Interbev
Le label rouge au secours de la filière bovine
Interbev présentait à la filière normande, vendredi 25 septembre à Caen, les jalons de sa démarche pour favoriser l’expansion du Label rouge dans les élevages bovins et les rayons. Objectif visé : 40% de viande bovine Label rouge dans les ventes d’ici 2023.
Interbev présentait à la filière normande, vendredi 25 septembre à Caen, les jalons de sa démarche pour favoriser l’expansion du Label rouge dans les élevages bovins et les rayons. Objectif visé : 40% de viande bovine Label rouge dans les ventes d’ici 2023.
« Dans un système qui ne permet pas de fixer un juste prix, c’est un outil de différenciation. » À Caen, vendredi 25 septembre, Olivier Philippe, président d’Interbev Normandie, défend le Label rouge devant un parterre composé essentiellement de professionnels de la filière. 15 000 éleveurs français sont engagés dans le signe de qualité qui a renforcé son cahier des charges en janvier 2020. L’interprofession ambitionne 40% des ventes de viande bovine sous Label rouge d’ici 2023. Une volonté forte, alors qu’elles ne représentaient que 3% du total des ventes en 2019. Le président y voit « une vraie marge de manœuvre ». Pour preuve, l’évolution nette depuis la période du confinement : + 19% de points de vente au 1er semestre 2020 par rapport à 2019 ; +11% de volume, « il n’y a pas qu’un effet Covid ».
La Normande à venir
Pour Olivier Philippe, le Label est solide, « il existe depuis longtemps, il a une crédibilité publique, parce que son cahier des charges est reconnu par l’Inao. » Il rappelle aussi le succès d’autres produits estampillés, poulet, œufs, par exemple. « C’est un identifiant clair, avec un marqueur fort : les conditions de production ». Parmi le public, certains s’interrogent, « est-ce qu’on va parvenir à fournir 40% de bœuf en Label rouge ? », « Est-ce qu’on est certain que c’est ce qui intéresse les consommateurs ? », « Les GMS ont-elles vraiment envie de s’engager dans du Label ? » La question des races mixtes se pose. La Normande pourra-t-elle en bénéficier ? « On y travaille, répond Olivier Philippe, on veut inclure les races mixtes dans le label rouge. » Le cahier des charges impose actuellement que le veau soit nourri au pis de sa mère durant les quatre mois de sa vie. La profession cherche une adaptation « permettant de répondre au haut niveau qualitatif attendu », le nourrissage au seau au lait entier pourrait être une piste.
Convaincre
Pour accompagner le passage des éleveurs en Label rouge, un plan de communication se déploie dans plusieurs directions : spots radio, affichage, numérique. Vingt-six ambassadeurs du Label parcourent les différents magasins, GMS et artisans bouchers, pour expliquer la démarche et convaincre les bouchers de se fournir en Label rouge. 1 015 artisans bouchers sont d’ores et déjà engagés. « On a une population de bouchers qui sont abatteurs et qui ont leur réseau d’éleveurs bien identifiés. Est-ce qu’ils vont sauter le pas ? », se demande une personne membre du syndicat des artisans bouchers. « On ne va pas casser les relations commerciales, prévient Olivier Philippe, que le distributeur travaille toujours avec le fournisseur en qui il a confiance et qu’il connaît depuis longtemps ». Côté GMS, le frein est le changement de boucher, « tous les cinq ou six ans, avec l’arrivée d’un nouveau, les partenariats volent en éclat », soulève un éleveur.
Partenariat réussi
Gilles Lechevalier, directeur de Socopa au Neubourg, Benoît Cabot de la coopérative Natup et Rémi Carpentier, éleveur de Limousines, s’investissent dans la filière depuis vingt ans. Ils soulignent l’avantage pour l’éleveur, « on est sur un engagement, précise Gilles Lechevalier, il y a des contrats signés, on passe nos commandes à l’avance ». Benoît Cabot souligne la marche que peut représenter la labellisation pour certains élevages, « on a encore beaucoup de soja, d’additif, etc., il faut que le client soit patient ».
Rémi Carpentier valorise ses Limousines en Label rouge blason prestige, son volume de ventes est bon, il s’estime « bien loti par rapport à d’autres », mais reconnaît un manque dans la rémunération, « l’axe coût de revient, c’est juste ». Pour Benoît Cabot, « il faut être clair, on aura du mal à vendre des bovins si on respecte strictement le coût de production. Il faut trouver la valorisation la plus juste ». Olivier Philippe modère, « le but, c’est qu’il y ait encore des éleveurs demain ». Le Label rouge se situe « un peu en dessous du bio, estime le président : une viande plus chère que le prix de base, mais accessible à un plus grand nombre qu’en bio. La rémunération des éleveurs est importante si on veut avoir des nouvelles générations »
>> Pourquoi cette journée label rouge à l’initiative d’Interbev ?
