preuve est faite que le marché peut absorber cette hausse d’au moins 2,5 centimes le litre payé à l’éleveur.
Un coefficient pour les produits transformés
Comment devrait fonctionner l’accord ? Les industriels auraient la possibilité et l’obligation de faire passer auprès des grandes surfaces une “hausse technique” de prix équivalente à 2,5 centimes du litre pour le lait de consommation. Ces 2,5 centimes seraient reversés aux éleveurs. Pour les produits transformés, un coefficient serait défini en fonction de la quantité de lait nécessaire pour produire un fromage, un litre de crème, un kilo de beurre, etc. Ces coefficients, non négociables avec la distribution, indiqueraient quel pourcentage de hausse serait appliqué. Pour éviter un impact inflationniste, le gouvernement compte d’une part sur un partage de la charge au niveau des deux derniers maillons de la filière (industriels, distributeurs) mais aussi et surtout sur la concurrence entre distributeurs pour ne pas perdre des parts de marché. Cet accord serait valable jusqu’à fin 2013. Un point d’étape devrait être prévu en septembre pour le cas où la flambée actuelle des prix mondiaux vienne se répercuter sur le prix français.
Plutôt satisfait que la profession ait trouvé une solution à ce qui semblait inextricable, le président de la FNSEA ne baisse pas les bras sur les solutions à plus long terme. “On insiste pour que la future loi de consommation adapte la LME (Loi de Modernisation Economique) avec le principe d’une renégociation des prix lorsqu’il y a flambée des coûts de production”, explique Xavier Beulin. Une hypothèse qui a des chances de se vérifier. De fait, la filière laitière semble avoir le vent en poupe du côté des pouvoirs publics. Après avoir obtenu que l’écotaxe ne s’applique pas aux camions de ramassage laitier, elle voit le Premier Ministre lui-même s’impliquer dans ce futur accord sur les prix : “le Premier Ministre et le ministre de l’Agriculture (…) soutiennent cette proposition et demandent à l’ensemble des acteurs de finaliser la mise en oeuvre de ces orientations avant la fin de la semaine prochaine, afin que la revalorisation soit effective pour l’ensemble des producteurs dès le paiement de la collecte d’avril.” Une phrase, tirée de son communiqué, qui montre que Jean-Marc Ayrault n’a pas l’intention de laisser pourrir la situation.
La FCD sceptique, Carrefour prêt à adhérer, Auchan propose une hausse temporaire
“Achetant les produits laitiers à des industriels et non aux éleveurs, les enseignes de distribution demandent aux industriels de s’engager à reverser l’intégralité des hausses consenties aux éleveurs (…)”, affirme un communiqué de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) le 19 avril. Celle-ci remarque qu’il n’y a “aucune assurance, à ce jour, sur ce point fondamental”. Au lendemain de l’annonce de Matignon sur les possibilités de revaloriser d’au moins 25 euros les mille litres le prix du lait payé aux producteurs, la FCD affiche son scepticisme. Cependant, dans un entretien avec le ministre de l’Agriculture, Georges Plassat, le patron de Carrefour, aurait affirmé son accord pour adhérer au plan évoqué par le premier ministre le 18 avril, s’il était confirmé. De plus, le groupe Auchan propose d'augmenter le prix payé aux producteurs de lait de trois centimes par litre de lait de consommation, au lieu de deux centimes et demi proposés le 8 avril et de ne pas répercuter cette hausse sur le consommateur. Un engagement qui ne porte que sur les trois prochains mois cependant. La FNIL (Fédération Nationale des Industries Laitières) de son côté ne s’est pas exprimée. Par ailleurs, la FCD demande aux pouvoirs publics que “le médiateur aille au bout de sa mission et rencontre
l’ensemble des distributeurs”.