Lin
Quand la pluie se fait attendre, le lin reste au champ
La récolte 2009 traîne en longueur. La faute au temps sec qui empêche le rouissage des lins. Plus de la moitié des surfaces sont encore dans les champs. Vivement la pluie !

Le lin aime l’alternance : du soleil et de la pluie font son bonheur, surtout à l’heure du rouissage. Seulement, quand l’un des deux ingrédients manque, la récolte se complique toujours. C’est le cas cette année où, au 30 août, plus de la moitié des lins sont encore dans les champs. Les différents responsables des linières de l’Eure commencent vraiment à s’inquiéter même s’il est annoncé, cette semaine, le passage d’une perturbation pluvieuse. En attendant, ils témoignent de ce “début” de récolte et osent une première approche en terme de marché.
Marc Vanwuynsberghe (Sarl Vanwuynsberghe à Conches) :
“En superficie de lin récolté, nous sommes à 40 %. Et il faut reconnaitre que le rouissage de ce lin rentré est un peu juste et, comme on dit chez nous, “c’est à midi moins cinq, midi moins cinq !” Cela dit, ce sont des lins qui ne peuvent pas supporter des grandes pluies quand elles arrivent, c’est pourquoi, nous les avons récolté un peu sous-roui et ce qui reste est inrécoltable avec ce taux de rouissage et, logiquement, incommercialisable. Et le risque est grand plus on avance dans le temps. Si la météo change et que l’on va vers la pluie, on sait aussi quand cela commence mais jamais quand cela s’arrête. Cependant, si la récolte arrive à se conclure, elle est très prometteuse et riche en fibre. Côté marché, c’est un peu tôt pour l’évoquer. Nous avons cependant quelques pistes. D’abord, nous savons qu’il y a encore des stocks importants. Si nous transformons tout ce que nous récoltons et les stocks, par rapport à la demande, ces stocks vont encore augmenter sensiblement en 2010. Et là, nous risquons de nous retrouver dans des situations financières compliquées car, encore une fois, il y aura plus d’offres que de demandes sur le marché.”
Jean-Baptiste Voisin (Coopérative de teillage du Neubourg) :
“Nous avons rentré 30 à 35 % de la récolte. En fait, ce qui ont été rentré sont ceux qui ont été arrachés les premiers. Les lins arrachés après le 14 juillet sont encore dans les champs et attendent l’eau. Bref, cela dure. En qualité, même s’il est toujours délicat de l’évoquer quand tout n’est pas arrivé à la coopérative, nous sommes plutôt sur une récolte de bonne qualité et surtout avec de la force, solide avec des rendements qui seront supérieurs à 7 tonnes. D’ailleurs les premiers lins sont assez homogènes et nous sommes autour des 7,5 t en rendement. Mais, il faudra attendre fin janvier, date à laquelle nous devrions la travailler, pour apprécier la qualité de cette récolte. Sinon, côté marché, il y a quelques signes de reprise puisque certains volumes ont été vendus même si c’est encore trop limité. Et puis, les prix sont bien trop faibles. Mais, il faut le redire encore, la production de lin est une production de niche particulièrement sensible à l’offre et à la demande. Le gros souci, aujourd’hui, c’est de savoir ce que l’on doit faire de ces matières stockées. Cela dépendra naturellement de l’attitude des chinois et celle de leur gouvernenement. En effet, à l’heure de vouloir relancer l’activité économique, est-ce que ce pays va acheter nos matières pour les travailler pour en faire tout de suite du fil et des vêtements ou s’il l’achète pour avoir un stock tampon parce que la récolte 2008 est de bonne qualité et elle n’est pas chère ?”
Benoît Vanfleteren (Teillage Saint Martin du Tilleul) :
“Suivant les dates d’arrachage, nous avons des lins déjà ramassés car bien rouis. Cela représente à peu près 40 % de la récolte. Pour le reste, nous attendons l’eau et nous espérons que la semaine sera celle des pluies comme cela semble annoncé. Il ne faudrait pas, en effet, que la situation perdure encore quinze jours parce que les lins s’usent après et perdent en qualité et en rendement. Pour ce qui est rentré, nous avons une récolte avec un potentiel intéressant. Tant sur le plan du tonnage que du rendement, cela paraît correct. Mais, il faut relativiser quand on sait que nous avons encore plus de 60 % dans les champs. Cela dit un moment donné, nous allons prendre des décisions. Si fin septembre il n’a pas plu, nous n’allons pas laisser les lins dans les champs. Côté marché, les quatre derniers mois ont été actifs en volume mais avec des prix très bas, trop bas. Mon analyse, c’est que les prix ne repartiront qu’après avoir eu des volumes. Les chinois sont encore aujourd’hui nos principaux acheteurs. Des acheteurs qui mettent dans la balance la faiblesse du dollar pour ne pas bien payer nos produits. A mon sens, cela n’est qu’un argument supplémentaire pour faire pression. Le vrai problème, pour notre production, c’est toujours celui de l’offre et de la demande. Nous offrons de trop par rapport à la demande et l’aspect de la parité euro/dollar est un élément supplémentaire pour négocier mais avec une pénurie de matières, nous ne parlerions pas du dollar."
Didier Lamerant (Linière du Ressault au Neubourg) :
“Cela va sèchement...(sourire). Chez nous, à peine 10 % de la récolte a été ramassé, c’est à dire quasiment rien ! Nous attendons l’eau, ils en annoncent pour demain (mardi) et j’espère vraiment que nous allons en avoir. Jusqu’au 20 septembre, il n’y a pas de panique mais il va falloir que l’eau arrive car ce n’est pas avec les 13 mm qui sont tombés depuis le 23 juillet en cinq fois que le lin peut rouir. Quant aux 10 % rentrés, les tonnages et les rendements sont bons mais ce n’est pas roui. En terme de commercialisation, il y a eu pas mal de volumes de réaliser sur avril/mai/juin. On se demande si ce sont des achats pour de la consommation réelle ou des achats en spéculation. Du côté des stocks, c’est plutôt étal. Seulement, vu la récolte 2009, son apport sera à mon avis supérieure à la consommation et donc cela fera encore un peu plus de stocks. A moins que le marché redémarre mais, ce qui nous “fout dedans”, c’est la parité euro/dollar. Mais bon, comme nous le constatons, le marché du lin est aussi nerveux que les autres marchés. Il suffit de se pencher sur les cours des céréales...”
Propos recueillis par F.Carbonell