Lactalis refuse le dialogue direct avec les producteurs manchois
Plus d'une centaine de producteurs laitiers a manifesté devant l'usine Lactalis de Sainte Cécile, dans la Manche, pour protester contre le prix du lait payé par le numéro un mondial du lait. A l'appel de la FDSEA et des JA de la Manche, les manifestants se sont retrouvés vendredi dernier en début d'après-midi devant le site de transformation pour demander à la direction de venir s'expliquer. «Aujourd'hui, Lactalis est le moins-disant de tous les transformateurs, nous voulions qu'ils s'expliquent publiquement et non en petit comité, et qu'ils nous disent pourquoi une citerne transportant de la crème venue des Pays-Bas a été aperçue sur le site dimanche», a indiqué Antoine Maquerel, président des JA de la Manche. La direction ayant refusé de venir discuter dehors devant l'ensemble des manifestants, ces derniers ont déversé trois remorques de détritus devant les grilles de l'usine, avant d'y mettre le feu. Ils ont ensuite remis à Lactalis le trophée du lauréat «qui paye le prix le plus bas».
Les dirigeants de Lactalis auraient-ils peur de descendre dans l'arène du mécontentement ? La question mérite d'être posée. Vendredi dernier, devant l'usine Ste Cécile du géant lavallois, ils ont accepté le principe d'une ouverture de portillon à une délégation de manifestants triée sur le volet mais pas celui de venir s'expliquer in situ devant leurs fournisseurs de lait. «On ne peut pas accepter, c'est de l'enfumage», ont déploré les responsables FDSEA et JA de la Manche.
L'enfumeur s'est alors fait enfumer.
L'enfumeur enfuméCe manque de dialogue direct ne va pas vers l'apaisement. «Il faut garder des forces, on aura encore besoin de vous», a insisté Antoine Maquerel (président des JA de la Manche) à l'issue de ce rendez-vous épié par un huissier de justice mandaté par Lactalis. Auparavant, Sébastien Amand (président de la FDSEA) et Ludovic Blin (président de la section lait) avaient replacé ce mouvement de colère dans son contexte. «C'est Lactalis qui est le moins-disant sur le prix du lait. C'est Lactalis qui déroge à ses obligations contractuelles (...). Nous avons en France un marché de la consommation qui est bien plus élaboré que dans les autres pays européens grâce notamment au travail réalisé par l'interprofession que nous finançons à 70 %. On crève dans les exploitations alors que les industriels laitiers affichent des croissances à 2 chiffres». Et le syndicalisme jeune et aîné de faire quelques distinguos: «la coopération fait des efforts en payant 50 EUR/1000 litres de plus». Mal perçu également, le pseudo-soutien de 30EUR revendiqué par Lactalis : «pendant ce temps, il baisse son prix de base d'autant. C'est du foutage de gueule». Pas d'explication non plus sur le camion intercepté la semaine dernière par les JA et contenant de la crème en provenance des Pays-Bas (voir notre dernière édition). Sur ce sujet, le syndicalisme a interpellé les pouvoirs publics : «un camion non réfrigéré parti de son lieu de départ 48 heures auparavant. Il faudrait peut-être faire les contrôles sanitaires nécessaires...»
Foutage de gueule
Après 2 heures de sitting-barbecue devant les grilles de l'usine et face au refus d'un échange transparent, FDSEA et JA ont changé de braquet. Trois bennes de détritus ont été déposées devant l'entrée et la coupe du «lauréat de prix le plus bas» remise symboliquement à Lactalis. Mais si le calme a prévalu, la spirale du moins-disant a ses limites. «En 2014, Lactalis payait son lait 7 EUR de moins que ses concurrents. En 2015, 11 EUR de moins. En 2016, 15 EUR de moins.» On approche dangereusement du point de rupture. La politique «prix» menée par le géant lavallois cristallise les mécontentements un peu partout dans le Grand Ouest. La fin d'été pourrait être caniculaire.