Enquête
Mieux se préparer à la vie en société agricole
Comment réussir humainement dans son exploitation où le travail se partage et se décide à plusieurs ? La Chambre régionale d’agriculture a mené l’enquête sur les besoins en accompagnement humain dans les sociétés agricoles. Les besoins sont réels, mais s’expriment assez peu.

1-Des installations en société nombreuses… des tensions entre associés fréquentes
L’installation en société s’envisage en premier lieu comme la mise en commun de moyens de production. Les principales motivations sont les congés et le partage des responsabilités. L'organisation vient après.
Toutefois, les problèmes relationnels existent et affectent directement la performance des exploitations. 25 à 30 % des systèmes sociétaires seraient sujets à des problèmes relationnels entre associés. Ce sujet rarement évoqué ne fait l’objet d’aucune statistique précise mais le problème est bien réel. Le contexte économique difficile exacerbe les conflits et les difficultés relationnelles s'accumulent lorsqu'il s'agit de partager des pertes !
La Chambre régionale d’agriculture de Normandie avec le soutien financier de la Région Basse-Normandie a mené une étude pour déterminer les raisons de ce constat et proposer des actions.
2-Une étude qui révèle des besoins à l’installation
44 associés normands ont donné leur avis. De profils variés (statut, lien de parenté, nombre d’associés), ils ont décrit des modèles d’organisation et des modes de relation entre associés différents. Il ressort de ces entretiens trois notions fondamentales pour entretenir de bonnes relations :
- une organisation du travail partagée, avec des niveaux d’astreintes équitables ;
- des personnalités qui s’accordent ;
- une vision d’avenir commune ou projet commun.
L’étude a mis en évidence trois profils d'associés.
Profil 1 : les sociétés parents/ enfants.
Profil 2 : les sociétés entre tiers.
Profil 3 : les sociétés recomposées après conflits ou dissolution.
Le niveau de préoccupation à l’installation est croissant selon les profils.
Pour le profil 1, une bonne organisation du travail (période d’essai) est la condition sine qua non pour établir un climat social serein.
Les associés du profil 2 s’intéressent à l’organisation du travail et y ajoutent la notion de compatibilité des personnes.
Chez les derniers profils, l’installation ne s’envisage qu'après période d’essai, entre personnes “compatibles” et organisées avec un règlement intérieur rigoureux.
3-Des besoins mais une faible demande
Les attentes en accompagnement ne font pas l’objet de demande exprimée. Les freins sont nombreux pour que les exploitants soient prêts à faire une démarche active dans ce sens : disponibilité, coût, risque de remise en cause, sujet non prioritaire…
Malgré cela en France, quelques initiatives nous confortent sur l’intérêt porté aux ressources humaines par les agriculteurs. La mobilisation reste forte pour répondre à de future demande de conseil et d’accompagnement.
4-Une dimension humaine à intégrer dans le parcours des exploitants agricoles
L’enquête auprès des exploitants a permis d’établir des préconisations afin de pérenniser les sociétés agricoles et les rendre plus compétitives. Les propositions suivent la chronologie du parcours d’un exploitant agricole de sa formation initiale jusqu’à l’apparition d'éventuels conflits. Les principales actions préconisées :
- Formation scolaire
Sensibilisation précoce des jeunes sur les sociétés et la dimension humaine (travaux de groupes, stages, modules sociétés).
- Installation
Contrat aidé pour les tiers (et plus large) assorti d'un suivi renforcé et personnalisé.
Journée “société” d'un parcours d'installation rénové encouragée financièrement par une modulation de la DJA.
- Suivi
Post-installation : proposer un conseil gratuit pour tous pendant 1 ou 2 ans : mise en place d’outil, bilan humain, régulation des tensions...
En croisière : proposer un conseil payant sous forme d’accompagnement durable : mise en place d’outil, bilan humain, régulation des tensions...
- Détection précoce des conflits
Action des techniciens et conseillers pour identifier les sociétés en difficulté relationnelle (sentinelles de terrain).
- Médiation
Former un spécialiste relations humaines par département (compétence en médiation).
Cocktail vitaminé pour des sociétés agricoles pérennes
Une organisation du travail en collectif
L’organisation du travail doit être orchestrée de manière à susciter l’esprit d’équipe (roulement de week-end), à respecter le besoin d’autonomie (spécialisation des associés) et à favoriser la communication des associés (réunion, décision collective). L’absence de bureau digne de ce nom (véritable siège de société avec comptabilité et administration) est au contraire un facteur à risque.
Des personnalités conciliables
Les caractères jouent un rôle tout aussi important que l’organisation. Le statut de leader, s’il y en a un, doit être débattu et accepté de tous.
Une vision d’avenir commune
Deux profils d’exploitants peuvent être source de difficulté : les prudents et les ambitieux. Les différences de valeurs, d’objectifs et/ou de visions stratégiques, si elles ne sont pas connues, assumées et gérées peuvent compromettre la pérennité de l’association.