Impactons
Un débat sur la PAC très centré sur les nitrates
Le débat public intitulé Impactons tenait sa deuxième réunion à Saint-Lô, le 18 septembre dernier. 45 personnes ont longuement échangé autour des problématiques de l’impact de l’agriculture sur la qualité de l’eau. Explications.
Le débat public intitulé Impactons tenait sa deuxième réunion à Saint-Lô, le 18 septembre dernier. 45 personnes ont longuement échangé autour des problématiques de l’impact de l’agriculture sur la qualité de l’eau. Explications.
Initié au printemps, le débat public organisé par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP),
organisme public indépendant, a dû être suspendu pendant le confinement. Il a redémarré pour ce qui concerne les réunions publiques le 11 septembre à Châlons-en-Champagne. Cette phase prévoit onze étapes régionales d’ici fin octobre, chacune portant sur un thème particulier.
La réunion de Saint-Lô le 18 septembre était la deuxième et portait sur le lien entre la PAC et les ressources naturelles. La CNDP doit aussi compiler les « cahiers d’acteurs » qui sont les contributions que les groupes, associations et syndicats peuvent déposer, de même que les contributions individuelles dont les citoyens peuvent faire part. La CNDP doit remettre son rapport au ministre de l’Agriculture fin décembre.
Les nitrates s’invitent
Particularité du débat, il coïncide avec la consultation du public prévue dans le cadre de la révision du programme d’action lié à la directive nitrate. Ce 5e programme arrive à échéance et un 6e programme doit entrer en vigueur en septembre 2021.
Les organisateurs ont donc choisi de faire d’une pierre deux coups et d’organiser un débat sur les nitrates en agriculture dans le cadre du débat prévu à l’origine sur le thème « ressources naturelles en agriculture : quels apports ? Quels impacts ? »
La réflexion a été rondement menée, en trois heures. Répartis en huit tables, les participants ont planché sur la connaissance de la qualité de l’eau : quelles sont les données ? Les évolutions ? L’impact des pratiques agricoles ?
Des propositions à foison
Dans la deuxième phase de réflexion chaque table devait se mettre d’accord sur trois mesures susceptibles d’améliorer la qualité de l’eau, et sur les moyens d’accompagner les agriculteurs dans une amélioration de leurs pratiques. A l’issue, l’ensemble des participants pouvait exprimer ses préférences parmi l’ensemble des propositions ainsi formulées.
Ainsi, 23 mesures ont émergé des huit tables pour améliorer la qualité de l’eau. Onze ont été soumises au vote et les plus votées ont été les suivantes :
• mieux répartir les épandages et les rotations agronomiques ;
• accompagner les agriculteurs en agro-écologie pour éviter de retraiter les eaux en épuration et accompagner la recherche-développement sur l’innovation ;
• reconnaître l’herbe comme culture (ne pas faire de différence entre prairie temporaire et prairie permanente) ;
• favoriser le regroupement parcellaire autour des bâtiments d’élevage pour favoriser le pâturage ;
• favoriser les rotations qui permettent la couverture permanente des sols
• gérer les haies de façon collective.
Quant aux moyens d’accompagnement des agriculteurs, 14 des 22 propositions faites ont été soumises au vote et les plus votées sont :
• assurer des prix rémunérateurs pour permettre une lisibilité économique du système d’exploitation-améliorer la sécurité économique ;
• faciliter les conditions de travail pour se former, favoriser l’échange et la coopération ;
• améliorer l’attractivité pour les jeunes ;
• garder la cohérence entre les réglementations nationales des États-membres de l’UE ;
• aides par actif, reconnaissance des différents systèmes d’exploitation/prise en compte de l’humain dans la fiscalité.
Jeune retraité des Jeunes Agriculteurs, François Rihouet a participé au débat. Il juge la formule « intéressante à condition que l’on ait l’intention de se mixer » avec d’autres participants. Il pointe aussi, pour la profession agricole, le risque de voir ses idées écartées « si on n’est trop minoritaire à chaque table ». Pour lui, l’exercice a le mérite d’exister même si le mélange PAC et eau laisse « un goût amer ». Pourquoi cela ? François Rihouet juge le débat orienté par les questions qui sont posées. Il regrette que le débat de la PAC ne porte pas assez « sur les aspects agricoles et alimentaires, pas plus que sur l’aspect européen de la PAC qui doit s’appliquer partout en Europe ». Réfléchir de front aux deux aspects de la PAC et de la qualité de l’eau porte en germe le risque de financer par la PAC les externalités positives que l’agriculture apporte sur l’eau, alors que, selon François Rihouet, « les prestations de services environnementales (PSE) doivent être financées autrement que par la PAC qui, elle, doit payer pour la production agricole et alimentaire ». En bref, le débat public porte des aspects positifs et négatifs sans satisfaire complètement les participants. Dernier regret pour François Rihouet : « que dans la Manche on ait tant parlé des volumes d’eau en termes de déficit et si peu de la gestion des excédents auxquels nous sommes confrontés ».