Réduire de 30 % en 3 ans l’utilisation des fongicides sur céréales grâce à la génétique
Producteur de lait et éleveur de porcs près du Mont Saint-Michel dans le sud Manche, Marc Lechat, en GAEC avec son frère Aubert, s’appuie sur le choix variétal en orge et les mélanges variétaux en blé pour réduire la protection sanitaire des céréales. Son objectif : appliquer un seul fongicide en blé et un fongicide et demi en orge, mais sans s’interdire de traiter plus si nécessaire.


Grâce à son implication dans DEPHY, l’IFT total est passé de 83 % initialement à 66 % de la référence régionale de Basse Normandie
En 2012, Marc fait le choix d’intégrer le groupe DEPHY piloté par CERFRANCE Normandie Maine et ce pour trois raisons principales : anticiper les contraintes environnementales à venir et les transformer en opportunités, limiter les expositions aux phytos pour protéger sa santé et améliorer son efficacité économique par la réduction des charges. Le système initial engagé dans DEPHY était constitué d’une rotation classique de ce secteur, valorisée par les animaux : blé tendre d’hiver/orge d’hiver/ray gras dérobé/maïs ensilage. La maîtrise des bioagresseurs était majoritairement assurée par le levier chimique. Les blés ne recevaient toutefois pas de régulateurs depuis plusieurs années. Marc a alors introduit des mélanges variétaux en blé adaptés à la pression des maladies dominantes du secteur (septoriose et rouilles) passant le plus souvent à une stratégie à un seul passage de fongicide (excepté en 2014 avec 2 passages). Pour le désherbage, Marc essaie d’intervenir à un stade plus précoce des adventices ce qui lui permet de réduire les doses de produit. Récemment, l’introduction de luzerne dans la rotation sur une petite partie des parcelles du système de culture devrait également permettre de réduire l’indice de fréquence de traitement (IFT) herbicide.
Le levier principal utilisé pour réduire les fongicides sur blé : les mélanges variétaux
Marc a choisi de semer un mélange de 4 variétés de blé associant des variétés très productives mais plus sensibles aux maladies avec des variétés résistantes vis-à-vis de la septoriose et des rouilles. Il a ainsi pu sécuriser sa gestion des maladies avec pour résultat un passage de fongicides en moins que le reste du groupe. Mais il faut parfois s’adapter aux conditions de l’année, comme en 2014 où Marc est finalement intervenu 2 fois.
Optimiser la conduite du blé grâce aux échanges de pratiques au sein du groupe DEPHY
Un travail important a été réalisé en groupe sur le positionnement du premier fongicide en blé : formation sur l’identification des maladies, observations des stades du blé et discussion en tour de plaine autour de l’atteinte, ou non, des seuils de nuisibilité et donc du déclenchement du premier fongicide. L’objectif de ces tours de plaine est de rapidement se mettre d’accord sur une vision partagée de la pression maladies et ce sur l’ensemble des parcelles des agriculteurs du groupe. Cela permet une réappropriation de la décision de traiter, ou non, mais avec une réassurance par le groupe. Couplé avec le levier des mélanges variétaux, Marc a ainsi baissé de 32 % de l’usage des fongicides entre son entrée dans le réseau et la moyenne des 3 dernières années.
Le regard de l’ingénieur réseau DEPHY
Avant son entrée dans le réseau, Marc avait déjà un niveau de tolérance plus important que les autres agriculteurs du groupe : pas de régulateurs sur céréales depuis plusieurs années, un raisonnement économique privilégiant la marge par rapport au rendement. Il se posait également des questions sur l’impact des phytos sur l’environnement comme par exemple l’usage de l’isoproturon en désherbage sur céréales ou sur sa santé. Marc a tout de suite commencé à modifier ses pratiques. Les leviers qu’il a mis en œuvre sont assez facilement mobilisables et permettent d’obtenir des résultats en termes de baisse d’IFT, en particulier l’IFT hors herbicide, sans prise de risque économique. Le challenge pour la suite de DEPHY réside dans la gestion du désherbage car il faut enclencher des changements plus profonds dans le système de culture. Et même si Marc vient d’introduire de la luzerne dans une parcelle conduite en RGI-maïs-blé-orge, cela ne concerne qu’une parcelle sur l’ensemble du système de culture : l’allongement des rotations demeure limité rendant plus difficile la baisse maîtrisée de l’IFT herbicide.