Larcher, dernière corde à l’arc de Cagny
Le gouvernement a annoncé, la semaine dernière, une concertation ouverte sur l’avenir de la betterave à sucre. Dans l’Orne et le Calvados, l’annonce fait l’effet d’un plan de communication politique quand les planteurs risquent d’entamer leur dernière campagne betteravière.
Patrick Dechaufour espère une nationalisation de la sucrerie
et compte sur l’engagement du président du Sénat, Gérard Larcher.

Mercredi 17 juillet 2019, le gouvernement annonçait une concertation ouverte sur l’avenir de la filière betterave-sucre, pour établir son plan stratégique sur dix ans. L’annonce fait suite à une réunion le jour même avec l’interprofession et son institut technique, le syndicat des planteurs, les syndicats de salariés et Tereos, selon un communiqué. Vendredi 19 juillet, dans un article, Le Betteravier Français reprenait les grands axes de travail et y glissait ce paragraphe : « Le gouvernement a rappelé qu’il serait « particulièrement exigeant vis-à-vis des entreprises qui ont engagé des restructurations au cours de ces derniers mois ». « Les planteurs et les salariés des sites concernés devront faire l’objet d’un accompagnement de qualité », a-t-il souligné, sans plus de détails. De quoi faire réagir les planteurs de betteraves normands, confrontés au refus du groupe Südzucker de leur céder l’usine.
« Ma position est claire »
« Nous réclamons ce plan de filière depuis la fin des quotas, rappelle Patrick Dechaufour. Cela remonte à avant l’annonce par Südzucker de la restructuration de l’usine de Cagny. » Le président de la CGB Calvados, Orne, Sarthe était à Matignon mercredi 17 juillet, aux côtés de Jean-Yves Heurtin, président de la Chambre d’agriculture du Calvados et de Xavier Hay, secrétaire général de la FDSEA 14. Ils ont rencontré Damien Cazé et Julien Turenne, respectivement conseiller écologie, transports, énergie, logement et agriculture et conseiller technique agriculture du Premier ministre. « Ma position est claire, poursuit Patrick Dechaufour, nous demandons une nationalisation temporaire de la sucrerie. Les conseillers se sont engagés à refaire un tour de table, sans rien nous promettre. » De son côté, Jean-Yves Heurtin a « le même ressenti : beaucoup de bonnes intentions de la part de bon nombre de politiques. Maintenant nous souhaitons qu’ils transforment leurs paroles en actes ». Au cours de ce rendez-vous à Matignon, Benoît Carton, directeur de la CGB Normandie, a précisé « que les planteurs de Cagny demandent un coup de main politique sur notre dossier de reprise de la sucrerie et non des aides financières ». Dans la conjoncture actuelle, « on pourrait attendre un peu plus de notre Premier ministre qui, jusqu’à ce jour, est inexistant sur notre dossier… où est passée la fibre normande de nos gouvernants tant Bruno Le Maire qu’Edouard Philippe ou encore Sébastien Lecornu ? » s’insurge t-il . « La seule réponse des conseillers a été : « tout est légal, on ne peut rien faire », déplore Xavier Hay, qui attend « une réponse volontariste du gouvernement. Il est temps que le président de la République intervienne directement sur le dossier. »
Non au sucre brésilien
Patrick Dechaufour rappelle que le « Sénat, via Gérard Larcher, s’est engagé à monter au créneau et à demander une nationalisation temporaire de l’usine ». Le président du Sénat était, à Hérouville-Saint-Clair, jeudi 19 juillet, pour la convention régionale de la droite et du centre, avec Hervé Morin, président de la Région Normandie. Sur place, Benoît Lefébure, agriculteur et membre du bureau de la CGB Calvados, Orne, Sarthe, est intervenu. « Les valeurs sont produites sur les territoires. Nous sommes porteurs, nous agriculteurs, de la reprise de la sucrerie de Cagny », rappelle-t-il avant de dénoncer l’accord signé entre l’Union européenne et les pays du Mercosur : « on va importer 200 000 t de sucre brésilien. C’est ce que l’on produit à Cagny. Si l’on doit produire du local et pérenniser notre agriculture, il faut que les politiques comprennent que l’outil industriel de Cagny doit être maintenu ». Le planteur remémore à l’auditoire que Sophie Primas, sénatrice des Yvelines et présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, lors de son déplacement à Cagny fin juin, « avait exprimé une solution pour obliger les Allemands à vendre l’usine », soit la « nationalisation à court terme de la sucrerie ». « Nous sommes prêts », dit-il à l’intention de Gérard Larcher.
« N’ayons pas peur des mots »
« L’accord avec les pays du Mercosur n’est pas signé », répond le président du Sénat.
Quant à Cagny, il abonde l’hypothèse d’une « reprise temporaire par l’État puis une cession » aux planteurs. « Si cela permet de s’en sortir, alors n’ayons pas peur des mots ». Des mots entendus par la profession, car les planteurs et la CGB veillent au grain : « notre dernier espoir repose sur la capacité de Gérard Larcher à peser sur notre gouvernement », lâche Patrick Dechaufour.