Huile végétale
L’huile cherche encore à exploser
A Falaise, Stéphan Brehon s’est engagé avec la Cuma Calvados innovation. Cette année, il a fait triturer 27 tonnes de colza, soit l’équivalent d’une dizaine d’hectares. Les tourteaux sont valorisés, mais l’éleveur cherche aujourd’hui des débouchés pour son huile.


Stéphan Brehon prône le long terme, la stabilité et la proximité. Histoire de s’isoler des aléas du marché. L’agriculteur a donc suivi le pari de la Cuma Calvados innovation et son investissement de 200 000 euros. A l’époque, le fioul se négocie 50 €/100 litres. “La consommation de carburant de mon exploitation augmentait. Je me suis lancé dans la trituration avant tout pour l’huile végétale. L’année dernière, les cours du pétrole ont confirmé mon choix. Le fioul a ensuite atteint 1€ le litre”, explique l’agriculteur.
Des tourteaux bien valorisés
Depuis, les barils d’or noir ont chuté. Pas les prix des aliments. Depuis, son discours a évolué. Les tourteaux y prennent une place prépondérante. “Les tourteaux valent 180 €/tonne. J’ai substitué 1,5 kg d’aliment 250 €/tonne par 2 kg de colza. Cette filière courte favorise l’autonomie de mon exploitation grâce à un produit normé. La presse produit des tourteaux à 10-12 % de matière grasse. Actuellement je triture pour les tourteaux, pas pour l’huile”. L’éleveur a ainsi acheté 10 tonnes de tourteaux supplémentaires à un voisin. Au total, il en a distribué 30 tonnes à ses 60 vaches laitières. Côté carburant : l’éleveur mélange 70% de fioul et 30 % d’huile. “Contrairement à certaines idées reçues, la valorisation des tourteaux est aisée. En revanche, j’ai trop d’huile végétale. J’en produis 4000 litres de trop. L’année dernière, j’ai vendu 3000 litres pour la ration de porcs. Quand j’aurai terminé les tourteaux, j’intégrerai également 200 grammes d’huile dans la ration de mes animaux”. Autour de la fédération des Cuma, les producteurs cherchent à s’organiser. “Nous avons actuellement besoin de trouver des débouchés pour l’huile. Il s’agit de grouper l’offre et d’organiser la collecte. Isolé avec ses 3000 litres, un producteur ne peut pas répondre au marché d’un nutritionniste. Avec 30 000 litres, on est crédible”, explique Etienne Fels de la fédération des Cuma du Calvados.
L’huile peut redevenir compétitive
Mais l’huile végétale pure (HVP) n’a pas dit son dernier mot et semble attendre la remontée du pétrole pour faire rugir de nouveaux moteurs. Les charges énergétiques laissent un goût amer aux exploitants. L’huile adoucira encore la facture de carburant. Les cours du colza suivent ceux du baril, mais en évitant les extrêmes. “Le prix de l’HVP baisse moins que le fioul. En revanche, il monte aussi moins haut. Les à coups sont moindres”, insiste Stéphan Brehon. Quand l’éleveur achetait son fioul 100 €/100 litres, son huile lui revenait à 85-90 €/100 litres. Seul bémol : avec un fioul à 42 €/100 litres, l’avantage comparatif s’inverse. L’huile coûte 60 €/1000 litres. Ces aléas ne découragent pas l’agriculteur. Dans le Calvados, il reste le principal utilisateur de la presse. Stéphane Bréhon s’engage et joue la carte de l’innovation. “C’est aussi le rôle de la Cuma. Elle met en place des outils d’avenir. J’ai choisi de ne pas viser la rentabilité au jour le jour”. D’autres semblent suivre ce raisonnement. Malgré une conjoncture défavorable, les tonnages triturés ont augmenté. Les adhérents ont fait presser 10 tonnes en moyenne contre 7 t l’année précédente. Au-delà de l’huile, le tourteau a ses adeptes.
« La qualité du mélange est primordiale »
“Pour l’entretien de mes tracteurs, je n’ai pas changé mes habitudes à cause de la carburation”, atteste Stéphan Bréhon. L’agriculteur mélange l’huile et le fioul au stockage. Son carburant est stocké dans des cuves de 1000 litres. Avant chaque plein, le mélange est brassé pendant deux minutes. “C’est la bonne solution. La qualité du mélange est primordiale. Si l’huile est ajoutée directement dans le réservoir du tracteur, elle a tendance à glisser le long de la paroi vers le fond”, détaille Etienne Fels. Stéphan Bréhon utilise son sur un tracteur équipé d’un moteur à rampe commune. Il ne déplore aucune incidence sur ses coûts d’entretien : “le changement des filtres n’est pas plus fréquent qu’avant”.