Une filière chanvre textile en Normandie ?
Un jean en chanvre 100 % français
Depuis 2017, l’association Lin et Chanvre bio (LCBio) déploie des essais de chanvre en Normandie. Un des objectifs est de créer une nouvelle filière chanvre textile, en s’appuyant sur le savoir-faire des liniculteurs et les outils de teillage de lin. L’Agriculteur normand suit en exclusivité, et de l’intérieur, les étapes de cette nouvelle aventure agronomique. Une série à retrouver chaque mois dans nos pages.
Depuis 2017, l’association Lin et Chanvre bio (LCBio) déploie des essais de chanvre en Normandie. Un des objectifs est de créer une nouvelle filière chanvre textile, en s’appuyant sur le savoir-faire des liniculteurs et les outils de teillage de lin. L’Agriculteur normand suit en exclusivité, et de l’intérieur, les étapes de cette nouvelle aventure agronomique. Une série à retrouver chaque mois dans nos pages.
Episode 5
Dans l’idée de recréer une filière chanvre textile française, Nathalie Revol, animatrice chanvre au sein de l’association LCBio, a souhaité fabriquer un prototype de jean, à partir de la récolte des premiers essais réalisés en France. L’aval de la filière a répondu présent pour réaliser en 2019 le premier prototype de jean 100% chanvre cultivé en France depuis l’après-guerre.
Au sortir des premiers essais chanvre effectués en 2017 par LCBio, « sans faucheuse et parallélisés à la main, par des agriculteurs qui n’avaient jamais roui du chanvre au champ », souligne Nathalie Revol, l’animatrice chanvre de l’association LCBio transmet les fruits de la récolte au filateur Safilin, basé dans le Pas-de-Calais. « Il faut souligner que le premier lot était très hétérogène. C’est fabuleux ce que Safilin a réussi à faire ». Le filateur produit un fil de qualité, propice à la confection d’un jean.
Nathalie Revol a dirigé Peau de Chanvre, une entreprise bretonne de confection de vêtements en chanvre, au mitan des années 2000. « Je savais que le chanvre pouvait être tissé sur le mêmes métiers que le lin, ayant essuyé les plâtres il y a 25 ans ». Les acteurs de l’opération, tous bénévoles, sont les partenaires historiques de l’association : Terre de Lin pour le teillage, Safilin pour la filature, Emanuel Lang pour le tissage, Velcorex pour l’étape d’ennoblissement. Enfin, le créateur de jeans français Le Gaulois s’est proposé pour la confection. Le pantalon n’est pas la seule application du chanvre, « d’autres essais filature sont en cours, indique Nathalie Revol, nous sommes en attente de ce qui va sortir ». Les récoltes ont permis « de gagner en expérience et on espère un fil beaucoup plus fin pour idéalement faire des tee-shirts », se réjouit l’animatrice chanvre.
LES ETAPES DE FABRICATION D’UN JEAN CHANVRE 100% FRANCAIS
1ère opération : le teillage
Le teillage consiste à séparer les fibres textiles du bois et de l’écorce de la tige. C’est la coopérative Terre de lin, basée en Seine-Maritime, qui a réalisé l’opération à partir des brins récoltés. Les balles de fibres ont ensuite été transmises à Safilin.
2e opération : le peignage et la filature
Créée en 1778 et dirigée par Olivier Guillaume, la société Safilin a réalisé le peignage et la filature du chanvre sur le modèle du lin, dans son usine en Pologne. Le peignage consiste à éliminer les impuretés de la fibre ; la filature, à la transformer la fibre en fil.
3e opération : le tissage
Gérant du tissage alsacien Emmanuel Lang, Christian Didier s’est chargé du tissage du fil : « j’ai été surpris par sa qualité et par son potentiel », témoigne-t-il, « j’ai fait des essais à la fois avec les filasses et les étoupes, à partir d’un fil Nm 12* réalisé par Safilin, il est passé sur nos machines sans problème ».
*Nm : le numéro métrique indique la qualité du fil. Il exprime le nombre de mètres au gramme (12 mètres de ce fil pèsent 1 gramme).
4e opération : l’ennoblissement
Le groupe alsacien Velcorex a réalisé l’ennoblissement : « le tissage consiste à tisser quelque chose de brut qui n’est pas souple. Ensuite, on assouplit le tissu et on l‘ennoblit : on le lave pour éviter qu’il gratte, on le flambe pour faire disparaître les poils et lui donner un aspect agréable. L’opération est similaire au lin », révèle Christian Didier.
5e opération : la confection
Jean-Charles Tchakirian, fondateur de la marque de jean Le Gaulois en 1974 et qui réalise déjà des jeans en lin, s’est porté volontaire pour confectionner le prototype. Il comptabilise : « j’ai récupéré trois rouleaux. Ça m’a mis la pression, parce que je savais tout le travail qu’il y avait eu avant ». Il réalise un premier modèle pour sa femme, « pour le voir vivre ». Et constate « des écartements de couture », qu’il corrige. « Je me suis pris la tête pour aboutir au patronage idéal », il parvient à ses fins et monte deux prototypes. Il a ensuite réalisé 60 jeans pour l’association LCBio et des blousons avec les étoupes, qu’il commercialise. « On a livré les jeans en mai 2021, un an et demi après la commande ». Son souhait : créer trois ou quatre modèles à partir de cette fibre dont il énumère les qualités : « le chanvre est thermorégulateur, biosourcé, zéro déchet, avec très peu d’intrant ». Pour lui, c’est « pareil que le lin ».
Lire l'épisode 2 : Le chanvre, un miracle de la nature