Teillages
La spirale de baisse des hectares de lin ne simplifie pas la tâche des teilleurs
La volonté de réduire les emblavements de lin s’explique par la situation d’un marché actuel “en souffrance”. Une situation plus que délicate pour les teilleurs. Explications.

L’Eure est une terre de lin. Mais la petite fleur vit des moments difficiles actuellement. Après quelques années “d’une calme et positive évolution” pour l’ensemble de la filière et de ses acteurs, la production est aujourd’hui confrontée à la réalité d’un marché mondial en plein retournement. En fait, le marché avait retrouvé de fortes couleurs avec l’arrivée massive des acheteurs chinois. Mais ceux-ci ont décidé de réduire significativement leurs achats. Parallèlement à cela, l’euro fort n’a pas vraiment contribué à favoriser la commercialisation de la matière, notamment aux Etats-Unis. Pays qui, de plus aujourd’hui, se débat dans une crise financière que personne ne peut ignorer. Enfin, les stocks de production, trop important pèsent sur les outils...
Autant de raisons (parmi d’autres d’ailleurs) qui ont incité les acteurs de la filière à prendre des mesures. L’AGPL a ainsi demandé aux liniculteurs de revoir significativement à la baisse (- 35 % demandés) leurs emblavements. Au regard du contexte, cette demande peut se comprendre. Mais, du côté des teilleurs (privés ou coopératifs), ce choix n’est pas si simple à assumer. Ils expliquent pourquoi et commentent ce mot d’ordre...
Jean-Baptiste Voisin
(coopérative de teillage du plateau du Neubourg)
“Trouver l’équilibre entre l’entreprise et le marché...”
“Comme vous l’avez expliquédans ces colonnes la semaine dernière, la situation est plus que tendue aujourd’hui. Et la spirale de la baisse des hectares de lin ne nous simplifie vraiment pas la tâche. D’ailleurs, à ce propos, nous avions déjà communiqué auprès de nos liniculteurs sur la nécessité de réduire les surfaces avant le mot d’ordre de l’AGPL.
Nous sommes donc dans la même approche même si nous y mettons quelques nuances. En effet, comme teilleur, nous avons des responsabilités sociales et humaines à régler face à cette problématique. Et nous ne pouvons faire tomber un couperet sans tenir compte de ces éléments.
Nous allons évidemment nous adapter, mais l’important pour nous, ici, est de trouver le bon équilibre entre l’entreprise et le marché. Nous allons y arriver.
Cela devra passer, à mon sens, par un gros travail à engager autour de la promotion du lin. La filière toute entière doit s’investir totalement sur cet aspect...”
Didier Lamerant
(Teillage du Ressault)
“Nous sommes aujourd’hui au pied du mur...”
“C’est avec satisfaction que je constate l’entente de l’ensemble de la profession pour la baisse des hectares. J’oserai dire ENFIN car nous devions réagir depuis la baisse du marché en 2006.
Nous sommes aujourd’hui au pied du mur avec des stocks importants et une épreuve de force entre vendeurs et nos quasiment clients uniques chinois. En lin, ce n’est pas la première fois que pareille situation arrive mais les beaux jours reviendront, j’en suis persuadé. A mon sens, la devise aujourd’hui du teilleur et du producteur de lin “c’est travaillons moins pour gagner plus !”
Benoît Vanfleteren
(Teillage Saint Martin du tilleul)
“Pas de chômage technique ...”
“C’est un mot d’ordre auquel nous nous attendions évidemment. Nous avons fait un courrier à tous nos liniculteurs qui va dans ce sens car nous sommes totalement solidaires de cette démarche. Concernant la gestion de notre entreprise face à cette crise, nous allons éviter le chômage technique dans la mesure où nous avions dû faire beaucoup plus d’heures au cours de ces derniers mois... Nous avons anticipé ce contexte et nous avons toujours dit la vérité à nos liniculteurs afin qu’ils puissent s’adapter. Nous sommes conscients de l’importance de la perturbation liée à cette mauvaise conjoncture et qui peut dire ce qui va se passer dans les mois à venir...”
Marc Vanwynsberghe
(Sarl Vanwynsberghe)
“C’est l’an passé qu’il fallait réduire les surfaces...”
“Vous avez publié un article sur la réduction des surfaces ? C’est dommage. Pour moi, ce genre de mot d’ordre est dangereux dans la mesure où nos outils ont besoin de travailler. Réagir aujourd’hui, c’est trop tard... L’an passé, nous avons demandé à nos liniculteurs de réduire leurs surfaces parce que c’était vraiment le moment. Cette réduction a représenté 35 % en surface. Alors, vous comprenez, que je ne vais pas refaire la même chose. Nous avions anticipé parce que les clignotants étaient déjà allumés. Pour ma part, j’estime nécessaire de se battre pour des stratégies différentes, même dans notre métier. Depuis que mon grand père s’est installé ici, j’ai eu l’occasion d’étudier dans le détail les aléas du métier et je peux vous dire que cette production et son marché ont toujours vécu les mêmes types de tensions. A la différence près, c’est que les acheteurs ont l’oeil sur ce que nous faisons et nous disons...”
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dans notre édition papier
de l'Eure agricole
du 9 octobre 2008
page 4