L'agriculture au féminin à l'assemblée générale des JA de la Manche
Jeunes agriculteurs de la Manche : "Foncez les filles"
À l'assemblée générale des Jeunes agriculteurs du 22 mars 2024, le débat tournera autour de la place des femmes en agriculture. Rencontre avec Vanessa Vimond et Aline Champvalont, salariées agricoles toutes les deux et épanouies dans leur métier au quotidien.
À l'assemblée générale des Jeunes agriculteurs du 22 mars 2024, le débat tournera autour de la place des femmes en agriculture. Rencontre avec Vanessa Vimond et Aline Champvalont, salariées agricoles toutes les deux et épanouies dans leur métier au quotidien.
Vanessa Vimond fait partie du conseil d'administration des Jeunes agriculteurs de la Manche. À 34 ans, cette maman de deux jeunes garçons a toujours voulu être agricultrice. "Mes grands-parents, mes parents étaient agriculteurs", précise-t-elle. Alors naturellement, elle a suivi des études agricoles, notamment un bac professionnel, un BTS Acse, et une licence Cafti pour être inséminatrice. Ce qu'elle a fait pendant huit ans, au sein de Innoval. Si elle a été installée pendant trois ans, elle a fait le choix aujourd'hui de devenir salarié agricole sur une ferme laitière à Saint-Martin-d'Aubigny, au sein d'un Gaec de deux associés. "Au Gaec des Marettes, je suis polyvalente. J'aime les cultures mais j'aime l'élevage également. Je n'aime surtout pas la routine", indique-t-elle.
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Pendant ces années d'installation, elle a eu comme stagiaire Aline Champvalont, aujourd'hui âgée de 20 ans. Et son père, qui n'est autre qu'un associé du Gaec des Marettes, lui a transmis le virus. Alors elle a débuté par un bac professionnel au lycée de Saint-Lô Thère en continuant par un CS lait au lycée agricole de Coutances. Aujourd'hui, elle est salariée agricole dans une ferme de la commune, le Gaec Giard.
Faire ses preuves
En tant que femme, est-ce facile de faire sa place ? Telle est la question qui sera abordée lors de l'assemblée générale des Jeunes agriculteurs de la Manche le 22 mars 2024. "Il faut toujours faire ses preuves", confie Vanessa Vimond. "On regarde souvent comment on se débrouille la première fois, par exemple pour détourer une parcelle. Et quand j'étais inséminatrice sur le secteur de Bayeux, là aussi j'ai fait face à des remarques. Un éleveur pensait que je ne serais pas en capacité d'inséminer la vache. Il m'avait demandé s'il fallait qu'il appelle mon collègue homme", sourit-elle.
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Aussi bien la traite que le tracteur
Avec 13 ans d'écart, les deux jeunes femmes font pour autant à peu près la même chose sur les exploitations sur lesquelles elles sont salariées. "Je fais aussi bien la traite, le soin des veaux, que du tracteur, ou remplir l'unité de méthanisation", explique Aline. Mais pour certains hommes, la vision reste "les femmes à la traite et les hommes sur le tracteur". Dans les corvées d'ensilage, "il est très facile de mettre les erreurs sur le dos d'une femme. Même si c'est dit sur une note d'humour, c'est souvent la femme qui est mise en cause". Pour autant, les deux jeunes femmes sont toujours autant attirées par le milieu. Et pour les jeunes femmes qui souhaiteraient s'engager dans le milieu agricole, Vanessa, comme Aline ne peuvent que les encourager. "Foncez les filles ", disent-elles. "Il faut du tempérament pour exister dans ce milieu et faire sa place. Mais on a notre place agriculture", assurent-elles.
De futures installées
En une dizaine d'années d'expérience, Vanessa remarque tout de même que les mentalités changent. "Les exploitations se modernisent. Et ce n'est pas parce que nous sommes des femmes que nous ne pouvons pas arriver à faire certaines choses. Certes, nous pouvons avoir moins de force qu'un homme, mais nous réfléchissons pour pouvoir être à la hauteur" confient-elles, Vanessa reste attirée par l'installation. "Cela reste dans le coin de ma tête", indique-t-elle. Mais pour conserver sa vie professionnelle et sa vie personnelle, elle ne le fera pas avec son futur mari Maxime. Quant à Aline, elle aussi a envie de revenir sur l'exploitation familiale. Et c'est surtout sa maman, qui n'est pas agricultrice, qui l'a encouragée dans cette voie. Au travers de ses formations qu'elle a pu faire auprès de Vanessa, comme maître de stage, elle a su vaincre sa timidité. Les deux jeunes femmes sont aujourd'hui engagées au sein des Jeunes agriculteurs du canton de Marigny. Et Vanessa a intégré le conseil d'administration des JA de la Manche. Un conseil, qui sur les 17 membres, ne compte que deux femmes. Peu importe. Elle s'y sent bien.
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En agriculture, des femmes au profil varié
Une expérience solide. 62 % y travaillent depuis au moins 10 ans, dont même 38 % depuis plus de 20 ans, 36 % ont entre 35 et 49 ans et 46 % ont entre 50 et 65 ans.
Un choix de cœur. Quasiment toutes la décrivent comme un métier " passion " (93 %) qui leur semble de toute évidence essentiel (96 %) et dans lequel elles s'épanouissent (84 %, 92 % même pour les plus jeunes de moins de 35 ans).
Des origines diverses. 46 % sont issues d'une famille agricole, 30 % d'une famille rurale non-agricole et 24 % d'une famille citadine.
Femmes ou filles de. Seule une sur deux (52 %) a son conjoint qui travaille dans le domaine agricole. Cette proportion varie néanmoins selon le statut : si près de 3/4 (71 %) des employeuses de main-d’œuvre sont femmes d'agriculteur, ce n'est le cas que d'une cheffe d'exploitation sur deux (55 %) et d'une salariée sur trois (32 %).
Productrices. Les agricultrices travaillent très majoritairement dans la production agricole, à parts quasi égales entre production végétale, culture (41 %) et production animale, élevage (37 %), peu dans la transformation de produits agroalimentaires (8 %). 6 dirigeantes agricoles sur 10 travaillent aujourd'hui en agriculture conventionnelle, un quart en agriculture biologique ou en conversion bio.
Reconversion professionnelle pour 37 %. Quand on voit que cette proportion monte à 44 % parmi les cheffes d'exploitation, cela semble traduire la volonté entrepreneuriale des femmes du monde agricole sans oublier une forme de dynamisme du secteur.
Un métier ingrat ? 95 % estiment le métier d'agricultrice à la fois particulièrement difficile, et très peu reconnues (87 %) et très peu rémunérateur (82 %).
Inégalités femmes-hommes ? Si les trois quarts des agricultrices (77 %) estiment entretenir de bonnes relations avec les hommes du milieu agricole, elles sont néanmoins 83 % à y constater des inégalités entre les femmes et les hommes.
L'enjeu de la rémunération. Deux tiers (66 %) des agricultrices jugent leur rémunération insuffisante, et cette proportion monte même à près des trois quarts (73 %) parmi les cheffes d'exploitation. Parallèlement, concilier vie privée et vie professionnelle reste compliqué pour les agricultrices : 41 % ne sont pas satisfaites de leur équilibre vie pro-vie perso, cette proportion montant jusqu'à 52 % parmi les cheffes d'exploitation.