Le chanvre reprend pied et racine
Première plante domestiquée par l’homme, le chanvre revient en Basse-Normandie
et ses départements limitrophes : 120 ha en 2012, 472 l’an dernier, plus de 700 en prévision cette année. La barre des 1 000 ha est dans le viseur. Attention cependant, la culture du chanvre exige de la rigueur.
“Je faisais du maïs grain. Les rendements étaient là mais les frais de séchage aussi”. Alors Daniel Guézet, producteur de lait et de veaux de boucherie à Courson (14-bocage virois), s’est lancé l’an dernier dans le chanvre. Une culture qui côtoie désormais le blé ,l’orge, le lupin et la féverole dans ses terres drainées à 70 %.
9 ha pour se faire la main
Daniel et Elisabeth se sont fait la main sur 9 ha pour démarrer. “Il faut une terre saine”, précisent-ils. Le semis s’est effectué la seconde semaine de mai avec un semoir pneumatique mais sans roulage dans la foulée. “Le fait de rouler après semis permet un bien meilleur démarrage. Il est donc recommandé quand les terrains le permettent. C’est-à-dire hors risque de battance”, rebondit Aurélia Valeri, animatrice de l’Association des Producteurs de Chanvre de Basse-Normandie et des départements limitrophes que finance l’Agence de l’Eau Seine-Normandie.
Après, pas grand-chose jusqu’à la récolte. Le chanvre ne se désherbe pas et Daniel a fait l’impasse sur l’apport d’azote. Cependant, le CETIOM estime “les besoins en azote du chanvre entre 13 et 15 u/t MS produite dont 50 % sont utilisés entre la phase de démarrage de la culture et le stade 5-6 paires de feuilles. La fertilisation doit être correctement ajustée car un manque d’azote pénalise la croissance donc le rendement”. A contrario, “une surfertilisation accroît la compétition entre les plantes (augmentation du nombre de pieds morts) et provoque une importante production de feuilles qui ne sera pas davantage valorisée pour la biomasse finale”.
Pas de désherbage et peu d’azote
Ce non-roulage et cette impasse azotée ont sans doute un peu pesé dans le rendement : 6,5 quintaux secs par ha en graine et entre 5 et 6 t/ha de paille. Pas de quoi affoler notre agriculteur qui remet le couvert en 2016.
Si la conduite culturale ne pose pas de problème majeur, il ne faut pas, par contre, se louper sur la récolte. Le chanvre se bat haut pour la graine, il est ensuite fauché à la base avec une lame spécifique à double section pour la paille.
Daniel Guézet a fait appel à l’entreprise de travaux agricoles (ETA Gosselin-Murie à Sept Frères) pour battre. “C’est une culture qui se travaille différemment des autres céréales. Il faut que la tête de coupe soit très haute”, argumente Patrick Murie. Une nouvelle activité qui pourrait intéresser les prestataires de services de l’agriculture avec ses chantiers décalés par rapport à la moisson. En l’occurrence, le 9 septembre à Courson pour le cru 2015.
Une fois battue, la graine de chanvre doit être rapidement séchée pour être ramenée de 22-23 % d’humidité à 8-9 %.
Un matériel adapté
Dernière étape : l’enroulage. Une opération un peu plus compliquée que pour de la paille et du foin. Il ne faut pas de trop gros andains et adapter la vitesse d’avancement à la capacité opérationnelle du round sinon, attention aux bourrages. “Quoi qu’il en soit, il faut du matériel adapté et en très bon état”, s’accordent agriculteur et entrepreneur.
Calculette en main, même s’il reconnait une marge de progrès en terme de rendement, Daniel et Elisabeth Guézet ne regrettent pas l’essai. Les risques sont maitrisés avec 220 € de coût de semences; 150 € de battage et 100 l de fioul pour le séchage. Côté produits, le prix de vente de la graine n’est pas encore contractualisé mais celui de la paille si...
Un développement durable et maitrisé
De 29 producteurs en 2012, on en comptabilisait 75 l’an dernier et sans doute 85, en additionnant les producteurs de graine, cette année. La course aux hectares ne constitue cependant pas une fin en soi pour l’association. La filière chanvre a connu quelques déboires et entend désormais assurer sa pérennité sur des bases solides.Ce n’est pas une culture à «one shoot»(1). «Il faut être motivé et s’inscrire dans la durée», insiste Aurélia Valeri.
(1) : un coup.
Renseignements au 06 07 78 47 18
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