Un nouveau regard sur le lupin !
Essais Reine Mathilde.
Cette année, la ferme-vitrine Reine Mathilde de Tracy-Bocage (14) accueillait une quinzaine de variétés de protéagineux conduites en agriculture biologique ainsi que quelques associations avec des plantes compagnes. Tour d’horizon des résultats.
Des plantes compagnes pour le lupin d’hiver
La culture du lupin d’hiver est souvent remise en cause par des difficultés à gérer le désherbage. En agriculture bio, le lupin est semé habituellement en grand écartement et biné. Peu couvrante, c’est une plante qui reste en terre presque une année complète et qui a donc tout loisir d’être submergée par les adventices. En 2013, dans une parcelle de lupin d’hiver de variété Lumen, semée à écartement 45 cm, ont été sursemées 3 bandes de céréales d’hiver : avoine, orge, triticale (180 gr/m²). L’objectif de ce sursemis est d’occuper l’inter-rang et faire concurrence aux adventices. Aucun désherbage n’a été effectué sur cette partie d’essais après le sursemis.Dès la sortie d’hiver, les céréales ont couvert l’inter rang, en particulier l’avoine qui a un port plus étouffant. Les adventices ont été contrôlées jusqu’à la récolte qui a eu lieu de 17 septembre 2014. Avec ou sans céréales, le rendement total de chaque bande avoisine les 23qx/ha ce qui suggère que dans les bandes en mélanges, le rendement du lupin est inférieur au lupin pur d’au moins 5 ou 6 quintaux. Cependant en agriculture biologique, il est parfois tout aussi important de préserver ses parcelles du salissement sur le long terme que de viser le rendement maximal. Car en effet, les bandes en sursemis avaient une moindre densité de chardons, de gaillets et de folles avoine, adventices très compliquées à gérer en bio.
Des nouveautés du côté des lupins et féveroles de printemps
Les lupins de printemps faisaient leur retour sur la ferme-vitrine cette année. Quatre variétés ont été implantées le 20 mars 2014 : FEODORA, une valeur sûre parmi les lupins blancs de printemps ; PROBOR et BORUTA, des lupins bleus qui marchent dans les conduites conventionnelles ; et MISTER, un lupin jaune venu d’Ukraine qui avait tout à prouver !Le démarrage fut difficile en particulier pour le lupin jaune dont la vigueur au départ laissait à désirer (30 % de levée). Il s’est par la suite bien rattrapé en couvrant rapidement le sol. Pour les lupins bleus, ce sont les lièvres qui ont sévèrement attaqué les plantes. Et ce n’est pas la première fois que ce constat est fait en particulier avec la variété PROBOR, très appétente. La variété de lupin blanc FEODORA a quant à elle eu un développement exemplaire.Malheureusement, bien que le printemps sec fût favorable au désherbage mécanique, le mois d’août pluvieux a contribué à une forte relevée des adventices et à des conditions de récolte difficiles. Les différentes variétés n’ont pu être pesées séparément mais on estime un rendement global des lupins à 17,7 qx/ha.L’essai comptait également 2 bandes de lupin bleu associés à de l’orge et à de l’avoine de printemps, toujours dans une optique de gérer l’enherbement. Le lupin bleu n’ayant pas été très développé, les céréales ont compensé le rendement qui atteint 26,7qx/ha. Néanmoins, l’apparition des ronds de chardons n’a pu être évitée par endroit sur l’essai. Les féveroles de printemps ont été semées le 20 mars 2014. Le choix de variétés s’est porté sur ESPRESSO (la valeur sûre en AB), FABELLE (la meilleure variété des essais Reine Mathilde en 2013) et 2 nouvelles variétés “à suivre” selon Arvalis : FANFARE et GRAFFITI. Le rendement global de l’essai est de 20,3 qx/ha. Tout au long du cycle, nous avons constaté :- de bonnes vigueurs au départ ;- un peu de rouille apparue en juin ;- des potentiels de rendements similaires pour ESPRESSO, FANFARE et GRAFFITI et un potentiel supérieur pour FABELLE, plus haute de 10cm et mieux garnie en gousses.Tout comme avec le lupin bleu, la variété de féverole ESPRESSO a été associée à de l’orge et à de l’avoine de printemps. Cette fois c’est la féverole qui a pris l’avantage, laissant les céréales peu développées et peu contributrices au rendement. Elles ont cependant permis de limiter de salissement de la féverole par leur effet couvrant.
Ensiler du lupin, est si c’était l’avenir ?
On sait peu de chose sur la valeur alimentaire du lupin ou de la féverole en plante entière. La question se posait de savoir si ces plantes pouvaient avoir un intérêt à être ensilées plutôt que moissonnées.C’est pourquoi cette année, des plantes ont été prélevées, pesées et analysées “en vert” pour mieux connaître leurs valeurs en azote et en énergie (schéma et tableau).Première surprise, le rendement en tonnes de matière sèche des lupins est particulièrement intéressant, jusqu’à 12,6 TMS/ha pour un lupin d’hiver ensilé fin juillet.Du côté des valeurs, là encore, les résultats sont étonnants. Pour un lupin d’hiver ensilé fin juin ou un lupin de printemps ensilé fin juillet, on obtient un fourrage quasiment équilibré en azote dégradable et en énergie fermentescible (entre 0,95 et 0,97 UFL). Ces fourrages pourraient présenter un intérêt notable dans les rations car ils sont plus concentrés et plus équilibrés qu’un maïs. Les autres dates de coupes des lupins restent cependant très intéressantes mais moins concentrées en valeur. La féverole est quant à elle assez déséquilibrée : elle est plus riche en PDIN qu’en PDIE.Notons que ces valeurs ont été calculées sur des plantes vertes mais que la conservation en ensilage n’a pas été testée ici. Le pourcentage de matière sèche de ces fourrages reste assez bas et il faudrait dans les années à venir creuser la question de la conversation en silo.Après le succès de l’association féverole + pois protéagineux ensilée, et les tendances qui semblent se dessiner avec l’ensilage de lupin, les protéagineux ensilés semblent avoir un bel avenir devant eux !