Nelson Mandela, président de la République Sud-Africaine de 1994 à 1999
L’Afrique du Sud a perdu son guide
La mort de Nelson Mandela, président de la République Sud-Africaine de 1994 à 1999, suscite une émotion à la dimension de l’ancien forçat. Il avait pris le leader-ship mondial du combat pour l’égalité des droits et l’harmonie entre les peuples.

Il est des personnages dont la disparition touche toutes les couches de la population. Nelson Mandela est de ceux-là. A l’heure de la mondialisation, tout le monde connaît l’ancien président de l’Afrique du Sud, ex-prisonnier politique le plus célèbre du monde. Son charisme exceptionnel associé à un parcours pour le moins atypique ont forgé de lui une image des plus fortes à travers la planète.
Nelson Mandela aura passé vingt-sept ans de sa vie derrière les barreaux. Il en est sortit en pleine lumière pour accéder à la plus haute fonction de son pays à l’issue d’une élection en forme de plébiscite. Oubliés les embruns de Robben Island, l’île prison réservée aux prisonniers les plus dangereux, éloignée la mini-cellule trop étroite pour qu’il puisse y dormir allongé, effacées ces années d’isolement entrecoupées de deux visites annuelles autorisée pour sa femme Winnie. Quand il retrouve la liberté, c’est un homme de 71 ans que le monde découvre. Un homme dont le silence forcé n’aura fait qu’amplifier la force de la parole. Son aura a encore décuplé en refusant la proposition de libération faite un peu plus tôt par le pouvoir blanc et en n’acceptant une libération qu’à la condition qu’elle soit associée à la fin du régime d’apartheid. Les pressions internationales auront eu raison d’un régime détestable, économiquement à bout de souffle, humainement insupportable. Pour autant Mandela conserve sa vision et son autorité naturelle.
Pas de chasse aux sorcières
Si ces années de prison passées à casser des cailloux ont altéré sa vue, elles n’ont entamé ni sa détermination, ni son jugement, ni la hauteur de son raisonnement. Ses rivaux en seront pour leurs frais, certains de ses amis aussi. Ceux qui rêvaient d’en découdre enfin, dans son camp comme dans celui d’en face, n’en croient pas leurs oreilles quand il les invite “à prendre leurs fusils et à les jeter à la mer”. Même si la population est noire à près de 80%, pour seulement 10% de blancs et 10% de métis, Nelson Mandela n’entend pas céder à la tentation de la revanche. Une démarche initiée dès sa sortie de prison qui lui vaudra le prix Nobel de la Paix en 1993, conjointement avec le président en exercice de l’Afrique du Sud, Frederik de Klerk. Les symboles blancs seront préservés : monuments commémoratifs, jours fériés (…). C’est que pour construire une nouvelle nation, il faut que chacun s’y sente chez lui. Et puis le pouvoir économique est détenu par les blancs : qui possède les mines, les entreprises, les exploitations agricoles ? Et qui a le savoir-faire pour que fonctionne l’économie ? Or, le pays ne peut se passer d’une économie prospère. D’autant plus que le président a des projets pour sortir les townships de leur insalubrité : eau, électricité, logement social (…) apparaissent dans les bidonvilles autour de Johannesburg et du Cap mais tout cela coûte cher. Le stratège Mandela cohabite parfaitement avec l’homme de cœur. Symbole de sa démarche, la coupe du monde de rugby, immortalisée dans le film Invictus, exploitée à merveille pour rassembler la nation derrière un symbole commun : son équipe de rugby.
Paix et réconciliation
Toutefois, il faut aussi donner des gages à la population noire. Ce sera la commission “vérité et réconciliation” dont il confie la présidence à Monseigneur Desmond Tutu, archevêque du Cap, prix Nobel de la Paix. Si elle n’a pas vocation à organiser une chasse aux vieux démons du pays, elle sert de thérapie de groupe à l’échelle nationale en rendant publics les actes odieux commis au nom de la ségrégation raciale. Et cela marche, au moins pendant son mandat. Ses successeurs à la tête de l’Afrique du Sud, Thabo M’Beki puis Jacob Zuma n’ont ni son autorité, ni sa hauteur de vue. La discrimination positive pour donner des postes de fonctionnaires à des noirs fait son apparition. Les différences entre les communautés sont moins basées sur la couleur de peau, elles sont d’ordre social et de niveau de vie. Le résultat n’est guère éloigné. La criminalité galopante est une caractéristique de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, avec pour cible privilégiée les agriculteurs blancs dont plus de 200 sont assassinés chaque année, incitant leurs collègues à fuir le pays. L’ANC, le Congrès National Africain, est toujours le parti au pouvoir mais, lui aussi, se normalise et il est la proie de fortes dissensions internes au point de voir son hégémonie aujourd’hui contestée. La mort de l’icône de l’Afrique du Sud inquiète. Même affaibli, sa présence avait pour effet de calmer les tensions entre les différentes factions. La jeune République multiraciale va devoir apprendre à vivre sans son inventeur.
27 années de prison
Quand à la mort de son père il est confié au régent de l’ethnie Xhosa à laquelle il appartient, la vie du jeune Rolihlahla Mandela prend un double tournant capital. D’abord il s’appellera Nelson, c’est plus en phase avec le régime politique. Et puis surtout, il aura la possibilité de faire des études qu’il poursuivra jusqu’à devenir avocat. Son thème de prédilection est la défense des opprimés face à l’injustice d’un pouvoir qui se radicalise au point d’imposer l’apartheid à partir de 1948. Il est vite repéré pour ses talents qui lui permettent de gagner plusieurs procès. La suite logique est l’engagement politique puis la lutte armée quand le massacre de Sharpeville en 1960 (69 morts) montre les limites du combat non-violent pour sortir le peuple de sa prison à ciel ouvert. Passé dans la clandestinité, il est arrêté avec plusieurs de ses amis. Accusés de trahison, ils seront condamnés à la prison à vie et finalement enfermés à Robben Island, à cinq kilomètres au large du Cap. Le prisonnier matricule N°466-64 va y rester 18 ans.