Une stagiaire pas comme les autres
[EN IMAGES] Avec Cindy Gelas, le savoir-faire normand s’exporte à Tahiti
Cindy Gelas ambitionne de lancer une filière de production laitière en Polynésie française d’où elle est originaire. C’est en Normandie, dans la Manche, qu’elle effectue sa reconversion professionnelle, la tête pleine de rêves
Cindy Gelas ambitionne de lancer une filière de production laitière en Polynésie française d’où elle est originaire. C’est en Normandie, dans la Manche, qu’elle effectue sa reconversion professionnelle, la tête pleine de rêves
Plus de 18 000 kilomètres, onze heures de décalage horaire, deux océans et vingt-deux heures d’avion ont longtemps séparé Cindy Gelas de son rêve. De son île de cœur, Tahiti, où elle a grandi et construit sa vie, à la Normandie, terre de ses ancêtres (du côté paternel), il n’y avait finalement qu’un (grand) pas.
Malgré les obstacles, la Polynésienne, Normande d’adoption, a tout quitté du jour au lendemain pour se former à l’élevage afin d’initier la création d’une filière lait dans le Pacifique, majoritairement importateur. C’est dans le berceau de ses aïeuls, dans la Manche, qu’elle a posé ses valises, épaulée par Laurent Letouzey, gérant du Gaec de la Blanche Maison à Bricqueville-sur-mer.
Une reconversion pro
Cindy Gelas est diplômée de l’école supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) de Paris. C’est à l’âge de 42 ans, à la suite du décès de sa mère, qu’elle décide de plaquer son job d’analyste financière du jour au lendemain. « Personne n’a compris. On m’a prise pour une folle. C’est un projet hors-normes » reconnaît-elle. Pourtant, elle s’accroche à sa volonté d’initier la première ferme pédagogique laitière de Polynésie française (304 000 habitants).
« Chez moi, il n’y a aucune formation en élevage laitier », note Cindy Gelas qui travaille mûrement son business plan avant de venir en France. Elle débute par du woofing sur la ferme du lieu Roussel à Douville-en-Auge, dans le Calvados. C’est une amie commune qui la met en relation avec Laurent Letouzey, polyculteur éleveur – Prim’Holstein, maïs, blé et orge en cultures de vente.
« J’aime transmettre mon savoir-faire, faire connaître mon métier », explique l’agriculteur. C’est donc tout naturellement qu’il accueille en stage la brune à l’accent exotique, laquelle suit depuis septembre 2022 un BPREA à la MFR de Maltot. « Les agriculteurs m’ont accueillie à bras ouverts », se réjouit-elle.
Impulser le mouvement
« Aujourd’hui, sans avion, sans bateau, la Polynésie est complètement dépendante. Lors de la crise sanitaire, ça a été une catastrophe. […] Ce n’est pas le tourisme qui va nous nourrir », martèle Cindy Gelas. En Polynésie, l’importation alimentaire dépasse les 80 %. Le coût de la viande ou d’autres produits est parfois supérieur de huit fois le prix en France.
Côté agriculture, 40 000 ha sont cultivés majoritairement pour les fruits (cocoteraies par exemple). « J’espère que ce projet noble, pour l’autonomie alimentaire, poussera d'autres Polynésiens à se lancer, estime-t-elle. Il répond à une demande et je suis très soutenue par le gouvernement de mon pays. »
Des Normandes en Polynésie ?
Cindy Gelas aimerait implanter sa ferme pédagogique à Moorea – une des 118 îles de Polynésie, en face de Tahiti. « L’environnement polynésien n’est pas du tout le même. C’est beaucoup plus humide et chaud. L’herbe pousse toute l’année. Cela exige une maîtrise technique réfléchie », explique-t-elle. Le gouvernement lui met à disposition 20 ha de terres. « Ce sera une petite ferme avec huit vaches, quelques chèvres et brebis. C’est peut-être anodin ici, mais chez nous, c’est exceptionnel », remarque-t-elle. La Tahitienne d’origine veut y faire du pâturage dynamique.
Elle hésite entre la race Normande, Jersiaise, Montbéliarde ou Prim’Holstein. « Il y a une préférence pour la Normande car c’est une race rustique, appréciée pour ses qualités mixtes », concède Laurent Letouzey avec malice. L’objectif sera de tout transformer sur place. En attendant, Cindy Gelas compte s’exercer sur d’autres fermes à l’issue de son diplôme en juin prochain. « Je veux m’enrichir, acquérir le maximum de savoirs pour repartir avec. Je me laisse deux-trois ans », conclut-elle.
Pour plus d’information, consultez son site web.