Nicolas Hulot : l’appel d’Ushuaïa
« Ce doit être le début d’une guerre contre les pesticides ». Ainsi tonnait le ministre de la transition écologique le 11 août dernier après le jugement rendu à San Francisco dans l’affaire opposant un jardinier à Monsanto, la firme qui a mis au point et diffusé le glyphosate. Sauf que cette guerre aura désormais lieu sans lui. Nicolas Hulot a en effet fait une rentrée, ou plutôt une sortie, fracassante en annonçant ce mardi matin, à la surprise générale, son départ du gouvernement
d’Edouard Philippe. Le numéro trois du gouvernement, et aussi sa personnalité la plus médiatique, aura donc assuré une sortie à la hauteur de sa réputation.

lll Certains ne pourront s’empêcher de voir dans cette démission comme un abandon face à la difficulté de la tâche. « Faites la guerre, mais sans moi » semble dire le désormais ex-ministre.
Faire la part des choses
Etre ministre, c’est s’exposer au carrefour de toutes les pressions et se confronter à la dure réalité de la société dans toutes ses composantes et sa complexité. C’est ce qui rend si difficile les arbitrages à rendre en ayant fait la part des choses sans céder plus à un lobby qu’à un autre. Ajoutons à cela le monde impitoyable de la politique et des médias, avec ses trahisons et ses coups bas, et l’on comprend qu’une personnalité issue de la société civile, sur des sujets aussi sensibles et controversés que la politique environnementale, ne tienne pas la distance et, finalement, claque la porte pour reprendre sa liberté et, qui sait (?), s’en aller méditer sur les terres lointaines de Patagonie chères à son cœur.
Un bilan
Arrivé en guest-star au gouvernement en juin 2017, il a vite éclipsé ses collègues. S’il estime que les orientations du gouvernement sont trop timides en ce qui concerne la lutte contre le changement climatique, l’évolution « du modèle agricole » selon ses mots, la protection de la biodiversité, son bilan n’est pourtant pas vide, les agriculteurs en savent quelque chose. Témoin l’abandon du projet d’aéroport à No-tre-Dame-des-Landes (44), l’annonce d’un arrêt du glyphosate avant la date limite européenne, l’abandon des moteurs à explosion sur les voitures d’ici 2040, le rejet des néonicotinoïdes… Autant de dossiers sur lesquels son ombre plane encore.
Les doutes avant le coup de grâce
Ses seize mois boulevard Saint-Germain auront été émaillés de doutes affichés quant à son maintien au gouvernement. Certains auront vu le ministre revigoré par le jugement de San Francisco sur le glyphosate. D’autres auront vu dans son discours « va-t-en-guerre » un décalage avec son rôle de ministre. Peut-être cet épisode aura-t-il révélé l’ambigüité entre une mission qu’il s’est assignée et l’impatience de ses soutiens quant à ses résultats ?
La réunion avec les chasseurs à l’Élysée lundi dernier en présence de Thierry Coste, connu comme un habile lobbyiste du monde de la chasse, aura donc été le détonateur d’une démission pour le moins détonante !
Le Président de la République, à peine parti pour trois jours en Scandinavie, aura sans doute apprécié à sa juste valeur la dernière saillie médiatique de son « cher Nicolas ». Il subit là un revers qui déséquilibre l’édifice patiemment construit de son gouvernement à l’équilibre fragile. Quant au successeur de Nicolas Hulot, il aura bien de la peine à briller autant sur la scène médiatique et ne manquera pas de passer pour un terne.
Et comme d’habitude en pareil cas, ceux qui trouvaient Nicolas Hulot trop mou le regretteront avant longtemps. Ceux qui le trouvaient trop dur espèreront une meilleure écoute de son successeur. Sans garantie.