Porc de Bayeux, où en est la race ?
Alphonse Van Dartel, ancien vétérinaire à Livarot, dans le Calvados, est éleveur de porcs de Bayeux à Heurtevent (14) depuis près de 30 ans. Ce passionné d’élevage œuvre à la réhabilitation et au développement de la race qui compte aujourd’hui 150 truies.
Alphonse Van Dartel, ancien vétérinaire à Livarot, dans le Calvados, est éleveur de porcs de Bayeux à Heurtevent (14) depuis près de 30 ans. Ce passionné d’élevage œuvre à la réhabilitation et au développement de la race qui compte aujourd’hui 150 truies.
« J’étais vétérinaire à Livarot, et pratiquais l’élevage en activité annexe. Ce dernier a toujours été une passion pour moi. » Aujourd’hui à la retraite, Alphonse Van Dartel possède un troupeau de vaches Aubrac, pâturant sur les pentes herbeuses de Heurtevent, mais aussi plusieurs truies et un verrat de Bayeux. Il raconte l’histoire de la race : « elle a été créée vers 1850 en croisant des truies Blancs de l’Ouest, race normande encore existante, avec des verrats Berkshires, un cochon tout noir, d’origine anglaise. L’effectif a alors beaucoup progressé. Les fermes qui faisaient de la transformation laitière valorisaient le petit-lait en alimentant les porcs avec. Le premier coup dur a été la bataille de Normandie, durant l’été 1944 : les bombardements et les pénuries alimentaires ont réduit drastiquement les effectifs. Ceux-ci ont réaugmenté après la guerre, jusque dans les années 1970, où la régression de la transformation laitière fermière a rendu l’élevage de ce cochon moins intéressant. Et il y avait aussi des marchands d’animaux qui disaient qu’il ne fallait pas en élever, à cause des taches noires de sa peau, qui ne permettent pas d’avoir une couenne immaculée. Il restait très peu de sujets dans les années 1990. Aujourd’hui, l’Institut technique du porc (Ifip) essaye de sauver la race et recherche des éleveurs pour faire augmenter le cheptel actuel de 150 truies et 30 verrats environ, dans une quarantaine d’élevages, dont une dizaine de professionnels ». Alphonse Van Dartel a acheté son premier couple il y a 29 ans et est maintenant naisseur engraisseur avec près de quatre truies. « Je voulais faire de la sélection pour distribuer des reproducteurs de la race. »
150 truies
Dans une race à faibles effectifs, la question de la gestion de la consanguinité se pose inévitablement. L’Ifip détient une base de données répertoriant les reproducteurs existant ou à venir. « Un logiciel permet de déterminer des plans d’accouplement minimisant la consanguinité », explique l’ancien vétérinaire. Il ajoute, « vers la fin des années 1990, on a fait de la retrempe, c’est-à-dire qu’on a acheté des reproducteurs des races d’origine pour les croiser avec des sujets de Bayeux, afin d’apporter du sang neuf. C’est un protocole qui nécessite une autorisation ministérielle et ce n’est qu’à la troisième génération après la retrempe que les produits peuvent être considérés comme appartenant à la race ». Les éleveurs de porcs de Bayeux sont incités à garder des verrats afin de conserver le maximum de génétique disponible pour la reproduction.
La filière
95 % des éleveurs sont regroupés au sein du Syndicat des éleveurs de race porcine de Bayeux. Les défis ne manquent pas, notamment concernant l’abattage pour les carcasses plutôt lourdes. Alphonse Van Dartel est membre du bureau de l’association Abattoir fermier du Pays d’Auge, qui travaille à la création d’un abattoir en Cuma près de Méry-Corbon (14). Il glisse, « on recherche encore du monde pour que le projet soit viable, en conventionnel ou en bio ». L’éleveur est aussi conscient que la race ne pourra se développer sans la consommation en aval : « dans le Sud, les filières existent autour des races anciennes, mais pas ici. Je vois un intérêt certain à conserver cette race ancienne, qui donne une viande très persillée, et donc riche en qualités gustatives. Le goût de la viande vient du gras. L’échine est délicieuse, les rillettes superbes ». A l’heure actuelle, les systèmes d’élevage de porcs de Bayeux sont pour environ 80 % en engraissement en plein air, « ça fait sens pour le consommateur d’aujourd’hui », explique Alphonse Van Dartel.