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Katrine Lecornu, présidente de la branche française d’EDF (European Dairy Farmers)
La Normandie laitière a de l’avenir

La branche française d’EDF s’est réunie le 13 janvier dernier au GAEC Le Jeanne à Moussonvilliers (61). Elle a porté à sa présidence Katrine Lecornu, productrice de lait à Nonant (14), convaincue que la Normandie laitière a de l’avenir.

“C’est important de prendre du recul. Il ne faut pas se laisser déborder par le travail de tous les jours”.
“C’est important de prendre du recul. Il ne faut pas se laisser déborder par le travail de tous les jours”.
© TG
Qu’est-ce qui vous a poussée à entrer au sein d’EDF ?
Cela remonte à une dizaine d’années. Nous changions de dimension en passant de 50 à 100 vaches. Avec mon mari, nous nous posions cette question : faut-il adopter un système extensif de type Néo-Zélandais tout herbe ou au contraire très intensif comme aux Pays-Bas ? Il nous fallait voir ailleurs, dans d’autres pays. C’est ainsi que j’ai participé à mon premier congrès EDF. C’était en Pologne.

Vous y avez trouvé la réponse ?
Notre conclusion a été qu’il ne fallait pas vouloir appliquer à tout prix chez soi un système qui convient à un autre. Il faut prendre en compte les facteurs limitants et les points forts de son exploitation (climat, foncier, main-d’œuvre...) et bien définir ses objectifs. Cette réflexion nous a guidés pour concevoir notre propre système qui n’est ni Néo-Zélandais, ni Hollandais, ni Danois...

Pourquoi avoir créé une branche française d’EDF ?
C’est grâce au BTPL(1) qui nous a bien éduqués et nous accompagne depuis de nombreuses années. Nous voulions assurer notre autonomie et notre indépendance en constituant une association de type 1901. Nous allons bien sûr continuer à travailler avec le BTPL, qui met à notre disposition un ingénieur référant, pour tout ce qui est fonctionnement courant. 

Quelle est votre principale raison d’être ?
C’est la comparaison des coûts de production au litre de lait. Nous disposons d’un logiciel européen renseigné par 300 producteurs qui mettent leur comptabilité sur la table. Ça permet de comparer des choses comparables en dehors des choix fiscaux.

En tant que présidente, quelle est votre priorité ?
Assurer la promotion d’EDF dans toutes les régions françaises et améliorer notre communication interne pour répondre aux demandes d’interventions de plus en plus nombreuses de la part d’organismes privés ou coopératifs.

Quelle est la nature de ces interventions ?
Les organismes qui nous sollicitent veulent connaître notre vision de la production laitière française par rapport à ses voisins européens, voire mondiaux.

Et quelle est cette vision ?
On entend souvent dire que la France n’est pas compétitive, qu’on est moins bons que les autres, qu’on n’utilise pas notre potentiel... Grâce à la réflexion menée au sein d’EDF, nous mettons en évidence que certes la production laitière française doit faire face à quelques handicaps mais qu’elle dispose aussi de nombreux atouts.

La France laitière et la Normandie laitière ont donc de l’avenir?
Nous sommes très bien armés en Normandie. Nous n’avons pas de souci de nitrates. Nous produisons des céréales donc potentiellement de la nourriture pour nos animaux. Nous avons des places disponibles dans les bâtiments. Nous avons des transformateurs qui sont des leaders mondiaux : Danone, Yoplait, Lactalis... Je pense également au projet AGRIAL qui constitue un exemple de dynamisme très fort. La Normandie dispose d’une culture laitière très marquée et encore pleine d’avenir. Certains de nos voisins européens nous disent : “vous avez de la chance. Nous, on ne fait que du beurre, de la poudre ou de l’emmental”...

Un mot sur la conjoncture laitière ?
Ça se passe plutôt bien mais comme je l’ai encore entendu  en Angleterre : attention. Dans ce contexte de volatilité, nous sommes en haut de la courbe. Il est certain qu’on va redescendre demain.

Quelle attitude adopter dans ce contexte ?
Faire des réserves financières pour éviter de recourir aux emprunts de trésorerie ou au fonds de roulement quand le prix du lait baissera. Nous ne sommes pas des utopistes mais des réalistes. Avec la volatilité, il y aura d’autres crises. Autant de défis à relever mais ce n’est pas infaisable. Il faut se donner les moyens.

Quelle est votre position sur la contractualisation ?
On ne se positionne pas mais on en parle entre nous. Notre association est apolitique et asyndicale. Cependant, parce que nous sommes des chefs d’entreprise, contractualiser avec un acheteur nous paraît logique.

Quelles sont les caractéristiques communes des producteurs EDF ?
La curiosité et l’esprit d’ouverture. Nous ne sommes pas des extrémistes de l’agrandissement mais nous pensons que nous devons nous donner les moyens de faire les bons choix pour exister encore demain, pour continuer à prendre du plaisir et gagner de l’argent, pour être à la fois entrepreneur et garder la passion de l’élevage.

Vous avez évoqué la communication, comment mieux faire passer les messages des éleveurs ?
En étant fier de ce que l’on fait. A cette condition, on communique naturellement et positivement. Si on se sent coupable d’être pollueur, d’être dépendant des aides PAC, si on se sent dénigré par les écolos ou ses voisins de village, on se positionne sur la défensive avec la crainte d’être attaqué de toutes parts. Lors de nos travaux dans l’Orne, l’intervention principale a porté sur la créativité. En période de crise, il faut transformer les menaces en opportunités en se disant : “il faut que j’adapte mon sytème”. EDF travaille également énormément sur l’humain. En production laitière, le plus gros handicap, ce n’est peut-être pas l’économique. Nous disposons de moins en moins de main-d’œuvre et ce n’est pas le robot qui va résoudre tous nos problèmes. 
(1) : rassemblant 24 coopératives adhérentes, le BTPL (Bureau Technique de Promotion Laitière) est un réseau travaillant pour l’ensemble de la filière laitière. Il est composé d’une vingtaine d’ingénieurs répartis dans toute la France. Son cœur de métier : la production à l’interface entre coopératives et éleveurs. Présents auprès de tous les acteurs de la filière laitière, le BTPL travaille sur toutes les problématiques amont des entreprises proches de cette filière qu’il s’agisse de coopératives ou d’entreprises privées.En savoir plus sur EDF
Créé en 1990, EDF (European Dairy Farmers) réunit 300 producteurs de lait (dont une cinquantaine en France) issus de 19 pays européens pour des cheptels de 40 à 1 800 vaches laitières. Ses objectifs sont de favoriser les échanges d’expérience et d’informations entre éleveurs, de cultiver l’idée européenne, de comparer les différents systèmes de production en Europe et dans le monde du point de vue de leur efficacité et de coopérer avec les secteurs amont et aval. Au chapitre de ses activités, notamment la comparaison internationale annuelle des coûts de production et un observatoire (www.milkprices.nl) qui compare le prix du lait de 16 des plus grandes entreprises laitières en Europe. Pour en savoir plus, vous pouvez également consulter le site www.dairyfarmer.net
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