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Polyculture-élevage : des avantages, vraiment

Coupler cultures et élevage permet une meilleure résilience des fermes bovins viande.

Les systèmes d’élevage associant culture et élevage, en particulier les systèmes de polyculture-élevage (PCE), sont reconnus pour leurs bénéfices… potentiels ! Ceux-ci sont souvent évoqués dans le cadre de colloques scientifiques ou d’actions de conseil du développement agricole. Les points forts mis en avant sont agronomiques (diversité des cultures et fourrages, réduction des engrais, des pesticides…), zootechniques (autonomie alimentaire des animaux…), et une utilisation à plusieurs fins du matériel et de la main d’œuvre.
Malgré ces atouts, la PCE est en diminution au profit de systèmes spécialisés en culture ou en animaux : 12,6 % des fermes en PCE lors du dernier recensement agricole de 2010. Cependant, plus de la moitié des fermes en France ont un atelier d’élevage(1) susceptible de cohabiter avec des cultures.
Les complémentarités entre cultures et élevage (ou « couplage ») sont souvent mises en avant comme étant un moyen d’accroître l’efficacité économique et environnementale. Pourtant, les informations disponibles sont paradoxalement partielles en ne s’intéressant qu’à une partie du système d’exploitation et, de plus, souvent dispersées. Ces systèmes sont souvent considérés comme résilients. La résilience désigne la capacité pour un corps, un organisme, une organisation ou un système quelconque à retrouver ses propriétés initiales après une altération. Ce concept est utilisé dans plusieurs contextes, mais en économie, la résilience est la capacité à encaisser les chocs et à revenir sur sa trajectoire de stabilité ou de croissance.
Pour contribuer à une analyse plus globale de ces systèmes, un projet financé par le fonds CasdarInnovation et Partenariat a été initié en 2016. Ce projet nommé RED-SPyCE (Résilience, Efficacité et Durabilité des Systèmes de PolYCulture Elevage) est porté par l’Institut de l’Elevage et l’ACTA, en collaboration avec divers organismes de développement, dont la Chambre régionale d’agriculture de Normandie (voir hors texte). Son objectif : vérifier si des complémentarités accrues entre cultures et élevage permettent d’améliorer les performances économiques et environnementales des fermes. Au final, il s’agit aussi de produire des références pour contribuer au maintien de l’élevage dans les régions françaises.


Coupler est intéressant pour l’économie…
L’analyse de la Base de données des réseaux d’élevage Inosys a d’abord été faite sur une période courte (2011 à 2013, avec près de 900 fermes), puis sur une durée longue (2000 à 2014, avec 148 fermes). Les résultats sont cohérents et complémentaires. Cet article se focalise sur les résultats des systèmes bovins viande : 62 fermes en systèmes allaitants, associant, à des niveaux divers, cultures et élevage, toutes présentes pendant 15 années et n’ayant pas de cultures industrielles.
Les fermes à couplage élevé et faible sont comparables en termes de SAU (voir tableau 1). Les systèmes qui favorisent le plus les interactions culture/élevage ont un cheptel un peu plus grand, un chargement plus faible, plus d’herbe, moins de surfaces de maïs fourrage et de cultures. Par ailleurs, ils sont un peu plus autonomes en concentrés et utilisent moins d’engrais/ha. Ces systèmes les plus couplés ont généralement un rendement des cultures plus faible, principalement lié à un potentiel agronomique plus limité des sols. La production brute de viande vive/UGB est équivalente voire légèrement supérieure.

Les performances économiques sont équivalentes à meilleures : les fermes à couplage plus élevé ont un EBE/PB plus important, ce qui signifie une meilleure efficacité économique, accompagnée par une gestion plus économe des charges opérationnelles. Au final, le résultat courant par UMO exploitant est équivalent en moyenne sur 15 ans, autour de 22 000 €.
Un élément majeur de résilience est la plus faible variabilité du RC/UMOe, chez les fermes à couplage élevé (voir figure 1) : le coefficient de variation est de 18 % contre 43 % chez les fermes les moins couplées. Cela s’explique notamment par une part d’herbe plus importante dans les fermes favorisant plus les interactions culture/élevage. L’herbe est très peu dépendante aux variations de la conjoncture grâce à un usage réduit d’intrants, si l’on compare aux cultures qui dépendent en plus fortement des prix de vente et d’un niveau d’intrants plus élevé. Enfin, autre élément de résilience, il y a la fréquence plus faible de RC/UMOe négatifs sur 15 ans : à peine 2 % des situations en couplage élevé contre 8 % en couplage faible.
La plus forte variabilité des fermes peu couplées ne permet de meilleurs résultats que 4 années sur 15 en conjoncture favorable et plus médiocre 3 fois sur 15, quand celle-ci se retourne. Les résultats les plus récents de 2015, année aux prix de vente relativement faibles, sont à l’avantage des fermes au couplage élevé.
La limite de cette comparaison est qu’elle mélange pour des raisons d’effectifs de fermes des systèmes plus ou moins herbagers. Qu’en est-il pour des systèmes herbagers avec un plus faible taux de cultures et des systèmes polyculteurs éleveurs ? Un traitement des données sur une durée plus courte (10 ans), permet d’accroître les effectifs et de séparer les systèmes plus et moins herbagers. L’analyse sur 10 ans confirme cette tendance, que ce soit en systèmes herbagers (63 fermes) ou polyculteurs (33 fermes) (voir figure 2).

