Economie
LME : la loi du plus fort ?
La loi de modernisation de l’économie (LME) a été votée mercredi 23 juillet. Réaction de Daniel Génissel, président de la Chambre d’agriculture
de Normandie et du Comité d’expansion agroalimentaire.

Votre sentiment sur cette loi de modernisation de l’économie en tant que président du comité d’expansion agroalimentaire et donc en relation avec les entreprises ?
La loi votée donne davantage de pouvoir de la grande distribution. Ce phénomène est lié à la concentration de ses acteurs. Quatre ou cinq centrales d’achats représentent 90 % du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire. A comparer aux 3 ou 4000 entreprises agroalimentaire françaises ou les 200 de Normandie. J’espère que la LME ne sera pas la loi du plus fort.
Concrètement, que change la loi ?
Jusqu’à présent, une entreprise avait un tarif de vente national qui correspondait à sa base de négociation. Ce tarif devait être le même pour l’ensemble des distributeurs de grandes et de moyennes surfaces. En revanche, des services pouvaient être négociés en échange d'actions de communication spécifiques. C'est ce que l'on appelait les marge arrières. Entre les deux, il existait un seuil de revente en dessous duquel l'enseigne n'avait pas le droit de vendre les produits de l'entreprise. Désormais, les enseignes ont la possibilité de négocier librement les tarifs de leurs fournisseurs sans avoir à respecter ce seuil. Néanmoins, le projet initial a été amendé grâce à la pression des entreprises et de la profession agricole. En cas d’importantes diminutions de tarifs, et qu’elles sont hors du coût de production, elles devront être justifiées par écrit.
Au final, qui profite de la LME ?
La loi a été voulue par le président de la république pour fluidifier les relations commerciales et baisser les prix au niveau du consommateur. C’est l’objectif principal. Les distributeurs n’ont pas l’obligation de retenir la notion de prix de revient.
Le problème des prix élevés à la consommation n’est-il pas dû aux marges élevées de la grande distribution ? Est-ce donc la solution de baisser les tarifs des fournisseurs ?
C’est une mauvaise solution car 80% du tissu économique est constitué de PME. Il n’y a pas que des groupes internationaux dans nos rayons. La liberté laissée à la grande distribution lui permettra de faire pression sur des entreprises qui sont dépendantes de ces réseaux. Nos PME Normandes ont peu de marges de manœuvres. C’est un tour de vis supplémentaire.
Quelles peuvent être les conséquences pour les agriculteurs ?
La libre négociation des tarifs auprès des PME touchera indirectement leurs fournisseurs de matières premières. C'est un phénomène logique de répercussion des coûts. En conclusion, vous condamnez cette loi ? Même si elle rend les choses plus fluides, le curseur est clairement mis à l’avantage de la grande distribution dans sa capacité de négociation. Les entreprises devront rester fermes et espérer que les aspects qualitatifs fassent la différence. L'ensemble du monde de la distribution doit rester conscient du contrepoids que représentent les PME face à des groupes internationaux toujours plus puissants. Il y a un équilibre économique à respecter qui s'impose à tous.
Recueilli par V. Motin