Lin, chanvre, textile, écomatériaux...
VIDEO. La filière lin unie pour sa réindustrialisation en France
La filière lin française s’est réunie lors des 7e Rencontres de l’association Lin et chanvre bio à Saint-Gabriel-Brécy (14), mardi 15 juin 2021. Après la (re)naissance de trois filatures en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais et dans l’Eure, tous les acteurs sont en ébullition.
La filière lin française s’est réunie lors des 7e Rencontres de l’association Lin et chanvre bio à Saint-Gabriel-Brécy (14), mardi 15 juin 2021. Après la (re)naissance de trois filatures en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais et dans l’Eure, tous les acteurs sont en ébullition.
En France, pas moins de trois filatures de lin sont en cours. La première est déjà née, en 2019 en Alsace, les deux autres, dans l’Eure et le Nord-Pas-de-Calais, devraient voir le jour en 2022. Deux autres projets sont à l’étude, l’un en Bretagne, l’autre en Nomandie, par LCBio. Alors que la dernière filature tricolore a été délocalisée en Pologne en 2005, ces quatre projets inaugurent un changement. Un signe des temps ?
Une filière lin locale
Toute (ou presque) la filière était présente aux 7e Rencontres de l’association Lin et chanvre bio (LCBio) à Saint-Gabriel-Brécy (14), dans la ferme de Franck Durocher, soit 350 personnes, de la production du lin, à sa commercialisation, en passant par la transformation. D’Occitanie, d’Alsace, du Nord, de Haute-Normandie, le constat était le même : le Covid a changé quelque chose. La présence d’Emmanuelle Fernandez, gérante de deux magasins U dans la Drôme et responsable textile pour Système U, le confirme : « les clients ont une manière de consommer différente. Ils recherchent la durabilité des produits et vont de moins en moins vers le renouvellement ». Système U s’est engagé à distribuer des produits fabriqués en France à base de lin, en partenariat avec l’association Savoir faire ensemble. Olivier Guillaume, patron de Safilin affirme que la filière française pourrait produire 1 million de vêtements. Pour comparaison, la France en consomme 1 milliard. Le surcoût du vêtement entièrement fabriqué dans l’Hexagone s’élève à 2 €, « c’est acceptable et digérable », selon lui.
Créer une filière soudée
S’il veut participer à la réindustrialisation française, le patron de Safilin prévient, « il y a une prise de risque dans les projets industriels, c’est important que les acteurs de l’aval jouent leur rôle en nous assurant que l’industrialisation sera payante ». Pierre Schmitt, patron de Emmanuel Lang en Alsace pense qu’« il y a de la place pour de nouveaux acteurs ». Et défend leur enthousiasme à relocaliser, « l’innovation ne se fait pas en délocalisant, mais en relocalisant et en ayant tout le monde autour de soi ». De citer les constructeurs de machines et aussi les chimistes. « On a besoin de s’engager les uns avec les autres », résume Myriam Conzett, présidente de LINportant.
Les aléas de la fibre naturelle
Après une année 2020, « pauvre en qualité et en quantité », selon le courtier Olivier Levasseur, on s’interroge sur la pérennité d’une filière entièrement basée sur la fibre végétale. « Il faut travailler à des marchés de tissus plus gros », affirme-t-il. Autre piste : l’association de fibres comme le lin et la laine qui permet de « désaisonnaliser le lin, catalogué été », suggère Nina Giorgi de LCBio. Marion Lemaire, fondatrice de Splice, confection de vêtements en lin, estime quant à elle que c’est aux acheteurs de s’adapter, « nous devons faire avec ce que la nature nous donne tous les ans ». Et « ne pas toujours faire ce qui était prévu dans les plans de collection », enchaîne Olivier Guillaume.
Savoir-faire perdus
Myriam Conzett pointe la difficulté liée à la relocalisation : « les connaissances ont été largement perdues ». Olivier Guillaume abonde, « on a besoin de formations pour des couturiers, des tisserands », il appelle « la nouvelle génération à prendre la relève ». A Mulhouse, Pierre Schmitt envisage de monter une plateforme de formation « pour réhabiliter ce métier et qui servirait de modèle à toute la France ». Dans le Nord, Olivier de Catillon, directeur du tissage Lemaître Demester, annonce le lancement de la Textile vallée dédiée au lin et au chanvre.
La recherche sur la culture du chanvre a fait un bond en avant cette année et le rêve de travailler la fibre de chanvre comme le lin se concrétise. « Henri Pomikal est devenu notre leader », s’incline Jacques Follet, président de LCBio, un succès qui explique aussi la tenue des 7e Rencontres dans le Calvados. Pour cette filière également, « la crise sanitaire a repositionné les choses », constate Nathalie Fichaux, présidente d’Interchanvre : la demande d’isolants biosourcés a augmenté de 30% depuis la pandémie, « on a des demandes de la part d’entreprises textiles internationales de nous structurer pour mettre du chanvre dans leurs références ». Il est même prévu qu’une partie des bâtiments des JO 2024 soient construits en chanvre, « nous espérons pouvoir produire des tenues pour les sportifs à base de celluloïde de chanvre », annonce Nathalie Fichaux.
La demande en lin biologique est croissante. Aussi, l’association LCBio « voudrait bien qu’il y ait plus d’agriculteurs qui passent en bio car il y a de la demande ». Sur les 135 000 ha de lin cultivés en France, seuls 1 000 sont en AB. Et encore, 700 sont en cours de conversion. Si la perte de rendement est estimée entre 15 et 30%, le prix payé est plus élevé, « de 1,5 € la filasse », révèle Jacques Follet le président. « Les agriculteurs en conventionnel n’ont pas besoin de passer en bio parce que ça marche déjà bien », regrette-t-il. Avec Méline Schmit à Sommervieu et Franck Durocher à Saint-Gabriel-Brécy, en cours de conversion, ils sont trois dans le Calvados, sur les 88 en France (environ 20 dans l’Eure et 20 en Seine-Maritime). L’association envisage d’aller démarcher des liniculteurs des Hauts-de-France.