Patrick Dechaufour (Président de la CGB Calvados, Orne, Sarthe) : une sucrerie neuve pour alternative crédible
llll Pour Patrick Dechaufour (président de la CGB Calvados, Orne, Sarthe), la betterave sucrière est définitivement enracinée dans le bassin bas-normand. Avec ou sans Saint-Louis Sucre et son actionnaire allemand Südzucker ? « Avec, préfèrerait-on du côté normand, mais à défaut, sans et via une usine neuve », prévient le patron des betteraviers.

>> Le plan de reprise de la sucrerie de Cagny a été approuvé par les planteurs le 22 mai dernier. Où en est-on un mois plus tard ?
Malheureusement, aucune avancée significative n’est à signaler. De nouvelles entrevues sont programmées dans les semaines à venir mais la stratégie de Südzucker, plus particulièrement au niveau de son directoire, semble plus s’apparenter au rouleau compresseur qu’à la concertation constructive.
>> Vous êtes plus inquiets aujourd’hui qu’il y a quelques semaines ?
Inquiets, nous le sommes bien sûr mais découragés ou défaitistes certainement pas. Nous adaptons notre stratégie à l’évolution de la situation. Aujourd’hui, c’est sur le plan juridique que nous portons le fer. En droit français, voire européen, on peut assimiler le projet Südzucker à une rupture abusive de contrat. C’est ce que nous disent les juristes. Les Allemands doivent donc comprendre que, s’ils persistent, cela va leur coûter très très cher. J’invite d’ailleurs les ETA (Entreprise de Travaux Agricole) à travers leurs syndicats régional (EDT Normandie) et national (FNETD) à déposer un recours contre Saint-Louis Sucre.
>> Et si Südzucker persiste dans sa fin de non-recevoir ?
Et bien nous activerons le plan B qui s’impose. A savoir, le lancement de la pré-étude à la construction d’une sucrerie toute neuve.
>> Pourquoi ne pas l’avoir fait dès le départ ?
Tout simplement parce que, économiquement et socialement, la reprise par nos soins de l’usine de Cagny nous paraissait plus constructive et simple à mettre en œuvre. C’était presque du gagnant/gagnant mais pour cela, il faut être deux. Notre détermination reste cependant d’aboutir dans cette négociation et nous faisons confiance à notre Premier Ministre pour ne pas laisser une sucrerie qui a une pertinence économique et agronomique fermer. Il est de sa responsabilité de maintenir et développer l’activité économique dans les territoires.
>> Mais une sucrerie neuve ne peut pas sortir de terre en quelques mois ?
C’est exact, il faut compter de 4 à 6 ans. Cela supposerait donc une rupture de charges de plusieurs années mais il faut se projeter à long terme. Qu’est-ce que représentent quelques années au regard d’une vie professionnelle d’agriculteur ? Je crois fortement aux atouts de notre bassin de production ouvert sur la Bretagne et les Pays de Loire. Nous disposons à nos portes d’un débouché de 500 000 T de sucre soit 20 % de la consommation française. Nous pourrions le valoriser à travers une marque régionale en concurrence directe avec Saint-Louis Sucre à qui nous ne ferions pas de cadeaux dans cette hypothèse. N’oublions pas non plus la compétitivité de nos coûts de production avec un effet bordure maritime et un réel potentiel de productivité à l’échelle de la zone d’approvisionnement de Cagny en comparaison d’autres régions. Enfin, il ne s’agirait pas simplement d’une sucrerie neuve mais d’une usine nouvelle avec des process innovants offrant de nouveaux débouchés. Nous disposons d’atouts que les autres n’ont pas. On n’a pas le droit de gâcher ce potentiel.
>> Quelques dommages collatéraux resteraient cependant inévitables ?
Si vous pensez aux ETA et aux transporteurs, alors effectivement, « oui » il y a un risque. C’est pour cela d’ailleurs que j’invite leurs représentants, régionaux et nationaux, à sortir l’artillerie lourde. Ils ont besoin de nous comme nous avons besoin d’eux. Nous avons besoin aussi, et encore plus que jamais, des politiques et de l’ensemble de la profession agricole. Et que chacun en soit convaincu, nous nous battrons jusqu’au bout.