La proposition de loi sur “la compétitivité de l'agriculture” rejetée à l'Assemblée
La proposition de loi des sénateurs Les Républicains sur la compétitivité de l'agriculture, a été rejetée, à l'Assemblée nationale le 4 février.Le groupe socialiste a fait voter à la majorité une motion de rejet préalable de la proposition, si bien que le texte a été rejeté dans son ensemble, sans que les articles ne soient examinés.

llll Même si le texte a été rejeté par la majorité de gauche, certaines propositions des sénateurs seront reprises par le gouvernement, au moins dans l'esprit, soit par voie réglementaire (étiquetage, normes ICPE), soit dans le projet de loi Sapin II sur la transparence de l'économie, a expliqué le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll en séance. Dans un communiqué, le président du Sénat Gérard Larcher a dénoncé la décision des députés, qualifiée de « partisane au moment où les agriculteurs traversent de très graves difficultés ». Il assure que lors du retour du texte au Sénat, où la droite est majoritaire, « nous prendrons nos responsabilités ». En séance, les députés socialistes et écologistes ont qualifié la proposition de « démagogique » (Marie-Lou Marcel, PS), ou de « politicienne » (Paul Molac, Écologiste). Sa seule vertu serait « de faire perdre du temps », selon Yves Blein (PS). Quelques réactions d’élus Normands.
Alain Tourret s'est opposé à la motion de rejet
llll « Monsieur le Ministre, vous êtes un homme de qualité et ma confiance vous est acquise, mais nous nous devons, entre véritables alliés, de nous dire certaines vérités. La démocratie, ce sont d'abord les droits de l'opposition, Monsieur le Ministre. Une motion de procédure, surtout dans un domaine comme l'Agriculture, où l'on doit s'écouter et se respecter, est inconcevable en démocratie. Le radicalisme que je représente, c'est l'humanisme, c'est placer l'Homme, ici l'Agriculteur, au centre de toute chose. Hier, la droite, si peu motivée, opposait à la gauche des motions de procédure. Aujourd'hui, la gauche utilise les mêmes artifices. C'est regrettable et seule la démocratie en souffre.
Au moment où toute la France doit se retrouver sur des majorités d'idées avec ses agriculteurs, ses paysans, avec ses ruraux, ne pas discuter, Monsieur le Ministre, c'est plus qu'un crime, c'est une faute ! »
Alain Tourret
Député du Calvados
Gérard Larcher dénonce le refus des députés socialistes de débattre
llll « Le gouvernement et les députés avaient toute latitude pour compléter les mesures proposées par le Sénat ou en formuler de nouvelles, dans l’intérêt de notre agriculture et de notre filière agroalimentaire. L’avenir de l’agriculture française vaut mieux qu’une obstruction partisane de principe. Ce n’est pas en refusant le débat qu’on va apaiser le désespoir et la colère de nos agriculteurs et construire un futur à l’agriculture. Le texte va maintenant revenir au Sénat. Nous prendrons nos responsabilités, en étant à l’écoute des acteurs, car il est impensable pour moi que nous abandonnions ainsi nos agriculteurs et la filière agroalimentaire. Il y a urgence et il faut que le gouvernement ait enfin un dialogue constructif avec le Sénat. »
Gérard Larcher
Président du Sénat
Philippe Gosselin : « un rendez-vous hélas manqué »
llll « Alors que nos campagnes s'enflamment, que le désespoir et la désespérance sont de plus en plus ressentis de jour en jour, que malheureusement des situations personnelles, avec des suicides, sont aussi à déplorer, la majorité ne trouve rien de mieux que de botter en touche. C'est un rendez-vous manqué, car c'était sans doute la dernière occasion du mandat actuel d'avoir un vrai débat, en séance publique, dans l'hémicycle sur l'agriculture. Ce n'est pas digne.
Si le gouvernement ne peut évidemment tout régler, et si le ministre ne peut être responsable de tout, au moins l'échange constructif aurait-il permis d'avancer. L'agriculture française n'est ni de droite ni de gauche, elle est un des fleurons de la Nation, et elle doit le rester. Il faut s'en donner les moyens. Ce n'est pas le chemin pris aujourd’hui ».
Philippe GOSSELIN
Député de la Manche
Jean Claude Lenoir : « cessons de tergiverser Monsieur le Ministre,
agissons !»
llll « Bien embarrassé, tel est apparu Stéphane Le Foll, ce matin à l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la proposition de Loi agricole du Sénat. Ce texte, dont j'ai pris l'initiative cet été, avec Gérard Larcher et Jean Bizet, apporte de premières solutions concrètes aux problèmes structurels qui plombent l'agriculture française. Le Sénat l'a adopté le 9 décembre à une large majorité. Le 19 janvier, j'avais interrogé Stéphane Le Foll pour savoir s'il soutiendrait nos propositions devant les Députés. Pas de réponse du Ministre. Impossible pour lui de s'y opposer. Mais difficile aussi, pour des raisons purement politiciennes, de reconnaître le bien-fondé des mesures que nous proposons, dès lors qu'il n'en est pas à l'origine. Alors il cherche à gagner du temps. C'est le sens de la manœuvre qui s'est déroulée aujourd'hui à l'Assemblée nationale, avec l'adoption d'une motion de rejet. L'objectif est de permettre au Gouvernement de reprendre la main, faute d'avoir pris l'initiative le premier. Cela prouve que nous avons eu raison de bousculer les choses en mettant des propositions sur la table. Aujourd'hui, la question n'est pas tant de savoir à qui reviendra la paternité des mesures qui seront prises. L'essentiel c'est qu'elles soient prises et l'urgence c'est d'agir. Alors agissons. Et vite ».
Jean Claude LENOIR
Sénateur de l'Orne
Président de la commission des affaires économiques du Sénat