Thierry Roquefeuil (FNPL)
“L’élevage amène de la richesse et on se pose la question sur son maintien”
A quelques jours de la manifestation pour l’élevage, le 23 juin, le président de la Fédération Nationale des Producteurs de Lait (FNPL), Thierry Roquefeuil, revient sur les sujets de préoccupations de la filière laitière et surtout sur le prix du lait.
Le médiateur a annoncé, le 8 avril, la revalorisation du prix du lait de 25 € pour 1000 litres. L’annonce a-t-elle été suivie d’actes concrets ?
Les grands groupes ont appliqué cette revalorisation, et aussi beaucoup de PME. Il reste quelques zones d’ombre encore dans l’Ouest et dans l’Est mais les producteurs font avancer les choses à travers les organisations de producteurs (OP) et les coopératives. Le message a été entendu. Avec la médiation, nous sommes allés au bout du processus national ; reste maintenant à l’appliquer sur tout le territoire. Le médiateur a préconisé jusqu’à la fin de l’année un prix d’au moins 340 € pour 1000 litres de lait. A la FNPL, on revendique un prix moyen à l’année en adéquation avec le marché. Autre point positif pour nous : la loi de Consommation qui va permettre d’ouvrir des négociations entre distributeurs et transformateurs et les rendre obligatoires quand le prix des matières premières augmente beaucoup. On a bien avancé tout de même, avant le salon de l’Agriculture on n’avait rien !
Quel est l’état du marché des produits laitiers aujourd’hui ?
A l’export, nous avons de la demande surtout de la part des pays tiers. Les pays producteurs n’ont pas une énorme production, l’offre n’est pas trop importante, du coup les cours se tiennent bien. Cette situation peut générer des augmentations du prix du lait. Le seul bémol pourrait venir de la distribution qui ne comprendrait pas que quand les prix augmentent à l’export, les prix du marché intérieur sont obligés d’augmenter. Les producteurs ne peuvent pas absorber toutes les fluctuations de prix. Les distributeurs et les consommateurs doivent aussi rentrer dans ce schéma. La volatilité est difficile à gérer pour tout le monde.
Qu’allez-vous revendiquer le 23 juin lors de la manifestation pour l’élevage ?
Le débat sur l’élevage est beaucoup plus large même si le prix focalise beaucoup de passions aujourd’hui. De plus, quand on parle d’agriculture qui pollue, de problèmes de bâtiments dans des villages, etc., c’est souvent l’élevage qui est stigmatisé. C’est difficile à vivre pour les éleveurs. Il faut pourtant qu’on se modernise en faisant évoluer nos bâtiments car on sait que d’ici 15 ans, dans l’élevage laitier, les exploitations pourraient être moitié moins nombreuses. Nous sommes donc dans l’obligation de nous moderniser. La France et les pouvoirs publics doivent penser qu’on a encore besoin d’élevage et que cette activité génère de la richesse. N’oublions pas qu’en production laitière, en 2012, on a engrangé plus de 3,7 milliards d’excédent dans la balance commerciale. C’est incroyable : on a un secteur qui amène de la richesse dans un pays et on est en train de se poser la question si on le maintient ou pas. La facilité serait d’arrêter l’élevage parce que c’est contraignant, la main d’œuvre manque, les journées sont longues… C’est vrai, on a des contraintes dans l’élevage, mais les consommateurs et les pouvoirs publics doivent comprendre qu’on a besoin de mesures spécifiques, qu’elles soient fiscales et sociales.
Concernant la Pac, la FNPL a revendiqué la prime à la vache laitière dernièrement, pouvez-vous nous en dire plus ?
On a pour volonté, à la FNPL, d’asseoir la production laitière sur tout le territoire. C’est au producteur de lait de choisir le modèle qui sera le sien. On n’a aucune aide aujourd’hui qui prend en compte les UTH sur l’exploitation. La Pac résume tout aux hectares mais pas aux actifs. Si on obtient cette aide, un agriculteur qui aurait 150 vaches justifierait d’avoir plus d’aides qu’un autre qui a 50 vaches. Ça nous paraît cohérent. Pour nous, les choses s’emboîtent bien avec la nouvelle Pac : une convergence lente, une surprime sur les 50 premiers hectares, la prime à la vache laitière, la revalorisation de l’ICHN dans les zones difficiles.
Comment allez-vous prendre part au projet agroécologique de Stéphane Le Foll et plus particulièrement aux Groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE)?
Avec les GIEE on est sur une dynamique collective dans les pratiques agricoles et les concepts de production. C’est quelque chose d’intéressant. Si on veut travailler sur l’agrologie et l’agronomie, il faut s’adapter aux territoires et les chambres d’Agriculture ont de l’expérience dans ce domaine. Pour la production laitière, j’ai du mal à comprendre le concept de prairie permanente imposé par le verdissement. Aujourd’hui, on reconnaît l’intérêt environnemental des prairies permanentes mais nous, éleveurs, nous n’avons aucun avantage à avoir des prairies permanentes car elles ne sont pas considérées comme des cultures. Par exemple, un éleveur qui a des prairies temporaires, du maïs et des prairies permanentes ne touchera pas les aides car il n’aura pas les trois cultures obligatoires pour toucher l’aide. J’ai peur que la Pac nous mette des contraintes insurmontables. Dans dix ans, il ne faudra pas nous dire que nous ne sommes pas compétitifs.
Et sur l’installation des producteurs laitiers, êtes-vous confiants ?
2011 a été une année correcte car le prix du lait était le plus élevé de ces dernières années. Je pense qu’il y a un effet « ambiance » très important. Si l’on dit toujours que ça va mal et qu’on ne gagne pas d’argent, les jeunes ont envie d’aller voir ailleurs. Aujourd’hui, le problème c’est le pas de temps entre ce que nous disent les experts économiques et ce qu’on vit sur les exploitations. Il semblerait que dans les années à venir ça aille mieux au niveau des prix, mais, pour le moment, ce n’est pas terrible. Certes, il faut retrouver une dynamique chez les producteurs mais aussi chez les transformateurs ! Le but, c’est de faire prospérer toute la filière laitière.