Une dizaine d’ETA sous le scalpel des arracheuses à betteraves
lll Si l’arrêt de l’activité de la sucrerie de Cagny voulue par les Allemands est un coup rude pour la ferme régionale, il l’est encore plus pour une dizaine d’ETA (Entreprise de Travaux Agricoles) qui ont fait de la betterave sucrière un quasi-sacerdoce. Un coup fatal même pour certaines pour qui cette activité représente jusqu’à 90 % du chiffre d’affaires.
Les ETA plus impactées que les planteurs
Cette réalité, Patrice Gauquelin (président d’EDT Normandie, le syndicat des ETA) est venu à sa demande la rappeler à Patrick Dechaufour (président des planteurs de betteraves) lors d’une réunion informelle qui s’est tenue à la CRAN (Chambre Régionale d’Agriculture de Normandie) il y a tout juste une semaine. « Les ETA sont plus impactées que les planteurs », a-t-il souligné. « On ne peut plus dormir ». « Nos entreprises, ce sont de vraies familles ». « J’ai deux salariés qui viennent d’acheter leur maison et je vais être obligé de les licencier ». « Si je n’ai plus besoin de machines, je n’ai plus besoin de chauffeurs non plus ». « Je suis en cours de transmission d’entreprise, cette situation change tout », ont témoigné tour à tour les cheffes et chefs d’entreprises concernés. Selon un premier comptage et si l’on y ajoute Eppeville (80), c’est un parc de 70 arracheuses qui pourrait se retrouver ringardisé. L’équivalent de 20 à 30 millions d’euros d’investissements pas finis de remboursés mais condamnés à mordre la poussière. « Et ce n’est pas tout, il y a aussi des semoirs, des bineuses, des machines à écimer, des épandeurs d’écume, des débardeurs », liste-t-on encore du côté d’EDT Normandie.
Coordonner la résistance
Patrick Dechaufour a pris bonne note et a associé les ETA dans le plan de bataille. C’est d’ailleurs déjà le cas puisqu’elles étaient présentes à Cagny le 22 février et à Mannheim (Allemagne) le 12 mars dernier. Le patron des betteraviers a rappelé cependant l’importance de coordonner les différentes actions et de se défendre sur la base des mêmes chiffres. Il a également profité de l’occasion pour faire un point de situation. « Südzucker, coté en bourse pour 30 % de son capital et 58 % détenu par les planteurs allemands, a conduit ce dernier a développer un plan de restructuration préservant l’Allemagne au détriment de la France mais notre déplacement à Mannheim a crée le buzz : 123 articles de presse parus dont de nombreux outre-Rhin. Südzucker ne peut plus cacher la poussière sous le tapis...
La consommation de sucre stagne, voire baisserait en France et en Europe. Néanmoins, elle continue de se développer dans le monde avec + 3MT /an
Südzucker ne parle pas de fermeture d’usine mais de restructuration, ce qui lui évite de retrouver un repreneur, c’est là que se situe l’arnaque...
17 euros la tonne de transport entre Cagny et Etrepagny qui est déjà à 140 jours de campagne, ce n’est pas tenable...»
On l’aura compris. Le point de non-retour avec Saint Louis Sucre a été dépassé. L’enjeu est désormais de tordre le bras de Südzucker pour le ramener à la table des négociations. Non pas pour qu’il revienne sur sa décision de fermeture mais pour l’obliger à vendre l’outil. L’orientation d’un projet de reprise par les planteurs a un accueil politique très favorable et cette voie doit être confortée jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. « Un rachat avec un plan d’investissement », préconise Patrick Dechaufour avec une dernière consigne : « betteraviers, à vos semoirs... Un contrat, ça se respecte ». Allusion au courrier envoyé pas SLS aux planteurs la semaine dernière. Une énième tentative d’enfumage avant, chacun l’espère, une sortie de crise en juin.