Cette journée avait pour objectif de présenter l’évolution des conditions de production communes du nouveau Label rouge bovin. Nous avons pu répondre aux interrogations des acteurs et lever les doutes pour lancer la dynamique en Normandie. C’est une réponse à la problématique du revenu et plus particulièrement de l’élevage. Le renouvellement des éleveurs ne se fait plus. On voulait une réunion fondatrice. Il y a une crise dans l’élevage avec des attentes sociétales fortes. Il fallait qu’on s’appuie sur quelque chose qui existait déjà et qui a la reconnaissance du consommateur. C’est pourquoi BoviWell [outil d’évaluation du bien-être en élevage bovin, NDLR] a été ajouté au cahier des charges, par exemple.
>> À qui vous adressez-vous ?
À toute la filière. Nous voulons que ce soit un projet fédérateur. Notre objectif est qu’il y ait encore de la viande demain. Chacun doit se sentir concerné. Le Label rouge pourrait devenir un phare et être associé à un prix. C’est un signal fort donné aux partenaires, banques, Région, etc., que l’on est capable de faire quelque chose tous ensemble, que l’on veut s’en sortir. On n’est pas dans l’utopie.
>> Entendez-vous les craintes des éleveurs, sur le chiffre de 40%, notamment ?
Ce n’est pas ce chiffre qui est le plus important, même s’il est en adéquation avec le volume de viande d’origine allaitante en France. De plus, comme nous voulons le label rouge pour les races mixtes., il est donc réaliste. Mais le principal n’est pas tant ces 40%, mais bien de prendre un tournant dans notre filière en montant en gamme, en contractualisant (obligation dans le nouveau Label rouge) et en recréant de la valeur pour nos produits ! L’objectif est certes ambitieux, mais il correspond à une réalité. Le marché est porteur : avec les EGA, la viande Siqo (signe officiel de la qualité et de l’origine) ou bio aura sa place dans les cantines en 2022. Pour aider à accélérer le mouvement et enclencher la transition, la prospection a été mise en place via les ambassadeurs dès fin 2019.
>> Quelle est la nature de votre engagement dans le Label rouge ?
Depuis vingt ans, des éleveurs approvisionnent des bouchers artisans de Normandie, précisément du Calvados, de l’Eure et de la Seine-Maritime. Le Label rouge Limousin a permis de créer une relation privilégiée. Les éleveurs ont une visibilité sur la valorisation.
>> Que pensez-vous du chiffre de 40% de viande Label rouge dans les ventes d’ici 2023 ?
Ça va prendre du temps. Cet objectif très élevé permet de déployer des budgets de communication à sa hauteur. C’est un véritable investissement pour la filière allaitante. Les consommateurs sont en attente d’une assurance encore plus forte. Le label rouge, reconnu depuis soixante ans, c’est le Siqo* sur lequel il faut investir pour maintenir et donner des perspectives aux éleveurs.
>> Quel est l’enjeu selon vous ?
Les éleveurs sont prêts. Si on leur propose une filière noble, prestigieuse, c’est déjà une reconnaissance. Le développement commercial, GMS, collectivités, est à conquérir. Le maillage de la Normandie est structuré, par des associations d’éleveurs ou des OP. On a des compétences pour l’accompagnement des éleveurs. Ce qu’il faut, c’est développer le commercial. L’interprofession est prête à nous assister, en formant les fournisseurs par exemple.
>> Quel est votre rôle ?
Trouver de l’approvisionnement pour livrer les rayons dits traditionnels des magasins [découpe, NDLR]. J’ai un rôle de sourceur, acheteur, référenceur et un rôle dans le développement des ventes. Je mets à disposition des gammes de produits, libre aux magasins de les acheter ou non.
>> Pourquoi êtes-vous présent à la journée de présentation du Label rouge ?
Nous souhaitons développer le rayon traditionnel de nos magasins et commercialiser du bœuf labellisé. C’est déjà le cas en agneau, porc, veau et volaille. Le but est d‘avoir de vrais signes distinctifs de qualité pour chaque type de produit en rayon traditionnel. Chez Super U, on a déjà des contrats Éleveur et engagé pour le cœur de gamme qui permettent de rémunérer l’éleveur à la juste valeur du produit en catégorie de race à viande. Pour le Label rouge, l’idée est d’aller dans le sens de l’interprofession qui nous a sollicités. On veut rentrer dans cette démarche, surtout si le volume envisagé est de 40%, on sait que ça suivra pour les commercialiser.
>> Qu’est-ce qui vous intéresse dans le Label rouge ?
La notoriété. Les gens sont demandeurs d’acheter des viandes de qualité. Le Label rouge est assimilé au bien-être animal, il raconte une histoire d’élevage. On veut vraiment élever le niveau de qualité de nos rayons et accompagner l’élevage français.
>> Quels peuvent être les freins ?
Nous devons travailler avec des intermédiaires, des industriels. Or, notre ambition est de travailler davantage avec les Organismes de gestion (ODG), mais il n’y en a pas en Normandie, c’est compliqué.
>> Les magasins U, ce sont des indépendants, comment les inclure dans la démarche ?
Chaque magasin a le choix d’acheter ou non. Notre but est de bien communiquer pour faire adhérer tous nos associés, qu’ils prennent conscience qu’on travaille avec les éleveurs, qu’on est plus partenaires que simples vendeurs-acheteurs.
>> Avez-vous fixé une date ?
On aimerait qu’en 2021, il y ait 20% du parc des 200 magasins qui travaillent en bœuf label rouge.