LINportant de tricoter une filière bio et locale
La coopérative LINportant a posé ses valises à Evrecy, dans le Calvados. Paul Boyer, le fondateur, prend le pari du retour d’un outil industriel rentable et local, qui accompagne la production de la fibre bio par les agriculteurs.
La coopérative LINportant a posé ses valises à Evrecy, dans le Calvados. Paul Boyer, le fondateur, prend le pari du retour d’un outil industriel rentable et local, qui accompagne la production de la fibre bio par les agriculteurs.
« Il y a deux types de consommateurs. Ceux qui ne regardent pas l’étiquette et ceux qui font attention. Pour ceux-là, acheter du made in France et du bio a du sens. » C’est à partir de ce constat que Paul Boyer a pris le pari d’implanter à Evrecy un outil industriel de production de T-shirts en lin bio. Paul Boyer travaille dans le secteur de la mode éthique depuis 2003, quand il crée une marque de mode en coton bio. Quand le Toulousain arrive en Normandie, il découvre le lin. « La filière lin a des atouts que d’autres n’ont pas. C’est la seule fibre textile locale, avec un impact environnemental positif et commercialisable en circuit court. J’ai creusé l’idée d’une filature, mais il faut des débouchés. Il n’y avait pas d’acteurs de la transformation. On connaît la chemise et le pantalon en lin, mais pas le T-shirt tricoté, plus sportswear. La maille de lin apporte de l’élasticité au fil, qui est solide et nerveux. Le T-shirt est un produit de mode qui parle au plus grand nombre. »
Jauge à 100 000 T-shirts en lin bio par an
En 2017, il lance une étude de faisabilité. Le défi est de rendre la fabrication des T-shirts en France et plus précisément en Normandie, première région mondiale productrice de lin, rentable. « On cherche le coût unitaire le plus faible possible. La confection d’un T-shirt compte 10 à 15 étapes. Plus on produit d’unités, plus on divise par le nombre de pièces les temps de mise en place, de commercialisation, etc. ». LINportant met le cap sur la production « en gros volume d’un unique produit pour gagner en efficacité. La jauge est placée à 100 000 T-shirts par an. » Les T-shirts sont vendus aux professionnels des marques. « On a une position de fabricant. »
1 ha de lin bio pour pour fabriquer 4 500 T-shirts
Deux ans plus tard, LINportant naît sous forme de coopérative. « Pour 100 000 T-shirts, il faut compter 20 à 25 t de fils, qui représentent une trentaine d’hectares. La filière lin bio est largement suffisante : aujourd’hui, on compte 400 ha de lin bio en France ; 1 000 ha si on intègre les conversions », chiffre celui qui est aussi vice-président de Lin et chanvre bio. Les lins viennent de Seine-et-Marne, du pays de Caux et de l’Eure et bientôt de la plaine de Caen. La fibre est filée par Safilin, en Pologne. Seule étape réalisée hors de France. « Des structures comme la Coopérative de Creully investissent dans le bio », souligne Paul Boyer, qui voit là des débouchés réels pour des agriculteurs attirés par l’AB. S’il en manquait pour le lin textile, voilà qui est réparé. Toute la rotation peut être valorisée en bio. L’appel aux liniculteurs bas-normands est lancé. « On est là pour accompagner la croissance du lin bio grâce à une valorisation locale. On travaille sur la mise en place d’un contrat, entre le teillage, le filateur et LINportant, où l’agriculteur peut vendre son lin sur plusieurs années. Les premiers contrats portent sur trois ans, le prix est fixé par une fourchette – 3,5 à 4,5 €/kg de filasse – à indexer selon la qualité du lin. »
Un showroom pour accueillir le public
La structure compte désormais 80 coopérateurs. Dans les semaines à venir Paul Boyer doit recruter une quinzaine de personnes. « On lance aussi une nouvelle campagne sur Tudigo, pour financer notre besoin en fonds de roulement inhérent au démarrage de l’activité de production. » À Evrecy, les locaux - 480 m2 en centre bourg - n’attendent plus que les machines. Le gérant est dans les starting-blocks. « Là, il y aura le tricotage. Là, la coupe. Là, la confection. Là, le contrôle qualité, désigne-t-il de la main. Et là, une vitrine, un showroom pour accueillir le public. On veut que l’usine soit ouverte pour que le citoyen, l’agriculteur ou le professionnel s’approprie la richesse des savoir-faire de la filière. »
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