L’interdiction du glyphosate ne protège les consommateurs de rien
llll Alors que le gouvernement a annoncé son intention de se prononcer contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, la profession agricole fait part de son incompréhension. L’avis de Pascal Férey, vice-président de l’APCA chargé des dossiers sanitaires
>> Le gouvernement vient d’annoncer son intention d’interdire d’ici 2022 l’usage du glyphosate en agriculture. Quelle est votre réaction ?
Je constate que la décision est donc prise et que le gouvernement ne laisse plus la discussion ouverte que sur les conditions et le calendrier. C’est le verre à moitié plein ou à moitié vide car la question de l’alternative n’est pas clairement tranchée.
>> Comment cela ?
Eh bien, en demandant un rapport sur les conditions d’une interdiction programmé d’ici 2022 du glyphosate aux ministres de l’agriculture et de la transition écologique, le Premier Ministre laisse une porte ouverte qu’il referme aussitôt puisque l’échéance de 2022 est annoncée.
>> Peut-on durablement continuer à utiliser ce produit controversé ?
Ce n’est pas à moi de le dire. Pour ma part, je fais confiance aux avis scientifiques qui sont là pour éclairer les décisions. A ce jour, les agences de sécurité sanitaire française et européenne émettent un avis favorable, la toxicité du produit n’étant avérée qu’à des expositions qui n’existent pas dans la réalité. En faisant cette annonce, le Premier Ministre foule au pied l’avis des scientifiques.
>> La démarche était engagée depuis le grenelle de l’environnement, non ?
Une certaine démarche était engagée. Elle consistait à retirer du marché des molécules à partir du moment où des solutions alternatives étaient mises au point, via d’autres molécules, d’autres pratiques, des solutions par les semences…Souvenez-vous : il s’agissait de retirer des molécules « si possible ». Cette fois, Édouard Philippe prend moins de précautions.
>> Oui, mais le gouvernement va dans le sens de l’attente de l’opinion publique et de la sécurité du consommateur…
C’est l’impression qu’il veut donner. Interdire en France un produit qui sera autorisé partout en Europe ne protège les consommateurs de
rien. Cela ne fait que pénaliser les agriculteurs français par rapport à leurs homologues européens : on s’autorise à acheter ce que l’on s’interdit de
produire, c’est un comble.
>> Le règlement européen le permet, non ?
Oui, mais j’ai bien écouté les engagements du candidat à l’élection présidentielle au printemps dernier: Emmanuel Macron n’a pas manqué de marteler son opposition à la sur-transposition française des textes européens. Son credo était : le règlement européen, tout le règlement, seulement le règlement.
On voit ce qu’il est devenu. Cela ne va pas renforcer la crédibilité du politique, ni redorer le blason européen près des agriculteurs.
>> Comment sortir de cette impasse ?
Il aurait été plus intelligent, à mon avis, de lancer un programme de recherche sur les alternatives possibles au glyphosate parce que, pour le moment, le produit est indispensable et qu’il n’existe pas d’autre solution. On aurait pu, d’ici la mise au point d’alternatives, encadrer les usages pour s’assurer d’une utilisation rationnelle du produit.
C’était certes moins radical, mais sans doute plus réaliste. Ce n’est pas la voie choisie par le gouvernement et je le regrette.