Marc Buon, président du comité technique SAFER Calvados
Un rapport au foncier qui évolue
“Mettre plus de fluidité dans les échanges fonciers sans toucher au statut du fermage parce que les agriculteurs ont besoin de stabilité”. C’est ce que préconise Marc Buon qui évoque un rapport au foncier qui change.

Pourquoi le prix du foncier est-il aussi élevé aujourd’hui ?
L’une des principales raisons est l’artificialisation. A cause des politiques publiques en termes de construction de routes, de lotissements, d’aménagements de zones artisanales ou industrielles, de terrain de sports, à cause de contraintes liées à l’exploitation des sols par exemple dans le carde de captage d’eau (...), on consomme 200 ha de terres agricoles par jour . Prenez l’exemple de Loucelles, entre Caen et Bayeux (14), le projet de déviation a fait subitement grimper les prix. La rareté crée une tendance inflationiste.
La SAFER n’y peut rien ?
En aucun cas, la SAFER ne fait à elle seule le prix mais elle peut limiter les excès dans un sens ou dans l’autre. Sa présence est essentielle en présence de POS (Plan d’Occupation des Sols) ou de PLU (Plan Local d’Urbanisation) pour préserver les intérêts de l’agriculture dans sa globalité.
Le rapport entre l’agriculteur et sa terre n’est-il pas entrain de changer ?
C’est surtout le rapport entre le prix du foncier et celui des produits agricoles qui a évolué, et dans le mauvais sens. La crise a creusé encore plus le fossé. Alors bien sûr, le lien à la terre change aussi.
Une crise qui bloque certains dossiers de financement liés justement à du rachat de foncier. Quelle réponse apporter à ceux qui se trouvent dans cette situation ?
Les banques font leur métier. Si le Crédit Agricole ou le Crédit Mutuel refusent d’accorder à un fermier un prêt pour l’achat de foncier, c’est parce que “économiquement”, ça ne passe pas. Sans doute pourriez-vous alors trouver un autre organisme qui acceptera de vous financer, mais à quel prix ? Avec quels risques ?
Il vaut mieux dans ce cas de figure vous tourner vers la SAFER. Elle peut vous apporter un service en servant de lien entre vous et un investisseur extérieur.
La terre aux agriculteurs n’est donc plus un idéal ?
Ça vaut toujours mieux mais quand ce n’est pas possible, il faut bien trouver des solutions. Financièrement, acheter de la terre, c’est 3 à 5 fois plus cher qu’un loyer. Si un fermier ne peut pas acheter, il est donc essentiel qu’on trouve la solution pour qu’il puisse continuer à cultiver.
On évoque également des cas où, face à de gros problèmes de trésorerie, des agriculteurs vendent les terres dont ils sont propriétaires pour en devenir fermiers. Que faut-il en penser ?
Nous avons effectivement examiné ce genre de situation en comité technique. Nous avons dit “oui” parce que l’agriculteur restait fermier. Alors certes, on ne peut pas se satisfaire de ce phénomène de décapitalisation qui met en exergue la gravité de la crise agricole. Néanmoins, cela a permis d’apporter une réponse à une situation donnée. Nous agissons toujours dans l’intérêt des agriculteurs.
L’avis du Crédit Agricole
• A la question “je suis fermier, un de mes propriétaires veut vendre. Dois-je acheter ou trouver un apporteur de capitaux?”, Daniel Epron (président de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie) apporte une première réponse basique. “Si l’EBE dégagé par l’exploitation permet de faire face à un nouvel emprunt, la réponse technique et financière est : achetez”. Dans un second temps, tout se complique avec le risque de confusion entre l’investissement dans un outil de production et l’investissement foncier patrimonial. “C’est extrêmement compliqué. Il y a l’approche voulue : construction d’un patrimoine. Il y a aussi l’approche subie : je n’ai pas le choix, c’est à vendre, je dois faire face”. Dans les deux cas, au terme du remboursement de l’emprunt, le fermier sera propriétaire de ses terres. Mais dans l’approche subie, on peut penser que le montant des annuités aura impacté significativement le revenu. Voire qu’il aura rendu impossible d’autres investissements. Dans l’approche voulue, Daniel Epron précise tout de même qu’il faut se pencher sur la transmissibilité future de ce patrimoine avant d’ajouter : “tout ça, c’est aussi du passionnel”. Quant à trouver des apporteurs de capitaux : “c’est une vieille question sur laquelle on s’est déjà penché avec la création des GFA (Groupement Foncier Agricole). Globalement, si des investisseurs sont prêts à venir se substituer à l’exploitant pour acheter le foncier, avec les lois qui fondent le statut du fermage, c’est plutôt une bonne chose”.