PAC après 2013
L’uniformisation des aides fera des gagnants et des perdants
La future PAC prévoit de tendre vers un montant d’aides par hectare uniforme : un grand chambardement en vue, à partir des niveaux de soutien très variés d’une exploitation à l’autre que l’on connaît aujourd’hui…

La réforme de la PAC annoncée pour 2014-19 prévoit d’uniformiser les aides directes à l’hectare de SAU. Les exploitations dotées d’aides à l’hectare élevées seront donc pénalisés, celles qui ont des montants faibles voyant leur soutien augmenter. L’uniformisation pourra être gérée par chaque Etat-membre, en particulier son périmètre géographique : une uniformisation nationale donnerait lieu à une “fuite” des soutiens vers le sud-est de la France, moins bien doté ; une application la région administrative serait globalement moins pénalisante pour notre région. Pourtant, même dans ce cas, le niveau des soutiens changera pour les exploitants, parfois dans des proportions très fortes.
Dispersion très marquée des soutiens entre exploitations
Le niveau des aides par hectare est en effet très varié d’une exploitation à l’autre, en région de polyculture-élevage : telle exploitation détentrice d’un historique d’engraissement de jeunes bovins peut avoir des DPU supérieurs à 400 €/ha ; telle autre, basée sur un système plus herbager, peut avoir 250 €/ha en aides directes. La réforme envisagée donnera donc lieu à des transferts importants, et ce, même à une échelle très locale, “par-dessus le fil de fer”.Cette dispersion très marquée est caractéristique du Grand Ouest. Les régions spécialisées en grande culture sont beaucoup plus homogènes, toutes les exploitations ayant un profil similaire avec une dotation par hectare homogène héritée du temps des aides aux cultures. C’est ce que l’on observe par exemple déjà dans l’Eure et sans doute encore davantage en région Centre.Pour y voir clair on peut, dans notre région, distinguer quatre grands profils, par ordre croissant de dotation/ha initiale :
- les “extensifs” qu’ils soient laitiers, allaitants ou même éleveurs équins, à environ 250 €/ha voire moins en situation de départ ;- les cultivateurs, un peu en dessous de la moyenne générale depuis le Bilan de santé de la PAC, à 305 €/ha de moyenne ;
- les éleveurs laitiers dans leur grande majorité avec des DPU tournant autour d’une moyenne de 340 €/ha ;
- et enfin les éleveurs viande intensifs (engraisseurs ou ex-engraisseurs de jeunes bovins, avec souvent des vaches allaitantes) à environ 360 €/ha.La réforme qui s’annonce uniformisera donc les DPU. Partons de l’hypothèse d’une uniformisation régionale pure et simple, le niveau commun à atteindre serait presque inchangé pour notre région autour de 320 €/ha. Même si d’autres options sont possibles -dont certaines, plus pénalisantes pour notre région- c’est une base de travail plausible, qui met bien en évidence les divergences entre orientations de production.
Une harmonisation … à première vue seulement
Nos quatre systèmes vivront en effet la réforme de façon très contrastée : l’uniformisation du montant/ha sera bénéfique pour les “extensifs”, quasiment neutre pour les cultivateurs, baissière pour les éleveurs laitiers et très baissière pour les engraisseurs les mieux dotés.A première vue on irait donc dans le sens d’une “harmonisation” vers un soutien réparti de façon plus homogène. Un coup d’œil sur les niveaux par exploitant (individuel ou associé) met pourtant en lumière un paradoxe de cette réforme, indétectable si on ne raisonne que par hectare. Les élevages laitiers sont certes bien dotés par hectare en situation initiale, mais ils reposent également sur une main d’œuvre importante, d’où un ratio de seulement 50 ha de SAU par exploitant. Leur dotation en € par exploitant est donc bien inférieure à la moyenne, déjà en situation de départ. Pourtant, la réforme n’étant fondée que sur le niveau/ha, elle conduira à réduire encore leur montant. Les élevages extensifs partent également d’un montant faible ramené à l’actif, mais qui augmentera avec la réforme car le niveau par hectare est faible on l’a vu.Les élevages viande centrés sur l’engraissement connaissent avec la réforme une réduction marquée de leurs aides, mais en partant d’un niveau par exploitant nettement plus élevé que la moyenne au départ.Enfin les systèmes de grande culture sont très bien dotés par exploitant car chaque actif travaille une grande surface (93 ha). Par contre, étant un peu en dessous de la moyenne en montant par hectare, l’évolution est limitée et même légèrement positive pour eux.