Au cinéma
La Ferme des Bertrand ou l'évolution du travail agricole
A travers des paroles et des gestes, Gilles Perret, réalisateur de La Ferme des Bertrand au cinéma le 31 janvier 2024, retrace l'évolution de la pénibilité du travail agricole sur un demi-siècle. Une heure trente d'images d'archives et contemporaines relate l'histoire d'une ferme familiale de Haute-Savoie. Un film qui devrait faire écho à beaucoup de spectateurs.
A travers des paroles et des gestes, Gilles Perret, réalisateur de La Ferme des Bertrand au cinéma le 31 janvier 2024, retrace l'évolution de la pénibilité du travail agricole sur un demi-siècle. Une heure trente d'images d'archives et contemporaines relate l'histoire d'une ferme familiale de Haute-Savoie. Un film qui devrait faire écho à beaucoup de spectateurs.



Ils étaient nombreux à se moquer de lui parce qu'il créait un film sur ses voisins. "Je réponds qu'en racontant l'histoire de mes voisins, je pouvais raconter l'histoire du monde." Et bien sûr, l'histoire de l'agriculture française. Gilles Perret, réalisateur du documentaire La Ferme des Bertrand, au cinéma le 31 janvier, connait bien les trois frères, héros du film, puisqu'il demeure à 100 m de chez eux, en Haute Savoie.
Prendre son temps
L'exploitation laitière d'une centaine de vaches de Joseph, André et Jean, est filmée pour la première fois en 1972 pour la télévision. Par la suite, Gilles Perret leur consacre en 1997 un premier documentaire, alors que les trois agriculteurs, célibataires, transmettent la ferme à leur neveu Patrick, et sa femme Hélène. "Je voulais filmer les gens autrement [...], en prenant le temps, en étant vrai." Pour ceux qui s'en tiennent aux apparences, il s'agit-là de paysans qui ne sortent jamais de chez eux, qui n'ont pas grand chose à dire. Hors, Gilles Perret prend le temps. "Quand on leur donne du temps, ils développent un discours, une philosophie de l'existence."
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"Ni dans le passéisme, ni dans l'utopie"
Vingt cinq ans plus tard, il reprend la caméra pour accompagner Hélène. Elle exploite désormais la ferme avec son fils et le mari de sa fille, Marc et Alex. Des allers et retours dans le passé rappellent l'agriculture d'il y a cinquante ans, peu ou pas mécanisée. A l'image, l'un des frères fauche à la main. "Bah, c'est pas pour un gain de fourrage. C'est pour la propreté du paysage déjà." Les retours dans le présent traduisent de l'évolution du métier, du travail agricole, facilité. "Nous ne sommes ni dans le passéisme, ni dans l'utopie, mais dans ce qui représente en nombre peut-être 80 % des fermes, que l'ont voit assez peu au cinéma ou à la télévision en général, confit Gilles Perret. [...] On pourrait critiquer l'arrivée des robots, qui seraient la marque du productivisme ou de la déshumanisation. Mais quand Hélène dit qu'elle a les épaules et les mains défaites et que les robots la remplaceront avantageusement, de quel droit les juger ?"
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Transmettre
Le film porte sur des questions existentielles. Le sens de la vie ou la notion du bonheur. "On a suivi le chemin que le destin nous a dessiné. Il y aurait peut être eu mieux à faire", dit André. Chez lui et ses frères, paradoxalement, on ressent une forme de fatalisme et la passion de leur travail. Les Bertrand ont "un amour du travail bien fait, qui n'a pas généré que de l'insatisfaction quant à leur destin", précise Gilles Perret. Plus récemment, Marc et Alex précisent clairement à la caméra que leurs enfants feront ce qu'il voudront, "du moment qu'ils sont contents". Et Gilles Perret d'ajouter : "Ils ont vu avec les générations précédentes ce que cela signifie de subir. [...] Préserver la possibilité du choix pour les enfants est à leur yeux une évidence." Il s'agit-là d'un film qui dévoile des parcours de vie où le travail et la transmission occupent une place centrale.