Pascal Perrineau, Directeur du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po)
Les agriculteurs doivent se réengager sur la scène municipale
Lors de la réunion du conseil Fédéral de la FNSEA à Paris le 20 septembre, Pascal Perrineau est intervenu sur le vote des agriculteurs aux municipales. Un vote traditionnellement plus orienté à droite. Reste aussi un défi pour le monde agricole : s’engager de nouveau dans les conseils municipaux, instances où ils sont de moins en moins nombreux.

Pourquoi les agriculteurs sont-il sous représentés dans les conseils municipaux ?
En 1977, 40 % des maires étaient des agriculteurs, salariés ou exploitants agricoles. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’entre 16 et 18 %. Pourquoi une telle érosion ? D’une part, la part des agriculteurs dans la population active diminue. D’autre part, le métier de maire devient de plus en plus compliqué. Les charges et les responsabilités du maire sont de plus en plus fortes. De plus, l’intercommunalité se développe et les maires urbains prennent l’avantage par rapport aux maires ruraux. Le métier de maire demande du temps et les agriculteurs n’en ont pas toujours. Ce sont des entrepreneurs qui travaillent dur et longtemps. Il est d’ailleurs intéressant de voir que la catégorie qui monte le plus chez les maires est celle des retraités parce qu’ils ont du temps.
Quels sont les moyens pour que les agriculteurs soient de nouveau visibles dans les mairies ?
Il faut que les agriculteurs se rendent compte que ce qu’ils représentent sociologiquement, économiquement et culturellement a besoin d’être défendu politiquement. Il faut un certain volontarisme. Les agriculteurs doivent se réengager sur la scène municipale. Sinon, ils seront peu à peu marginalisés alors que ce milieu professionnel reste décisif pour la France. C’est d’autant plus important que les agriculteurs renvoient une bonne image par rapport à d’autres milieux professionnels. Ils représentent le passé et l’avenir : la France a été jusqu’à une date relativement récente un grand pays agricole, les Français ont des liens familiaux avec le milieu agricole. Concernant l’avenir, l’agriculture française n’a pas à rougir d’elle-même : c’est une puissance exportatrice phénoménale, c’est un des éléments décisifs de la richesse française. On parle du déclin industriel mais jamais du déclin de la puissance agricole. Les agriculteurs ont des atouts mais encore faut-il savoir en jouer. Cela demande une vraie détermination de leur part et que les institutions qui les représentent fassent passer ce message : engagez-vous !
On entend dire que les agriculteurs votent plus souvent à l’extrême. Est-ce une idée reçue ?
C’est plus compliqué que cela. Toutes les enquêtes montrent que le Front National est à la hausse alors que jusqu’à maintenant il était marginalisé, plus particulièrement dans les municipales. En 2014, le Front National aura beaucoup plus de listes qu’en 2008 donc mécaniquement son score montera et il bénéficiera de cette gauche impopulaire et de cette droite divisée. On annonce un score élevé de 15 à 16 %. Les agriculteurs sont comme les autres catégories de Français : dans certains endroits de la France, il peut y avoir des phénomènes de radicalisation à droite vers le Front National mais cela n’est pas plus important chez les agriculteurs qu’ailleurs. Néanmoins, le monde agricole est beaucoup plus à droite que beaucoup d’autres catégories sociales. C’est historique. Le tropisme de l’agriculteur est en faveur de la droite mais essentiellement de la droite classique comme les forces centristes, le centre droit, l’UMP. Mais il est vrai que, comme d’autres catégories professionnelles, on assistera à une poussée du Front National car on sait que la crise des subprimes, le malaise vis-à-vis des institutions européennes sont des facteurs qui donnent au Front national un espace politique qu’il n’avait pas jusqu’alors.