S’engager dans des démarches de concertation sur un territoire
Vers une opération d’échanges amiables à Savigny-Montpinchon
S’entendre à deux pour échanger des parcelles est assez courant. Mais comment procéder quand les besoins sont importants et concernent tout un territoire ?

et les agriculteurs… impatients de rajouter le parcellaire sur le plan.

A Savigny, commune située entre Coutances et St-Lô, cela fait plus de deux ans qu’un groupe d’agriculteurs se pose cette question.“Au départ, se souvient Rodolphe Cauchard, président du GVA (Groupe de Vulgarisation Agricole) du canton de Cerisy la Salle, nous avions constaté que le parcellaire dispersé engendre beaucoup de contraintes, notamment pour l’accès des vaches laitières aux prairies. Celles-ci sont trop éloignées des bâtiments”.Plus largement, cette dispersion parcellaire est préjudiciable aux conditions de travail des agriculteurs, aux performances économiques des exploitations et par là-même à leur transmissibilité.Difficultés aussi pour appliquer les nouvelles techniques alternatives au traitement des cultures, “compliqué de biner avec des parcelles de petite taille et de nombreux recoins”. De même, la divagation des animaux constitue une forte préoccupation locale.Il y a bien eu des tentatives pour réaliser un aménagement foncier classique (type remembrement), mais elles n’ont pas, pour l’instant, pu aboutir. Et effectuer ponctuellement des échanges entre 2 agriculteurs, bien qu’utile, ne leur paraissait pas suffisant.
Se rassembler pour regrouper le parcellaire
Avec l’aide de la Chambre d’agriculture et du Conseil général, ces agriculteurs proposent alors une opération d’échanges amiables sur une ou plusieurs communes. Cette démarche intègre davantage d’agriculteurs, permet d’enclencher une dynamique locale et d’instaurer un cadre précis.“A plusieurs, nous avons davantage de possibilités. A peut échanger avec B, lequel va échanger avec C, et ce dernier échangera avec A ou D. Il faut provoquer un effet boule de neige” explique Rodolphe Cauchard. Cette opération-pilote va d’abord avoir lieu dans les communes limitrophes de Savigny-Montpinchon.Une attention particulière aux haies sera apportée. Selon Benoît Durand, autre membre du GVA “Il ne s’agit pas de réaliser un paysage de plaine dans notre pays d’élevage et assez pentu et nous ne sommes pas tout seuls sur le territoire”. La haie fait en effet partie de l’identité des communes à laquelle les habitants sont attachés. “Mais évitons également de tout sanctuariser. Nous souhaitons un bocage adapté à l’agriculture, qui protège les sols et qui s’entretient facilement”. Profiter de l’opération pour achever des boucles de chemins de randonnée figure aussi parmi les objectifs.
Une démarche totalement amiable
Tous les modes d’échanges seront proposés : échanges de propriété (la parcelle change de propriétaire et de locataire), échanges de fermiers (la parcelle ne change pas de propriétaire mais de locataire), échanges en jouissance (la parcelle change de locataire uniquement dans l’usage). Il s’agit d’une opération “totalement à l’amiable” a précisé Maryse Hédouin, élue Chambre d’agriculture du canton de Cerisy la Salle, où les propriétaires seront impliqués car ce sont eux qui en dernier lieu décident”. Eux aussi devraient y trouver un avantage car leurs terres seront revalorisées et la restructuration parcellaire favorisera leur transmission.Cette démarche est soutenue par le Département, comme a tenu à souligner M. Odille, en charge de l’aménagement foncier au Conseil général “les besoins de rationaliser l’espace sont urgents pour le maintien de l’agriculture dans certains secteurs. Plus il y aura d’agriculteurs partants, plus l’opération sera efficace”.
Un lancement début
2011Animée par le service Territoire de la Chambre d’agriculture, l’opération devrait démarrer début 2011. Les membres présents vont pouvoir alors travailler avec tous les agriculteurs des deux communes de Savigny-Montpinchon (et même au-delà) sur des propositions d’échanges. Impatients, ils savent aussi que la réussite d’une telle opération dépend beaucoup de l’intérêt que tous les agriculteurs y apporteront et de leur capacité “à se faire des propositions” comme l’a rappelé M. Odille.
interview
“Rationalisons notre territoire”
3 questions à Philippe Ripouteau, vice-président du Conseil général et président de l’Association pour la Promotion de l’Aménagement Foncier de la Manche (APAF).
Qu’est ce que l’APAF ?
C’est une association loi 1901 qui a été créée en 1986. Elle a pour buts d’informer, de réfléchir, de formuler toutes propositions intéressant l’aménagement concerté du territoire et la préservation de l’espace rural. Elle fait la promotion des outils de gestion de l’espace rural, en particulier les outils qui favorisent le regroupement parcellaire et la rationalisation de notre espace.
Pourquoi regrouper le parcellaire est important ?
La dispersion du parcellaire augmente les coûts de production et constitue un non-sens environnemental car elle accroît les consommations d’énergie et fige la répartition des effluents et les rotations agronomiques. Elle est surtout un handicap pour la sécurité routière, le maintien de l’agriculture et l’installation des jeunes agriculteurs.
Quels sont les outils pour regrouper les parcelles ?
- L’aménagement foncier général (nouvelle appellation du remembrement) : il s’agit de l’outil d’aménagement le plus abouti car il permet une restructuration complète d’un périmètre territorial communal ou intercommunal ; 12 communes sont en cours d’aménagement foncier dans la Manche.- Les échanges amiables : ils portent le plus souvent entre deux propriétaires et sur des superficies modestes. Ils sont subventionnés par le Conseil général. Nous souhaitons développer ce dispositif en l’organisant sur un territoire comme à Savigny-Montpinchon, notamment dans les communes déjà remembrées ou qui hésitent à se lancer dans une procédure d’aménagement foncier.