…et pour l’environnement !
Sur le volet environnemental, le résultat est nettement positif (voir tableau 1) : des interactions élevées entre végétaux et animaux permettent d’obtenir un bilan N/ha plus faible (- 58 %), indiquant une meilleure gestion de l’azote. Il y a aussi moins de phytosani-taires/ha sur les cultures (- 36 %) et des charges en carburants un peu plus faibles (- 20 %).
Enfin, les charges de structure sont inférieures de 20 %, avec 437 €/ha contre 537 pour les fermes moins couplées. Cet écart s’est d’ailleurs accru depuis le début des années 2000, passant de 53 à 103 €/ha 15 ans plus tard. Cet écart a plus fortement augmenté chez les polyculteurs que dans les systèmes plus herbagers. Cette hausse est plus nette à partir de 2008, notamment au niveau des charges en matériel et bâtiments et probablement pour des raisons de défiscalisation. Cet accroissement des investissements dans le contexte moins favorable de la conjoncture ces dernières années a limité d’autant le RC/UMOe des fermes les moins couplées, déjà plus dépendantes aux achats d’aliments et d’intrants.

Le travail se poursuit
Une des premières conclusions de l’étude RED-SPyCE est que des interactions culture/élevage plus élevées permettent de renforcer la résilience des fermes. Plus économes, elles mobilisent aussi davantage la ressource herbagère et sont moins sensibles à une conjoncture défavorable. Elles dégagent un résultat économique au moins équivalent voire supérieur, moins variable et moins souvent négatif. Ce résultat est d’autant plus intéressant que le potentiel productif des fermes les plus couplées est plus limité. L’étude se poursuit actuellement pour identifier les pistes d’améliorations encore possible. La dimension « travail » est à l’étude et il y a un gisement d’économies, notamment au niveau de la gestion des intrants, qui pourraient permettre de dégager un revenu supplémentaire.


(1) Agreste Primeur, n°272, 2011

Méthode d’analyse des systèmes associant culture et élevage

Trois bases de données de partenaires du projet (Inosys, INRA Charolais, CIVAM) ont été analysées avec l’appui de l’INRA de Rennes, Clermont-Ferrand et Saint-Laurent de la Prée. Au total, ont été étudiées 1 190 fermes ayant un atelier soit bovins lait, bovins viande, ovins viande laitiers et allaitants ou ovins viande, en conventionnel ou en biologique. Sur ces exploitations, 10 critères communs, liés au couplage entre les ateliers cultures et élevage, ont été analysés selon :
- l’utilisation des surfaces pour l’alimentation des animaux via les surfaces de l’exploitation : % de la SAU dédiée à l’alimentation animale, % de maïs dans la SFP, % des surfaces non fourragères dédiées à l’alimentation animale, surface d’interculture/dérobée valorisée par les animaux ;
- la dépendance à des intrants pour les animaux et végétaux : autonomie en concentrés, somme dépensée pour l’achat de fourrage/UGB, la gestion de la litière (fréquence d’achat de paille sur 3 années successives) et enfin, la dépendance aux intrants pour la fertilisation (charges en €/ha pour l’achat d’engrais utilisés sur les surfaces en herbe et charges d’engrais utilisé sur les surfaces en culture/ha de culture, % de protéagineux dans les cultures non fourragères pour la fixation symbiotique).
Un « score de couplage » a été calculé statistiquement au moyen d’une analyse en composantes principales, permettant de répartir les fermes en 3 niveaux de complémentarité polyculture-élevage : faible, moyen, élevé.
Un couplage faible : se traduit par une plus faible autonomie en aliments (concentrés), en paille, un recours important au maïs fourrage, une dépendance forte aux achats de fourrages, d’engrais et moins de protéagineux. Il y a cependant une recherche d’autonomie alimentaire supplémentaire par un recours plus grand aux intercultures/dérobées comme fourrage.
Un couplage élevé : c’est une plus grande autonomie alimentaire (y compris pour les concentrés) et en paille, plus d’utilisation des surfaces de céréales pour l’intra-consommation, d’herbe et moins de maïs, une moindre dépendance aux achats de fourrages, d’engrais et plus de protéagineux.
Un couplage moyen se situe de manière intermédiaire.
Les 3 niveaux de complémentarité sont comparés entre eux et pour différents niveaux d’importance des cultures dans les fermes (systèmes plus ou moins herbagers).

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