Crise du Covid-19
Privés de débouchés, les poiréculteurs manquent de trésorerie
Au seuil de la Manche, Didier Lemorton produit du calvados, « à 70, 90% composé de poiré » à Mantilly (61) dans le Domfrontais. Troisième génération du nom, il commercialise des calvados très millésimés, qu’il exporte à 80% hors de nos frontières.
Au seuil de la Manche, Didier Lemorton produit du calvados, « à 70, 90% composé de poiré » à Mantilly (61) dans le Domfrontais. Troisième génération du nom, il commercialise des calvados très millésimés, qu’il exporte à 80% hors de nos frontières.
La visite de ses nouvelles cuves en inox, dans un bâtiment récent, débouche sur les calvados, encuvés dans les années cinquante pour les plus anciens. La boutique propose aussi du poiré, dont le poiréculteur produit entre 8 et 10 000 bouteilles par an. Ici, comme dans la plupart des boutiques à la ferme, depuis mardi 17 mars, on ne voit plus personne.
Sans aide publique
La filière du poiré connaît les mêmes perturbations que sa cousine la pomme : baisse des ventes en supermarché, clients absents des fermes. Les producteurs ont vu leur chiffre d‘affaires baisser de 90% en moyenne. Et pourtant, ils ne sont pas éligibles aux aides. « Notre production cidricole est associée à l’élevage qui valorise l’herbe aux pieds des pommiers à haute tige, indique Martine Lemorton, nous vendons encore notre lait et notre viande ». Les exploitations ne cochent pas les cases des aides publiques.
Toute la récolte
Jérôme Forget est poiréculteur à Torchamp et président de l’ODG (organisme de gestion) du Domfrontais, « nous, les producteurs fermiers, on vend essentiellement en direct aux cavistes et aux restaurateurs ». L’annulation des mariages et autres festivités les frappe directement. Ils s’attendent à « des impacts jusqu’en septembre. On a une réelle inquiétude sur la relance de la consommation ». Contrairement à la filière pomme qui demande des aides pour la destruction de fruits, les poiréculteurs souhaitent récolter toute leur production 2020. « On va stocker le poiré, ajoute Jérôme Forget, il vieillit bien, on peut le conserver quatre, cinq ans ». En revanche, les difficultés de trésorerie se font déjà sentir et c’est ce qui inquiète la profession.
Aides régionales
À l’appel du Comité de soutien aux ODG cidricoles (CICD), le président de la Région Normandie, Hervé Morin, a mandaté la maire de Dozulé, Sophie Gaugain, pour l’étude d’un plan d’accompagnement qui sera présenté à la fin du mois. Il porterait principalement sur un plan de communication en faveur des boissons cidricoles normandes dans les lieux touristiques ainsi que des opérations en grande distribution. Hervé Morin indique avoir aussi saisi le ministre de l’Agriculture pour qu’il étende l’exonération fiscale accordée aux viticulteurs, aux producteurs de la filière.